Non à la privatisation d’un événement historique
Si j’en crois les journaux télévisés de TF1, l’affaire est faite : le débat du 2 mai entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy se déroulera sur la chaîne de Cauet, de Pernault et de Coca-Cola.
On peut s’étonner d’une telle affirmation du leader des télévisions privées - dès l’apparition des premiers résultats - alors que chacun sait que de telles émissions polémiques demandent de longues et difficiles négociations. Et que les enjeux d’un tel choix intéressent l’ensemble des citoyens et pas seulement les actionnaires de TF1.
Curieusement, les autres chaînes de télévision qui pourraient également prétendre à la diffusion de cet évènement ne semblent pas vouloir faire état de leur candidature comme si la prédominance de TF1 rendait la chose incontournable.
Or, aujourd’hui, du fait justement des résultats de ce premier tour, TF1 est au coeur du débat démocratique. Sa suprématie est remise en cause et notamment sa présence dans le montage de France 24. Les médias et notamment les chaînes du groupe Bouygues ont été, à plusieurs reprises, l’objet de polémiques à la fois éthiques et industrielles. Les liens entre les dirigeants de la chaîne et le candidat arrivé en tête sont aujourd’hui une vérité d’évidence qui ne prête pas à discussion.
Le choix du lieu de ce débat n’est donc pas un évènement neutre.
Le point de vue, déjà usé jusqu’à la corde, de la meilleure audience possible est évidemment totalement remis en cause par l’irruption des nouveaux médias. Comme l’avait suggéré François Bayrou pour contourner les règles trop figées du CSA - lui même aujourd’hui contesté -, on peut penser diffuser un tel évènement sur l’internet. En prenant toutefois en compte le besoin démocratique de ratisser large, on doit toutefois faire le choix - encore obligatoire pour certains - de la diffusion hertzienne d’un événement qui, quoiqu’il arrive, est déjà un évènement historique.
La nature de l’enjeu n’en fait pas seulement un évènement d’information. Il est clair que la présence, pour la première fois, d’une femme candidate à un tel niveau, ne limite pas la prestation à un affrontement de programmes et d’idées !
On saisit, dès lors, l’intérêt pour le leader de la publicité télévisée hexagonale de proposer la mise en scène de l’affrontement des deux principaux candidats.
Pour ce qui me concerne, TF1 est discréditée sauf à vouloir définitivement faire disparaitre l’idée même de service public à la télévision.
Eh oui, j’insiste, le lieu d’un tel débat n’est pas neutre.
Si nous voulons, malgré sa spécificité, faire de ce débat inédit autre chose qu’un élément de plus de la société du spectacle, c’est sur le service public de la télévision que les choses doivent se passer.
Par contre, une fois le choix du support effectué, il serait tout à fait souhaitable d’ouvrir le champ des « animateurs, non pas en gommant les journalistes professionnels comme on a tendance à le proposer aujourd’hui, mais en intégrant dans le panel les autres « médiateurs » que sont devenus les acteurs de la Toile.
Ce serait faire la preuve que le pluralisme n’est pas seulement une affaire de quotas politiques - comme ce fut le cas en 1981 - mais qu’au XXIe siècle cela se joue aussi sur la reconnaissance des nouveaux supports.
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