Non, la Turquie n’a pas vocation à intégrer l’UE
Alors que le feu couve en Turquie avec un bras de fer à l'issue incertaine entre le Premier ministre Erdogan (en photo) et la rue, la question de l'intégration du pays dans l'Union Européenne continue son chemin. Il y a un mois à peine, les ministres des Affaires étrangères allemand et turc ont signé une tribune commune dans la presse allemande prônant un nouvel élan dans le processus d'adhésion.

Il faudra bien pourtant que cette question soit tranchée une fois pour toute. Et tranchée dans la transparence et le respect des peuples qui composent l'actuelle UE. Il est temps que la course à l'élargissement s'arrête et que débute celui de l'approfondissement. Les prochaines élections européennes doivent être l'occasion de clarifier, dans l'intérêt de l'ensemble des parties, cette situation.
La course à l'échalote des frontières ne sert que les libéraux et ultra-libéraux qui ne voient dans l'UE qu'un simple marché intérieur qu'il conviendrait, pour faire son beurre, d'agrandir sans cesse. Ouverture demain à la Turquie si prometteuse avec ses 9 % de croissance et après-demain au Maghreb.
Cette Europe protéiforme que certains défendent a un bel alibi : aider à la démocratisation de pays voisins ou un peu plus lointain. On connaît depuis La Fontaine les risques d'un appétit débridé. La grenouille européenne se prendrait-elle pour le bœuf russe ou américain ?
Le risque c'est bien évidemment l'implosion ou l'éclatement pour avoir construit sur du sable. Outre le fait que la fuite en avant alimente un dumping social interne à l'UE, notamment en période de crise, elle met en péril l'identité européenne et sa sécurité alors d'ailleurs que les problèmes demeurent entre Ankara et la petite Chypre membre de l'UE depuis 2004.
Intégrer des pays c'est adopter leur histoire et leurs frontières. La prospérité de l'UE a été acquise en partie par le fait qu'elle disposait de frontières sûres. C'est moins le cas depuis l'entrée des pays de l'ex bloc soviétique, ce ne le serait plus du tout avec la Turquie, voisine de la Syrie, de l'Iran, de l'Irak, de la Géorgie et du Liban.
Les pro-intégration, on beau jeu d'avancer des arguments si souvent avancés. "La Turquie a lancé un vaste processus de réformes qu'elle poursuit avec détermination. Ces réformes vont dans le sens de nos valeurs communes : démocratie, droits de l'Homme et Etat de droit". La Turquie "a fait beaucoup de progrès" dans ses réformes et ses "succès doivent se refléter positivement dans la procédure de négociation en vue d'une adhésion à l'UE", écrivent les ministres des Affaires étrangères allemand et turc.
La vérité est un peu plus complexe. Les troubles actuels soulignent la dérive du pays vers un sultanat et une islamisation en rupture avec la tradition laïque du pays héritée d'Atatürk.
L'actuel leadership Allemand impose de s'intéresser de près au regard de Berlin sur l'intégration de la Turquie. Or, même si la position officielle de l'Allemagne sur une adhésion de la Turquie à l'UE est assez prudente, elle reste ouverte. "Même si j'ai des réserves sur une adhésion pleine et entière de la Turquie, je veux que les discussions se poursuivent" a déclaré fin février, Angela Merkel lors d'un déplacement en Turquie.
Ce n'est pas faire insulte aux Turcs de leur dire que leur dire que leur pays est un grand pays mais qu'il n'a pas vocation à intégrer l'UE. C'est au contraire un acte de respect car rien n'est pire que les non-dits et les promesses non tenues. Il faudra en revanche que l'UE, le jour où elle aura une politique étrangère et une défense commune, soit en capacité de passer des alliances stratégiques avec d'autres blocs dans une vision géostratégique reposant sur la notion de cercles concentriques.
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