Non, mais ! On est en démocratie, quand même !
La démocratie représentative est le moins mauvais des systèmes politiques.
Son principal avantage est qu'il donne régulièrement aux peuples lors des élections, à chaque citoyen à égalité d'influence, un droit de regard sur l'action des élus, du choix des politiques à conduire et de ceux qui les conduisent.
En effet, mais.
Si c'est le moins mauvais, souvent il a été mauvais quand même.
Il a permis à Hitler et Mussolini de prendre le pouvoir jadis, aujourd'hui à Orbán en Hongrie, Bolsonaro au Brésil, Trump aux Etats Unis, Erdoğan en Turquie, Poutine en Russie et à d'autres peu recommandables d'entrer dans les gouvernements de leur pays.
Tous les citoyens ont le même droit de vote mais parfois ils s’en sont bien mal servi, apparemment, non ?
Ce qui pose question c'est la manière dont chaque électeur sélectionne celui pour qui il va voter. Quels critères, quels arguments, quelles connaissances liées aux enjeux sociétaux, économiques, institutionnels, culturels mobilise-t-il pour juger les propositions des candidats et faire son choix ?
Combien parmi ces électeurs peuvent expliquer leur décision par une réflexion personnelle informée, documentée, ou au moins avec trois ou quatre arguments qui ne soient pas sortis de la doxa (vox populi) ou plus trivialement du café du commerce du coin ?
Récemment, à la radio, lors d'un micro-trottoir, on a demandé à un passant ce qu'il pensait du féminisme. Il a répondu « qu'il était contre mais qu'il ne savait pas trop dire pourquoi ».
Concernant l’immigration, un militant questionné par un journaliste de France Télévision a annoncé comme première mesure à prendre « le halal dans les cantines scolaires » !
Un autre, sur la réforme des retraites s’est plaint que « les conducteurs de train de la SNCF prennent leur retraite à 52 ans et vont conduire des trains en Chine ».
Récemment j’ai regroupé les déclarations faites lors des micro-trottoirs de Guillaume Meurice diffusés sur France Inter, dans un article publié sur Agoravox :
POM-POM-POM-POM... (Symphonie nº 5 de Beethoven) Les français parlent aux français.
C’est ce qui m’a amené à rédiger le présent article. En voici quelques exemples. (Verbatim)
Après l’évasion de Carlos Ghosn :
« Lui, c'était pas son entreprise, il n'était que le patron. La seule chose qu'on apprend aux enfants français, c'est d'aller toucher des allocations machin et des allocations truc. Y a un problème en France, c'est l'inculture économique du français qui commence dès l'école, hein, parce qu'il y a une chose dont on parle jamais à un enfant français, c'est : qu'est-ce que c'est un franc ! »
Un visiteur du salon nautique concernant les pauvres :
« Ah, ça m'énerve ça. Un pauvre entre guillemets, si c'est malheureusement celui en train de râler parce que il a même pas 1 000 euros. Non, par contre ce qu'il faut c'est être optimiste et puis bosser surtout, hein, bosser. En France celui qui réussit un petit peu, c'est un nanti. C'est tout, hein. On a la définition, hein.
- Guillaume Meurice : c'est de la jalousie, quoi ?
- C'est de la jalousie. »
Sur les régimes spéciaux :
« Scandaleux, c'est l'aspiration de tous les médiocres. Je pense que les cheminots et la RATP sont des privilégiés, bon.
- Guillaume Meurice : Est-ce que les privilégiés, c'est pas plutôt les actionnaires qui empochent des dividendes sans rien faire ?
- Mais sans rien faire tout en risquant leur patrimoine. Le cheminot ne risque pas son patrimoine. »
Sur la réforme des retraites :
« Dans la réforme, ben, y a... J'ai pas tout en tête. Si vous voulez, heu, ben, bon, que je vous dis, il faut aller de l'avant, il faut faire les choses et y a un effort à faire, il faut le faire. »
Un argument qui fait prospérer de nombreux politiciens concerne l'immigration maghrébine. Nombre de citoyens reprennent l'argumentation : « il y en a trop, ils nous envahissent, ils nous supplantent ». Et sans plus se poser de question, ils votent en conséquence.
Pourtant il est facile de savoir que ce sont leurs grands-parents pour la plupart français qui sont venus participer à la reconstruction de leur pays, la France, puisque l'Algérie, le Maroc et la Tunisie étaient des départements ou protectorats français à leur époque. Parmi eux il y avait les harkis qui ont combattu pour la France contre l’Algérie. Et ces envahisseurs dont ils parlent aujourd'hui sont en très grande majorité leurs enfants et petits-enfants, français, parce que nés en France comme l’auvergnat de souche, de troisième voire quatrième génération.
Voilà sur quoi beaucoup fondent leur choix.
Sachant qu’ils engagent le mode de vie de 67 millions de français, ai-je le droit et peut-être le devoir de dire que c’est insuffisant ?
Ne pourrait-on pas faire un effort d’information ? Ne le devrait-on pas ?
Oui il est facile de s'informer un peu pour vérifier, jauger, confronter les idées répandues par la litanie des éléments de langage appris et répétés, ressassés par les leaders et élus de certains partis politiques, tous les ministres et beaucoup de « journalistes ».
Consulter AgoraVox, regarder les débats télévisés, lire des magazines, des livres ou au moins des tracts, des professions de foi, discuter avec des militants et surtout ne pas se fier aveuglément, de manière grégaire aux démonstrations simplistes de ceux qui prétendent savoir pour nous comme les « journalistes » par exemple, mais pas qu’eux.
Chacun a son propre cerveau et peut s'en servir.
Trop souvent les citoyens découvrent les conséquences de leur vote bien plus tard après les élections. C'est ce qui explique le turn over des présidents de la république et de leur majorité. Les quatre derniers mandats, quatre présidents différents.
« Et pourquoi ne pas essayer ceux qu'on n'a pas encore vus à l'œuvre ? » Avec comme seule motivation qu'on ne les a pas encore vus à l'œuvre même s'ils proposent les pires âneries.
Imaginez que quelqu'un ait promis de sortir la monnaie du pays de l'euro sans être même capable d'expliquer pourquoi, et qu'une fois élu, il ait eu l'inconscience de le faire ; où en serions-nous aujourd'hui ?
Heureusement personne ne propose cela.
« L'autorité d'un seul homme compétent, qui donne de bonnes raisons et des preuves certaines, vaut mieux que le consentement unanime de ceux qui n'y comprennent rien. » Galilée
Je n'arrive pas à retrouver une citation et son auteur pour pouvoir la reproduire exactement ici. (Réplique d’un film, aphorisme d’un auteur ou autre ?)
Elle disait à peu près ceci : « demandez à cent savants opposés à mille imbéciles de trancher, ce sont les seconds qui auront démocratiquement raison. »
Sauf si les prétendus imbéciles se donnent la peine de se forger une opinion fondée et personnelle.
Ma mère avait dû abandonner l'école pour aider au ménage et à l'éducation de ses jeunes sœurs et frère sans atteindre la classe du certificat d'études ; mon père était plombier et il avait commencé à travailler à douze ans.
Pourtant ils ont été des militants éclairés et reconnus dans leurs divers engagements politique et syndical parce qu'ils se sont battus pour acquérir ce à quoi ils n'avaient pas eu droit enfant : l’instruction qui permet la culture politique et la capacité de penser par soi-même.
Ouvrier fraiseur à seize ans, Pierre Bérégovoy est devenu premier ministre de la France en 1992 ; René Monory, mécanicien automobile est devenu ministre de l’industrie, du commerce, de l’artisanat puis ministre de l’économie ; Jean-Claude Gayssot apprenti électricien à la SNCF est devenu ministre des transports ; etc.
En tout cas, ils étaient tous plus admirables que ces intellectuels gâtés qui vont dans les médias débiter leur ignorance de la vie des pauvres et leur donner des leçons de riches ou à minima, de nantis, ou que la plupart de ces « journalistes » soumis.
Parce qu’ils étaient experts de leur vie, les gilets jaunes ont bien su exprimé ce qui n’allait pas pour eux dans la politique conduite en France.
Vous voyez bien qu'il est possible de ne pas voter « au petit bonheur la chance » et la démocratie s'en portera mieux. Il suffit de se demander pourquoi devrais-je croire celui-ci ou penser comme celui-là et, identifier les arguments qui ont fondé ma propre conviction.
Dernier point de repère : s’ils y en a peu (des arguments), c’est que vous n’avez pas de vraie opinion personnelle. Vous risquez de faire comme les moutons de Panurge : suivre le troupeau des électeurs les plus nombreux seulement parce qu’ils sont les plus nombreux ou parce que ce sont ceux qu’on entend le plus à la télévision.
Pour finir, deux citations.
« Je ne m'occupe pas de politique. C'est comme si vous disiez : "Je ne m'occupe pas de la vie". » Jules RENARD
« Qui pense peu, se trompe beaucoup. » Léonard De Vinci
(Démocratie, du grec dêmos, peuple, et kratos, pouvoir, autorité.
Démocratie représentative : le pouvoir s'exerçant par l'intermédiaire de représentants désignés lors d'élections au suffrage universel.)
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