Non, Monsieur Rumsfeld, le mensonge comme vérité ne peut triompher...
Le ministre de la défense des USA, dans un article paru dans Le Figaro du 24 février 2006, réfléchit à haute voix sur la manière de gagner la guerre des médias, parce qu’en vérité, il a peur de perdre tout simplement la guerre.
Le ministre de la défense des USA, dans un article paru dans Le Figaro du 24 février 2006, réfléchit à haute voix sur la manière de gagner la guerre des médias, parce qu’en vérité, il a peur de perdre tout simplement la guerre. Il déplore que la formidable machine de propagande de son pays soit si inefficace devant la modestie des moyens de ses adversaires. En un mot comme en cent, le ministre, certainement mal "conseillé", cherche à trouver un remède aux causes "techniques" des échecs de l’appareil d’État américain face à ce qu’il appelle le cynisme de ses adversaires sans foi ni loi qui enflamment les peuples d’Orient en leur faisant détester l’Occident.
Il oublie de dire que ces peuples en veulent aux puissances qui les oppriment et non aux peuples qui habitent l’Occident. Du reste, ces peuples d’Occident sont descendus par millions dans les rues de leurs capitales crier leur opposition et leur colère contre la guerre en Irak, même dans les pays les plus alliés des USA, comme l’Angleterre ou l’Italie. Donc, n’inversons pas les situations, ce n’est pas la propagande qui crée des flammes, c’est le feu de la désolation et les tombes creusées par les bombes des envahisseurs qui soulèvent les vivants.
Il oublie aussi et surtout que dans une guerre, les moyens techniques ne peuvent donner leur pleine mesure que lorsqu’ils sont au service d’une bonne cause, servis par des hommes motivés par la morale de cette bonne cause, et enfin quand celle-ci mobilise et entraîne derrière elle tout un peuple. Passons en revue ces différents paramètres :
La bonne cause
Envahir un pays n’a jamais été dans l’histoire de l’humanité une bonne cause. Tout envahisseur doit massacrer sur sa route les habitants du pays envahi mais finit toujours, avec le temps, par déguerpir. Dans le cas de l’Irak, on a beau chercher un motif sincère dans l’occupation de ce pays, on tombe toujours sur la mer des derricks de pétrole pour satisfaire primo, la soif des 4+4 des bobos américains, secundo, la volonté de contrôler ce produit pour le soustraire aux appétits des futurs concurrents (la Chine et l’Inde) et réduire à sa plus simple expression la propension à l’autonomie du futur "État" européen.
La motivation des hommes
Que constate-t-on ? Beaucoup de soldats seront de futurs Américains, s’ils servent l’Amérique avec un grand A sans rechigner. C’est la condition pour qu’ils quittent leur statut d’immigrant plus ou moins régulier et qu’ils deviennent citoyens des Etats-Unis. D’autres jeunes soldats, qui ont des ambitions dans la vie, s’engagent dans l’armée pour bénéficier de bourses pour commencer ou terminer des études universitaires. Et enfin, on voit de plus en plus de soldats qui s’automutilent pour se faire rapatrier, ou bien préfèrent l’angoissante condition de déserteur au Canada, ou bien encore se suicident.
La mobilisation du peuple américain. Après une phase d’euphorie guerrière due au traumatisme du 11 septembre, les Américains sont passés au stade de l’opposition graduelle où se mêlent la colère, la déprime ou la honte. Ces différents états "psychologiques" sont les fruits de l’insupportable mensonge que le gouvernement leur a fait gober.
Si l’on ajoute à ces facteurs l’incurie due à l’arrogance que donne la superpuissance militaire, l’incurie donc des stratèges qui n’ont rien prévu après la première phase victorieuse de cette guerre, le ministre américain de la défense a raison de s’inquiéter. Ces stratèges croyaient que le repoussoir Saddam Hussein allait leur servir de mur de protection contre un peuple, (comme tous les peuples) qui a horreur d’être occupé et humilié.
Les conseillers du ministre devraient savoir que lorsqu’on crie au loup une fois, si le loup est une invention d’un imaginaire enfantin, on ne peut plus le faire une seconde fois. Le gouvernement américain a menti au monde entier, rien à l’avenir ne peut lui rendre sa crédibilité. Il a beau créer une télévision à son service en Irak, publier en payant des articles écrits par des militaires du service de propagande, etc., le monde et particulièrement les peuples arabes ne prennent pas au sérieux ces papiers journalistiques.
Monsieur Donald Rumsfeld croit trouver la solution en relançant l’expérience des radios ‘’Free Europe’’.
Primo, il est bien naïf de croire que ce sont ces radios qui ont fait imploser le système soviétique. Les citoyens des pays en question étaient opprimés par leur propre gouvernement et n’avaient nullement besoin de la propagande extérieure pour ouvrir les yeux sur leur propre situation.
Secundo, faire ce parallèle avec les pays d’Europe de l’Est relève de l’aveuglement politique. Croire que l’occupation et les conséquences qu’elle entraîne seront effacées par la magie de la propagande relève du mépris du réel. Je crois que la psychologie fournit le concept qui définit l’être en rupture avec la réalité.
Laissons la psychologie tranquille, et interrogeons la bonne vieille Dame qui a pour nom Histoire. Celle-ci fourmille de guerres, et la guerre n’est que "la continuation de la politique par d’autres moyens" (Clausewitz). Et les agresseurs n’ont pas toujours les moyens de leur politique, car celle-ci repose sur les rapports de force, lesquels ne sont ni éternels ni au-dessus de l’histoire. Les empires et les tyrans sont là pour nous le rappeler, et ça, c’est rassurant.
Ali Akika cinéaste
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