Le député propose de supprimer l’épreuve du même nom aux concours recrutant des fonctionnaires de catégorie B et C.
Certains s’en désolent*, ils ont bien tort, car de quoi s’agit-il vraiment ?
Rien plus, rien moins que d’incinérer le cadavre d’un mourant.
Ce qu’ils nomment pompeusement, à la suite de ceux qui ont fait apparaître ce concept détaché du continent du savoir, "Culture Générale", n’a rien de commun avec ce que ces mots sont censés désigner, à savoir des connaissances en rapport avec le monde en général et celui des hommes en particulier et qui devraient à ce titre former un tout, c’est à dire, un continent dans le meilleur des cas (lorsque cet ensemble a de la consistance, de la tenue) un archipel à minima (ce qui est le cas lorsque le savoir est encore, comme les terres primordiales sur notre planète, en émergence et que les liaisons ne sont pas encore toutes visibles.)
Non, la matière ainsi enseignée (
ce qui est bien sûr un non sens) n’a que de très lointains rapports (
de contenu) avec la formation de la "
Culture Générale".
Il suffit pour s’en rendre compte de lire les supports de ces enseignements, lesquels sont directement calqués sur le mode d’évaluation choisi pour mesurer ladite "Culture Générale" à savoir le QCM : Questionnaire à Choix Multiples dont la forme couramment diffusée dans le grand public est celle du jeu
Trivial Pursuit** .
livre de préparation à l’épreuve en aperçu limité en cliquant sur cette image
La question de cette Culture Générale érigée en matière, est tout à fait centrale dans la manière dont a évolué l’enseignement dans la plupart des pays modernes.
La spécialisation ayant vu diminuer progressivement tout ce qui donnait de la cohérence à l’ensemble des acquis et en premier lieu la finesse de la langue et la maîtrise d’un vocabulaire et d’une synthaxe propres à permettre des acquisitions fines dialoguant les unes avec les autres, tout ce qui était précisément "Culture" s’est trouvé progressivement écarté des contenus des enseignements.
En mathématiques par exemple***, le souhait d’atteindre plus directement, plus efficacement des objectifs, dont on a oublié qu’ils n’étaient la plupart du temps que des moyens, a conduit à l’évitement de la langue, à la focalisation de l’activité sur l’apprentissage de "compétences" ciblées, autant d’îles de savoir (dans le meilleur des cas****) incapables de générer chez celui qui est censé s’élever, la moindre "Culture Générale".
C’est ainsi, suite au repérage d’un manque qui avait été généré par ces recherches de vitesse et d’efficacité, qu’est apparu à ceux qui surveillaient la production des systèmes d’enseignement, la nécessité de "remettre du lien" entre des savoirs qui ne communiquaient plus au sein de la personne.
Sont ainsi apparues toutes ces tentatives pour ajouter du "transverse" *****
Et ceux qui ont suivi ces opérations de rabibochage ont connu les Travaux Croisés, les Itinéraires de Découvertes, et autres essais pour, en premier lieu, faire communiquer les enseignants des différentes matières, puis donner des temps où ces matières se rencontreraient pour produire un échantillon de synthèse.
L’abandon successif de toutes ces tentatives est éloquent.
La suppression que propose monsieur Santini n’est qu’une étape de plus dans cet abandon.
Les rondelles de savoir prédécoupé façon quizz******, au contraire de former la Culture (Générale) de celui qui n’en possédait pas de source à proximité, faussent totalement la perception de celle-ci et donnent à croire qu’elle est constituée de pièces de lego qui s’agencent et constituent une couche indépendamment du reste des acquis.
C’est ce cadavre là que monsieur
Santini, poussant à son extrémité la logique à l’oeuvre dans notre société qui est celle de la
destruction du savoir, c’est cette dépouille que ce député très au fait de ce qu’est la véritable culture, ce sont ces restes ultimes d’une arnaque à la Culture que ce titulaire du
prix Iznogood propose de faire disparaître.
Et l’on devrait pleurer ?*******
* Voir : "
La culture générale c’est la liberté"
** Dont le nom heureusement françisé des canadiens complète de façon intéressante le sens des mots originaux.
« Quelques arpents de pièges », un jeu trivial construit comme des exercices faits pour piéger.
Il est aussi instructif de voir que l’essai de francisation "remue méninges" n’a pas fonctionné.
Et pour cause, les méninges y sont assez peu sollicitées.
*** Pour de nombreuses matières il en a été de même et en particulier l’Histroire Géographie, dérivant progressivement d’une matière au contenu dense et propice à l’enrichissement du fond et de la forme concernant la langue, vers "l’étude de cas" (toujours ce souci d’aller au plus vite à l’essentiel) et ce, dès l’école primaire.
**** Car souvent elles ne sont que des "données" que l’élève stocke.
***** Tentative vouée à l’échec. C’est l’élève qui construit le sens. On ne peut, comme dans un plat préparé (et même dans ce cas !) ajouter le goût à la fin.
****** Il y a bien évidemment des acteurs isolés ou des petits groupes qui tentent réellement d’apporter un fond de culture à leur élèves dans les enseignements du même nom.
Mais la nature même de l’épreuve à laquelle ils sont censés préparer condamnait par avance leur désir de bien faire et le temps dont ils disposent ne leur permet le plus souvent que d’éveiller l’appétit, la plupart du temps au détriment du résultat intermédiaire visé, à savoir l’examen.
******* Ceux qui ont de l’énergie à dépenser sur le thème de l’enseignement ne doivent pas se laisser attirer par ce débat qui n’en est pas.