Normalisation de la misère
CONSTAT ET ANGOISSE
Vous ne rêvez pas. Depuis 2018 environ, un bidonville miniature est apparu au centre ville de Strasbourg. En l'espace de 4 ans et deux maires successifs ( PS et EELV), aucune solution de relogement n'a été trouvé pour épargner aux habitants de Strasbourg, ainsi qu'aux visiteurs et leur enfants, l'horreur d'une telle misère !
Pourtant cet habitat n'est pas invisible ; situé à deux cent mètres de la cathédrale, il suffit de se rendre place Gutenberg pour le voir. L'environnement économique direct est apparemment une notion inconnue de nos dirigeants politiques, censés représenter nos intérêts après avoir été élus par nous autres, les modestes contribuables. Peut-être qu'ils n'habitent plus parmi nous. Si ce petit diaporama peut redonner sa dignité à cette personne et nous aider à retrouver un cadre de vie relativement normal, alors j'aurais fait mon boulot de journaliste indépendant.
Jusqu'à preuve du contraire, je n'ai jamais lu la moindre ligne sur le sujet dans les quotidiens de la région. Plus précisément, je dirais qu'il existe une différence entre pauvreté (plus 5 millions de français ! ) et grande misère, celle des clochards, des SDF, des mendiants, des vagabonds isolés, jeunes ou vieux. Ils ont toujours existé mais les politiques sociales les concernant diffèrent selon les époques. On aurait tendant à croire que l''idéologie du progrès aidant, notre système actuel leurs réserve un meilleur sort qu'avant mais cela reste à prouver, comme cela est illustré dans ce film, où la situation très paradoxale d'une ville soit-disant exemplaire est le théâtre d'un laxisme effrayant.
REPORTAGE
Aujourd’hui lundi 12 juillet 2021, j’ai pris mon courage à deux mains pour réaliser un petit reportage solo, le meilleur journalisme est ppur moi synonyme de légèreté et de densité sémantique, j’ai donc enfourché mon vélo équipé de mon appareil de prise de vue, un téléphone mobile multifonction : appareil photo, agenda, machine à écrire, autrement dit un mini-cerveau artificiel.
Après quelques minutes de circulation je me retrouve au cœur du centre ville de Strasbourg pour faire des prises de vue d’un habitat fait de tissu, d’objet récupérés, de carton, et de planches autour d’un kiosque à journaux désaffectés depuis plusieurs années.Comme vous le voyez sur la photo quelqu’un s’est installé autour du kiosque abandonné pour y faire une cabane, un refuge fait de bric et de broc. Le résultat est impressionnant : une architecture chaotique et paradoxalement très fonctionnel. En réalité il s’agit d’un squat par une personne isolé, sans logement pour des raisons inconnues.Cette vision provoque une émotion brutale parce que le contraste est extrêmement violent avec le reste de l’espace urbain par ailleurs très commercial : parking payant, voitures, boutiques et vitrines, distributeur de billets, affiche publicitaire.
Dans le contexte d’un musée ou d’une galerie on pourrait penser à une installation conceptuelle mais dans le cadre d’une place publique il est plus réaliste de penser à un bidonville.
Dailleurs cette situation n’est pas nouvelle. Le clochard s’est installée ici depuis au moins 3 ans et n’a pas été relogé dans des conditions décentes. Ni le conseil municipal socialiste pas plus que la nouvelle élue écologiste n’ont l’air de s’en être inquiété. Cette indifférence me semble soudain absurde. Pourtant impossible de ne pas le voir, le spectacle est là sous nos yeux, on ne peut pas le rater.Strasbourg ville de culture, capitale de l’europe, Strasbourg ville des droits de l’homme, Strasbourg ecologiste autant de prétention pour celle qui veut rayonner dans le monde sans la volonté d’agir sur une chose aussi aberrante, aussi évidente. On est amené à se poser des questions. Étonné que je fasse des photos, J’en discute avec un passant qui vient de m’aborder. Il semble intéressé par ma démarche ; pour lui aussi cette abri de fortune est un scandale. Quand je lui dis que j’ai envie d’appeler mon article « la normalisation de la misère » il est ravi. « excellent titre » dit-il.
CONCLUSION
Normalisation de la misère, par l’indifférence des autorités élues. Indifférence, laxisme, complaisance, et volonté de laisser pourrir une situation d’urgence.Normalisation de la misère et de l’indifférence par ceux et celles dont le métier serait théoriquement de protéger les habitants non pas des pauvres mais de l’absence de solution durable contre l’extrême pauvreté. En l’occurrence il ne s’agit pas exactement de pauvreté mais d’une extrême indigence qui pousse un individu à perdre sa dignité d’autant plus que les services publics concernés n’ont pas fait leur travail.
On comprend mieux pourquoi les résultats des dernières élections régionales et municipales ont enregistrées un taux d’abstention massif. a quoi bon élire des gens s’ils sont absents des responsabilités qu’on leur a délégué, autant jeter son argent par la fenêtre ? Est-ce que le jour où cette personne isolé mourra à l’intérieur de son abri de fortune, on laissera son cadavre se décomposer de la même manière qu’il a été décidé un jour qu’un commencement de bidonville au cœur d’une grande ville européenne était un symbole de liberté ? alors qu’en réalité il s’agit d’une normalisation de la misère mise en place et entretenue. Je quitte alors l’endroit très angoissé en me demandant dans quel société je vis ? Quelle est la raison de ce mensonge ? Je me refuse de croire que personne n’est au courant ? Comment peut-on concevoir que cela représente un progrès ? Ai-je tort de mal juger ce qui me semble être monstrueux ?
Qui est cette personne qui n’est plus personne au yeux de ceux qui décident qui a le droit de vivre ou pas ? Peut-être que mon film lui redonnera une part d’humanité face au nouveau système social de la survie normalisée /
Thomas Ruff / infoweb
juillet 2021
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