Nos amis les dictateurs
La France aime les dictateurs. Il suffit pour s'en convaincre de constater la faveur dont continue de jouir Napoléon Bonaparte dans ce pays. Ce sinistre individu a beau avoir mis l'Europe à feu et à sang, il trône toujours aux premières places dans le hit parade de nos gloires nationales ! Imaginons le tollé français si les allemands faisaient de même avec Hitler ?
Il est vrai qu'en France l'exemple vient de haut. Les "grands serviteurs de l'état" (qui feraient mieux d'être au service du peuple, mais c'est une autre histoire...) ont toujours fait montre d' une tolérance coupable envers la tyrannie à l'extérieur, tout en se présentant à l'intérieur comme les garants des valeurs nationales, au premier rang desquelles figurent les droits de l'Homme. C'est ainsi que le Front Populaire, a laissé Franco détruire la République espagnole, ou que Giscard a encouragé les folies de Mobutu. N'oublions pas non plus que les tortionnaires chiliens et argentins avaient bénéficié du savoir faire acquis par nos militaires pendant "les événements" d'Indochine et d'Algérie, ni que les génocidaires rwandais avaient été formés par des instructeurs français... Aujourd'hui l'attitude de nos dirigeants face à la situation au Maghreb montre bien vers où penche leur coeur : Mme Alliot-Marie peut partir en vacances en Tunisie dans un jet privé appartenant au clan Ben Ali, puis en pleine révolte populaire proposer au pouvoir tunisien " l'expertise française en matière de maintien de l'ordre", elle a droit à un satisfecit du premier ministre qui l'assure de toute sa confiance et de celle du président !!! En revanche quand Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'état, fait part de son souhait de voir le président égyptien quitter son poste, elle subit un rappel à l'ordre et doit faire son méa-culpa ; même le "révolutionnaire" néo-bolchevik Mélenchon lui tombe dessus !!! Elle est pourtant une des seules à avoir adopté une position digne de nos valeurs !!!
Une fois de plus on a ici l'exemple de la contradiction qui existe entre les intérêts de l'état et les valeurs portées par la nation, ce qui ruine le concept d'"état-nation" de toute sa substance.
Un autre exemple de ce hiatus nous est donné par la "Françafrique", ce réseau prédateur mis en place de manière occulte par un autre de nos "héros" : le général de Gaulle, pour préserver les intérêts économiques et militaires de l'ex-métropole dans ces anciennes colonies. Paris a octroyé une indépendance formelle aux pays de l'Afrique francophone, tout en veillant à placer à leur tête des "gérants" à sa solde dans un partenariat gagnant-gagnant : les nouveaux chefs d'état permettent aux entreprises françaises d'exploiter à leur profit les richesses naturelles de leur pays, et à l'armée française d'occuper les emplacements stratégiques, en échange on leur accorde l'immunité concernant leur gouvernance. L'état français a ainsi mis en place, en notre nom, des potentats qui règnent sans partage sur des peuples vivant dans la misère alors que l'exploitation des richesses de leurs terres participent à notre prospérité.
C'est ce qui s'est passé au Gabon. Ce pays grand comme la moitié de la France et comptant à peine 1,5 millions d'habitants, regorge de ressources naturelles : bois précieux, pétrole, gaz, manganèse, uranium, fer etc... Devenu indépendant en 1960, le Gabon a d'abord eu à sa tête le président Léon Mba. En 1965, un coup d'état militaire le renverse. L'armée française qui possède toujours une base importante à Libreville intervient pour lui rendre le pouvoir. A sa mort en novembre 1967, son remplaçant est dûment accrédité par de Gaulle en personne : Albert-Bernard Bongo qui deviendra Omar Bongo après sa conversion à l'islam (prix à payer pour entrer plus facilement à l'OPEP), co-dirigera son pays avec la société ELF, jusqu'à sa disparition en 2009. Si le clan présidentiel s'est considérablement enrichi pendant ces 42 ans (voir l'affaire des biens mal acquis), il n'en va pas de même pour son peuple qui en est toujours réduit à essayer de survivre misérablement, alors qu'une juste répartition des profits aurait du lui permettre de connaitre un niveau de vie appréciable. Omar Bongo décède en 2009 sans avoir organisé sa succession. Un scrutin présidentiel à un tour est organisé. Le parti au pouvoir, le Parti Démocratique Gabonais (PDG !), désigne comme candidat le ministre des armées : Ali Ben Bongo... fils du défunt. Face à lui 18 candidats. Le peuple gabonais, las de 42ans de bongoisme, participe en masse à ce scrutin qu'il espère transparent. Pourtant de nombreuses zones d'ombre aparaissent. Le corps électoral a manifestement été gonflé : les experts l'estiment à 500 000 électeurs : il en compte plus de 800 000 ! Les médias publics roulent sans vergogne pour Bongo junior ; officiellement la France est neutre, pourtant Robert Bourgi, le "Monsieur Françafrique" de Nicolas Sarkozy ne cache pas son soutien à Ali Ben. Après le vote, il faut attendre de nombreux jours avant que la Commission Électorale Nationale Autonome et Permanente ne rende son verdict : Ali Bongo est déclaré vainqueur ! Nicolas Sarkozy s'empresse de reconnaitre cette victoire sans même attendre l'examen par la cour constitutionnelle des recours déposés par les autres candidats qui, constatant que les chiffres publiés ne correspondent pas à ceux qui figurent sur les procès verbaux des bureaux de vote,dénoncent un "coup d'état électoral". Un soulèvement se produit à Port Gentil ; le pouvoir fait tirer sur son peuple ; Bongo II est intronisé dans le sang avec l'approbation du "Pays des Droits de l'Homme". L'opposition soucieuse de la vie de ses concitoyens ne cède pas aux appels populaires à la révolte. Le désordre établi règne à nouveau, le business peut continuer et Bongo II faire modifier la constitution pour élargir ses pouvoirs et se passer du parlement en cas de besoin.
Mais l'histoire n'est pas finie. Il y a quelque semaine, le documentaire "Françafrique" diffusé sur France 2 (en deuxième partie de soirée, of course), démontrait la réalité du coup d'état électoral. Des personnalités françaises parties prenantes des réseaux françafricains expliquaient benoitement que l'élection gabonaise a bel et bien été truquée ; les résultats ont tout bonnement été inversés : le président élu par les gabonais était en réalité M. Mba Obame...Ce dernier, qui n'a jamais reconnu sa défaite, s'est proclamé président le 25 janvier 2011 lors d'une cérémonie de prestation de serment au cours de laquelle il a dévoilé son gouvernement fort de 18 ministres. Il s'est ensuite rendu avec ce gouvernement au siège de Libreville du Programme des Nations Unies pour le Développement où il a déposé un courrier destiné à M. Ban Ki Moon et où il s'est installé en attendant la réponse.Si celle ci n'est toujours pas arrivée à Libreville, celle d'Ali Ben ne s'est pas fait attendre : dissolution de l'Union Nationale, le parti de Mba Obame, suppression de l'immunité parlementaire des élus de l'UN, arrestation de militants et de sympathisants , tentative d'intervention de commandos armés contre le bâtiment du PNUD, répression violente des manifestations, établissement d'un climat de terreur sur l'ensemble du territoire gabonais.Silence assourdissant des responsables et des médias français...
Une grande manifestation est prévue samedi 5 février à Libreville. Ce même jour une autre manifestation se tiendra à Paris de la place de la Bastille à la place de la République à partir de 14h30. Nous appelons tous les citoyens français qui ne se reconnaissent pas dans la politique de soutien aux dictateurs menée par la France en notre nom , de se joindre aux protestations de nos amis gabonais. Le meilleur moyen de soutenir les peuples en lutte pour leur liberté est de prendre conscience que c'est aussi grâce à notre passivité que de telles pratiques se perpétuent. A chacun d'entre nous de prendre ses responsabilités.
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