« Le soleil et la lune seraient-ils des dieux comme le pensent les hommes ? Non je ne le crois pas », répondit Socrate à Melitus qui l’accusait de ne reconnaître aucun dieu (d’après Platon)...
Vingt cinq siècles se passent... Oh, s’écria Julien, en entrant dans la modeste église du Crest, venez tous voir ! Je crois avoir découvert les dieux de Gergovie.
Gergovie sur la hauteur du Crest, son temple et ses trois dieux.
Julien et André sont deux enfants qui ont entrepris, avant la première guerre mondiale, un grand voyage pour découvrir les innombrables richesses de notre pays (Le tour de la France par deux enfants", G. Bruno, 1877). Il est certain que l’ouvrage est critiquable sur de nombreux points mais certainement pas l’enthousiasme qui s’y trouve.
Et, en effet, il fallait bien avoir un regard d’enfant pour redécouvrir sur les chapiteaux de l’église du Crest les trois dieux de Gergovie.
Véritable hymne à la nature, les fleurs de nénuphar émergent comme par miracle du plan d’eau tandis que leurs lianes s’entremêlent dans les sombres profondeurs. Au loin, quelques rugissements de lion rappellent aux habitants le souvenir des volcans qui ont craché jadis la montagne serpentine de la Serre...
Lavaudieu.

Ces dieux du ciel, du soleil et de la lune, on les retrouve dans les colonies arvernes que Gergovie a fondées.
Lavaudieu est une étonnante implantation coloniale de Gergovie. Les Arvernes vivaient ici en autarcie fermée, véritable préfiguration de ce que sera un monastère, salle à manger, salle de prières, sans oublier le cloître.
Trônant de toute éternité sur le bord du monde, le dieu inconnu, dieu du tonnerre et des volcans,

a donné naissance à la cité de Gergovie dans ses deux aspects fondamentaux : la matière et l’esprit.
Le dieu porte au cou le sac de semences du laboureur, dans lequel la salamandre (Gergovie) vient puiser les intarissables richesses matérielles de la création.
Née également de l’esprit divin, c’est de la bouche de Dieu même qu’elle reçoit la bonne parole.
Tournée vers la Terre-Mère aveugle mais maternelle, la cité de Gergovie tête les mamelles

nourricières : à la fois le mal au sein gauche, et à la fois le bien au sein droit.
La Terre-Mère fait face à la lumière qui descend directement du ciel dans la cour du cloître.
Blesle.

Figée dans l’acte maternel et trônant, la Terre nourricière aux formes généreuses, les yeux aveugles perdus dans l’infini du ciel, nourrit la cité de Gergovie, indistinctement dans ce qu’elle a de bon (la Salamandre au sein droit) et dans ce qu’elle a de mauvais (le Serpent au sein gauche). Comme dans le thème du chapiteau précédent, la montagne de la Serre est symbolisée à droite par la Salamandre, née d’une volonté divine souterraine bonne car reliée au ciel par le cercle magique en forme de collier/torque, signe d’alliance, tandis qu’à gauche, figure le symbole du refus de Dieu, les bras croisés, portant au cou la bourse de l’avare, image de l’attachement aux biens terrestres ; de lui nait le serpent mauvais qui, lui aussi, a réussi à s’incarner dans le profil caractéristique du plateau de la Serre.
Coiffée du turban solaire, les cheveux rayonnants répandus sur les épaules, comme habillée par le seul astre du jour, dans une posture hiératique, jambes ouvertes, la Terre s’offre à la fécondation du ciel. Le sexe ouvert en fleur de lotus, elle reçoit les germes de la vie que déversent sur le sol les eaux du ciel dans le ruissellement invisible des corniches du chapiteau.
Blesle, paradis de l’art gaulois.
Et pour finir, voici encore Gergovie allaitée par une terre-mère au reflet de lune et à la vulve féconde.
Extraits de mes ouvrages,
les croquis et photos sont de l’auteur.