Génèse de la politique agricole française
L'image d'Epinal de l'agriculteur en salopette avec sa fourche, chantant gaiement les moissons, est bien révolue. Le monde de l'agriculture a bien évolué. La mécanisation des tâches, à partir du début du XXème siècle a produit une économie rurale tournée vers la productivité. L'après-guerre, laisse un monde à reconstruire en 1945. Tout s'accélère dans les années 60 : le rêve semblait beau : une poignée de travailleurs allaient pouvoir subvenir au besoin de millions de gens. Tous le monde serait gagnant : des produits à moindre frais, des normes respectueuses de l'environnement et du consommateur, un juste retour sur investissement pour le paysan.
La
PAC a permis d'ériger une certaine vision de ce que devait être ce marché de demain. Ces principales visées avaient pour objectifs :
-
d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;
-
de stabiliser les marchés ;
-
de garantir la sécurité des approvisionnements ;
- d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs.
Au bénéfice des agriculteurs :
Mais voilà :
- Cette aide est depuis 2005-2006 « découplée », c'est-à-dire qu'il y a de moins en moins de liens (voire plus aucun lien) entre la production de l'exploitation et le montant des aides.
En conséquence, la crise rencontre un modèle économique mondiale, mais surtout européen qui est déconnectée du marché : le producteur allemand peut bénéficier de salariés en emploi précaire, payés au lance-pierre, le producteur espagnole à lui moins de cotisations sociales et tous deux ne sont surtout pas limités par le nombre d'animaux à exploiter : la ferme des milles vaches est une réalité tant outre Rhin, qu'au delà des Pyrénées.
Naissance tumultueuse des syndicats
A partir de 1946, naît la FNSEA : syndicat aujourd'hui ultra majoritaire, qui décide de la pluie et du beau temps sur le monde agricole. Quelques 30 ans plus tard, face à la mondialisation son « Paysan Directeur Général » Alexis Gourvennec déclarait :
« Nous devons abandonner à leur sort les minables qui ne nous intéresse pas. C'est à ce prix et à ce prix seulement que nous gagnerons la bataille de la production. Je ne dis pas que cela va sans poser des cas sociaux difficiles et dignes d'intérêt. Mais il appartient à l' Etat de leur venir en aide, et non à la profession qui ne peut se permettre de traîner des boulets dans la bataille internationale en cours et qui n'est jamais gagnée » (source Fakir numéro d'août 2015)
Aussi, ces « minables » tournés vers une agriculture raisonnée, trouveront en Bernard Lambert leur fer de lance qui leur permettra de créer la confédération paysanne. Deux modèles s'affrontent donc : l'un tourné vers les subventions de l' Etat et l'alignement sur le productivisme international, et l'autre sur une planification privilégiant le circuit court et les produits de meilleurs qualité.
La crise Ukrainienne en toile de fond
Avec ces deux modèles radicalement opposés, et avec beaucoup moins de poids d'un côté, il faut s'interroger sur l'origine actuelle de cette crise au delà des divisions interne : c'est en effet tout un modèle qui permet de nourrir une population qui est mis à l'épreuve :
La crise en Ukraine qui débute en 2013, trouve ses répercussions le 6 août 2014 en France et en Europe lorsque Vladimir Poutine, en opposition au gel de certains avoirs Russe à travers le monde, décide de ne plus importer certains produits Européen : Porc et lait principalement. La filière Bretonne est donc directement impactée : la Russie importait 747 000 tonnes de viande de porc et 2 milliards de litres de lait.
Comment faire face à la crise avec ce contre coup économique, provoqué dans une certaine mesure par
les européens eux même ? Nos agriculteurs victime de la politique ? Victime d'eux même en ayant accepté longtemps des subventions prédatrices pour l'environnement comme dans les années 80 et la pollution des eaux de rivières par exemple ? Victime de vouloir exploiter des animaux comme ce minerai que l'on utilise dans les abattoirs pour produire des viandes toujours moins chères ?
Les questions que soulèvent ce conflit au portes de l' Europe montre bien que nous vivons dans une Europe incapable de s'assumer tant politiquement qu'économiquement, et toujours à la merci des Etats-Unis, comme en atteste le très controversé
Traité Transatlantique en négociation.
Quel modèle pour demain ?
Nous avons tous à cœur de défendre un modèle économique bon pour nous et pour la planète. Nous souhaitons tous que nos paysans vivent du fruit de leur travail et que les animaux soient traités avec un minimum d'humanité.
Mais comment concilier des coûts de production face à la concurrence internationale ? Les réponses à adopter sont systémiques et le politique qui s'y attellera doit faire preuve de courage et de vision non pas à court et moyen terme, mais bel et bien à long terme :
1. Rendre les moyens de production aux agriculteurs :
Que ce soit de l'élevage (engrais) aux semences, aucune compagnie ne doit pouvoir s'arroger le monopole de la diffusion du vivant. L' Etat doit assumer son rôle et nationaliser l'entreprise la plus efficace en terme de rendement en même temps qu'elle produit de la qualité. Les agriculteurs en coopérative, doivent pouvoir fixer un prix d'achat raisonnable qui leur permet de nourrir leur bête et planter leur semailles sans pertes.
2. Privilégier la filière bio
Grâce à de nouvelles subventions, ceux qui décident de passer au tout bio (élevage en plein air à raison d'un minimum horaire quotidien, nourriture non chimique, espace viable) verront leur choix valoriser par des revenus constant grâce à des cotations garanties à minima par l' Etat.
3. Orienter la production vers une agriculture raisonnée
En cela il faut privilégier le circuit cours : les AMAP doivent faire l'objet d'une étude sérieuse pour voir comment distribuer leur produit aux grandes surfaces, sans que celles ci ne cherche à vampiriser leur revenu ( mise en avant de la filière locale, produits plus chers mais de qualité, espace d'échange une fois par semaine dans le magasin avec l’éleveur ou le producteur laitier ). Le but est de faire de l'hyper marché, le lieu d'un marché où le consommateur, le détaillant et le producteur puisse identifier clairement les besoins de chacun.
4. Vers une autre société
La valeur ajoutée de ces produits agricoles présentés en supermarché, doit permettre d'initier un nouveau rapport à l’alimentation en générale : la consommation excessive de viande, de produits gras, de produits transformés chimiquement, doit céder sa place à un marché raisonné et « naturel », où l'hyper deviendrait un lieu de rencontre et d'échange. Pour cela, l'Etat doit interdire la spéculation à son échelle sur les denrées alimentaires, et donner un essor significatif au circuit cours ( valorisation du locale sur l'internationale, comité d'étude sur l'impact environnementale et social, action culturelle visant à la promotion des énergies départementales, régionales et nationales )
Tout n'ira pas sans heurt, mais si nous voulons que nos enfants connaissent un monde moins « fou », il faut que dès à présent chacun prennent conscience qu'il en va de son devoir pour édifier une société plus juste.
Révolutionnairement Vôtre,
Boris Rannou.