Notre-Dame de Paris : L’autre histoire
Pour la récupération de Jérusalem par les croisés qui ont échoué à atteindre ce but dans 7 campagnes commencées dès 1096), le roi Louis IX inaugura sa 8e croisade toujours dans le même but : celui de récupérer Jérusalem conquise par Saladin et de convertir le sultan de Tunis au catholicisme...
« Saint Louis fait prisonnier ». Gravure de Gustave Doré, XIXe siècle, reproduite sur un timbre égyptien de 1957 dans une série intitulée « Égypte, tombeau des agresseurs ».
La Cathédrale de l’Île de la Cité, le monument gothique, le plus visité de France (près de 13 millions de visiteurs par an), va-t-elle encore renaître de ces cendres comme par le passé ? Sans aucun doute. Avec près d’un milliard d’euros de dons réunis en quelques jours pour sa restauration suite de l’incendie qui en a détruit la toiture et anéanti la flèche dans la soirée du 15 avril 2019, une nouvelle renaissance de l’église est assurée même si le délai des travaux de 5 ans fixé par le président Macron semble intenable, de l’avis de plusieurs experts en architecture médiévale. Nous ne reviendrons pas ici sur tout ce qui a été dit et écrit sur ce feu qu’une première enquête attribue à un court-circuit dans des fils électriques situés les combles. Notre propos est plutôt de jeter un regard sur l’arrière-façade de l’édifice dont les travaux ont commencé en 1163 après J.-C. pour s’achever plus d’un siècle plus tard vers 1272. Un caprice de Maurice de Sully. En 1160, cet évêque de Paris voulut créer sur l’Île de la Cité « un bâtiment dont la mesure et le lustre doivent au moins égaler le temple de Salomon ou la Jérusalem céleste, décrits par saint Jean dans l’Apocalypse. L’effort architectural déployé sera à la mesure de cette volonté : des milliers d’ouvriers vont y consacrer leur vie. », relève Le Devoir.com, version électronique du journal fondé en 1910 par Henri Bourassa, journaliste et homme politique québécois. Notre Dame de Paris connut ses années de gloire, même si les rois de France continueront de se faire couronner dans la cathédrale de Reims qui sera, elle aussi, incendiée en septembre 1914 en pleine première guerre mondiale, pour être ensuite totalement restaurée par le businessman américain John Davison Rockefeller. Des années de gloire qui se transformèrent en véritable enfer sur terre pendant la révolution. La cathédrale de l'archidiocèse de Paris, dédiée à la Vierge Marie (d’où le nom de Notre-Dame) n’est pas épargnée par les révolutionnaires : une partie de son trésor disparaît, vendu ou pillé. Le catholicisme n’étant plus la religion d’État, les biens de l’Église sont vendus lors de la « vente des biens nationaux ». Elle fut aussi dédaignée et moquée à un temps où l’adjectif « gothique » était synonyme de laideur et de hideur. Ainsi pendant la Révolution française, avant sa reconstruction reconstruite au XIXe, Notre-Dame de Paris fut longtemps ignorée, méprisée et certains religieux ont même refusé d’y célébrer la messe alors qu’au-delà de son architecture qui n’est pas d’une beauté classicisant pour le goût du moment, l’édifice recelait- et continue de receler-des œuvres d’art et des reliques inestimables (Voir encadré). Sous Napoléon, intronisé Empereur par le peuple de France 10 ans après qu’il eut décapité le Capétien Louis XVI, Notre-Dame de Paris renoue momentanément avec son passé glorieux. Elle accueillit en son sein, le 2 décembre 1804, en présence du Pape Pie VII, le sacre de Napoléon 1er. Ce dernier « souhaite une cérémonie de sacre officielle, afin d’inscrire la dynastie napoléonienne dans la lignée des grandes dynasties impériales et royales de France et d’Europe, et notamment celle de Charlemagne. » Près de 28 ans plus tard, les 14 et 15 février 1831, la cathédrale Notre-Dame, déjà en piteux état, sera à nouveau la cible des mêmes saccages de la part des Républicains lors des émeutes à la suite d’un service funèbre organisé par les légitimistes à Saint-Germain-l’Auxerrois pour l’anniversaire de l’assassinat du duc de Berry. Il faudra attendre les écrits de Victor Hugo pour que le monument repeuple les cœurs et l’imaginaire des Français et des Européens, un aura qui dépassera les frontières atlantiques, d’où cette fascination américaine pour Notre-Dame de Paris. « Publié en mars 1831, le roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo devient assez rapidement un succès populaire. Dans le Paris médiéval du XVe siècle, il raconte l’histoire d'Esméralda, bohémienne accusée de meurtre, du bossu Quasimodo, sonneur des cloches de Notre-Dame, et de son tuteur Claude Frollo, archidiacre de la cathédrale. Le succès du roman a une conséquence heureuse sur Notre-Dame. Alors que la cathédrale, malmenée au cours de la Révolution française, est en piteux état, les lecteurs redécouvrent un édifice d'exception et prennent conscience de la nécessité de le préserver et de le restaurer. Ce sera chose faite à partir de 1843, sous la supervision de deux architectes, Eugène Viollet-le-Duc (Dont on doit la fameuse flèche détruite le 15 avril dernier et nombre de gargouilles…) et Jean-Baptiste-Antoine Lassus. » écrit le site « Passerelle(s) » de la BNF . Avant qu’il ne soit sacré empereur en 1804 à Notre-Dame de Paris, le général de la république Napoléon Bonaparte et ses successeurs menèrent l'expédition militaire en Égypte de 1798 à 1801. Objectif officiel de la campagne : « s'emparer de l'Égypte et de l'Orient, et ainsi bloquer la route des Indes à la Grande-Bretagne dans le cadre de la lutte contre cette dernière. » Mais il y a d’autres raisons à cette expédition. Passionné des rois de France notamment les Capétiens, Bonaparte voulut ainsi effacer un affront subi par le royaume de France cinq siècles et demi plutôt dans ce pays d’Afrique du Nord. Il s’agit là de l’incarcération du roi Louis IX en Egypte par le sultan ayyoubide Turan Shah en 1250 lors de la 7e croisade et sa libération contre le payement d’une rançon qu’il ne versera jamais d’ailleurs. Une 7e croisade qu’il mûrit au moment où il contracta une méchante dysenterie en 1244. Il fit alors le vœu de se rendre en croisade s'il échappe à la maladie.
Cet épisode pas très commenté par les historiens ni par l’écrivain libanais Amin Maalouf dans son best-seller Les Croisades vues pars les Arabes (1983) révèle l’une des faces cachées de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui ne servait pas qu’à célébrer les offices religieux ou à abriter des reliques et des œuvres d’art. L’édifice que je connais assez bien -pour avoir séjourné tout près, rue Le Regrattier sur l’Île Saint-Louis quand je poursuivais des études d’archéologie et d’Histoire de l’art au début des années 1990-, était aussi un centre de pouvoir, voire l’épicentre des croisades. Après être tombé en avril 1250 entre les mains des soldats du sultan ayyoubide Turan Shah lors de la bataille de Fariskur en Egypte (étape incontournable pour la récupération de Jérusalem par les croisés qui ont échoué à atteindre ce but dans 7 campagnes commencées dès 1096), le roi Louis IX inaugura sa 8e croisade toujours dans le même but : celui de récupérer Jérusalem conquise par Saladin et de convertir le sultan de Tunis au catholicisme. Cette 8e guerre sainte, Louis IX l’inaugura par une prière dans une cathédrale de France. Pas celle de Reims où les rois de français ont l’habitude de se faire intronisés. Mais bien dans la Notre-Dame de Paris. Ce fut en mars 1249. Pourquoi le mois de mars ? Pour plusieurs raisons. D’abord c’est le mois où le climat est clément, où le risque de fortes pluies ou de chutes de neige ou de chaleurs qui compliquent les campagnes militaires est minimum. Puis mars c’est le mois du dieu de la guerre Mars selon la religion romaine antique sur les décombres de laquelle est née la religion catholique. C’est durant ce mois que les romains lançaient leurs campagnes militaires. A ce sujet écrit Joseph François Michaud de l'Académie française, dans « Histoire des croisades », Volume 5, PP. 385-387 : « Dès le mois de mars, Louis se rendit dans l'église de St-Denis, où il reçut les marques de son pèlerinage, et mit son royaume sous la protection des apôtres de la France. Le jour qui suivit cette cérémonie solennelle, on célébra une messe pour la croisade dans l’église de Notre-Dame de Paris. Le monarque s’y rendit accompagné de ses enfants et des principaux seigneurs de sa cour ; il était sorti du palais, les pieds nus, portant la panuetière et le bourdon. Le même jour il alla coucher à Vincennes, et revit pour la dernière fois ces lieux où il se plaisait à rendre la justice à ses peuples ; ce fut là que Louis se sépara de la reine Marguerite, qu'il n'avait jamais quittée, séparation d'autant plus douloureuse qu'elle rappelait de cruels souvenirs, et que ces souvenirs se joignaient aux plus tristes pressentiments. Le peuple et la cour étaient plongés dans la tristesse ; ce qui ajoutait à la douleur publique, c’est qu'on ne savait point encore où Louis allait diriger son expédition : on parlait vaguement des côtes d'Afrique. Le roi de Sicile avait pris la croix, sans avoir la volonté de partir pour l’Asie ; et lorsque, dans les conseils, on délibéra sur l'entreprise, il fit insinuer qu'on devait attaquer Tunis. Le royaume de Tunis remplissait la mer de pirates et fermait tous les passages de la Palestine ; il était l'auxiliaire de l'Égypte, et pouvait en devenir le chemin. Voilà les raisons qu'on mettait en avant ; la véritable, c'est qu'il était important pour le roi de Sicile de conquérir les côtes d'Afrique, et de ne pas trop s'éloigner de l’Italie. La véritable raison pour St. Louis, celle qui le détermina sans doute, c'est qu'il croyait pouvoir convertir le roi de Tunis, et conquérir un vaste pays à la foi chrétienne. Le prince musulman, dont les ambassadeurs étaient venus plusieurs fois en France, avait lui-même fait naître cette idée, en disant qu'il ne demandait pas mieux que d’embrasser la religion de Jésus - Christ : ce qu'il avait dit pour éviter une invasion, fut précisément ce qui lui attira la guerre. Louis IX répétait souvent qu'il consentirait à passer toute sa vie dans un cachot sans voir le soleil, si, à ce prix, le roi de Tunis se convertissait avec tout son peuple ; expression d'un prosélytisme ardent qu'on a blâmé avec amertume ; mais qui, au fond, ne montrait que l'extrême désir de voir l'Afrique arrachée à la barbarie, et marcher avec l'Europe vers la civilisation, bienfait du christianisme(…) » Le 25 mars 1267, jour de l'Annonciation, Louis IX pris le chemin de Tunis avec son armée de croisés. Âgé de 52 ans et à l'apogée de son règne, le futur Saint Louis annonce son intention de tenter une 8e croisade « pour sauver ce qui pouvait l'être des États francs de Palestine après l'échec de la précédente. Le roi quitte Aigues-Mortes le 1er juillet 1270 avec 15 000 hommes et, curieusement, dirige son expédition vers Tunis dont il espère convertir l'émir. Peut-être y est-il incité par son frère Charles d'Anjou, devenu roi de Sicile en 1266 et dès lors soucieux de sécuriser les relations commerciales de ses sujets avec l'Afrique du Nord. C'est ainsi qu'il débarque à La Goulette, près de Tunis, le 18 juillet 1270, au plus fort des chaleurs estivales ! Le Mars parisien n’est forcément tunisien… « Ses espoirs de convertir l'émir sont immédiatement déçus. Dans l'attente des renforts promis par son frère Charles d'Anjou, il entreprend le siège de la ville. Mais une épidémie de typhus et de dysenterie ne tarde pas à frapper l'armée. Le roi lui-même est atteint de même que son plus jeune fils Jean-Tristan, qui va en mourir dès le 3 juillet, et son fils aîné Philippe, qui va heureusement y survivre (…) Le roi lui-même meurt pieusement sur un lit de cendres le 25 août 1270, après avoir reçu les derniers sacrements. » lit-on notamment sur le site Herodote.net . Saint Louis, se sachant condamné et pris d’un sentiment prémonitoire de la fin tragique du règne des capétiens dont le dernier roi de la période dite de l'Ancien Régime, sera guillotiné en 1793, s’adressa à son fils Philippe en ces termes du moins si l’on croit ce que rapporte le même site Herodote.net : « Cher fils, s'il advient que tu deviennes roi, prends soin d'avoir des qualités qui appartiennent aux rois, c'est-à-dire que, quoi qu'il arrive, tu ne t'écartes pas de la justice. Et s'il advient qu'il y ait une querelle entre un pauvre et un riche, soutiens de préférence le pauvre contre le riche jusqu'à ce que tu saches la vérité, et, quand tu la connaîtras, fais justice. Et, s'il advient que tu aies querelle contre quelqu'un d'autre, soutiens la querelle de l'adversaire devant ton conseil... ». Une grande sagesse qui ne l’a pas empêché de commettre la folie meurtrière de marcher sur Tunis.
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LA CROIX ET LA MANIERE
Sur demande du roi Saint Louis, la Sainte Chapelle fit bâtie au en 1241 au cœur du Palais de la Cité en 7 ans, un record pour l’époque. Conçue comme un reliquaire monumental destiné à accueillir les saintes reliques de la Passion du Christ dont la fameuse couronne d’épines. Le fait même que la terre de France abrite ces reliques permet à ses souverains de s’identifier à la sainte église. Mentionnée dès le IVe siècle dans les récits des voyageurs et des pèlerins de Jérusalem, ces vénérables reliques sont progressivement transférées entre les VIIe et Xe siècles à Constantinople dans la chapelle des empereurs byzantins pour les mettre à l’abri des pilleurs. « En 1238 l’empereur Baudouin II, en grande difficulté financière, propose au roi de France Louis IX, futur saint Louis, d’acheter la Couronne d’épines, qui l’accepte. Revêtu d’une simple tunique, pieds nus, il reçoit la couronne et la porte en procession jusqu’à Notre-Dame de Paris. » Mais c’est sans compter avec la passion de Saint Louis pour les reliques de la Passion. En 1241, il se porte acquéreur d’autres reliques de la Passion et décide la même année d’édifier la Sainte Chapelle, qu’il inaugure le 26 avril 1248. « A la Révolution, la chapelle est vidée de son contenu et désaffectée, la grande châsse et les reliquaires sont fondus dans le but de récupérer les métaux précieux, mais les reliques ne sont pas profanées, elles imposent d’elles-mêmes le respect aux révolutionnaires non croyants. Certaines disparaissent tandis que la Couronne d’épines, un fragment du Bois de la Croix et un Clou sont remis à la cathédrale Notre Dame (…) » *La couronne d’épines [dont l’authenticité n’est pas attestée] est constituée d’un cercle de joncs réunis en faisceaux et retenus par des fils d’or, d’un diamètre de 21 centimètres, sur lequel se trouvaient les épines dispersées au cours des siècles. *Un des clous de la Passion, long de 9 cm, a été remis à l’empereur Charlemagne en 799 et enlevé par le roi Charles pour le donner à la basilique Saint-Denis où les fidèles purent le vénérer, avant d’être conservé à la Sainte Chapelle. *Le fragment du Bois de la Croix provient lui aussi de celui conservé au trésor de la Sainte-Chapelle. Il fut prélevé lors de la destruction du reliquaire à la Révolution et sauvé par un membre de la Commission temporaire des Arts qui le remettra à Notre-Dame en 1805. Conservé dans un écrin de cristal, ce fragment est d’une longueur de 24 cm et présente à son extrémité une mortaise destinée à son encastrement, éléments correspondant exactement à l’une des traverses de la croix vénérée par saint Louis dont les plans ont été conservés.
Source : notredamedeparis.fr
http://chankou.over-blog.com/2019/05/notre-dame-de-paris-l-autre-histoire.html
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