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Accueil du site > Tribune Libre > Notre Moïse à nous : Charles de Gaulle

Notre Moïse à nous : Charles de Gaulle

Comme nous l’avons vu, la seconde guerre mondiale a été, en France, l’occasion d’une intense guerre des classes qui s’est manifestée, en particulier, à travers le marché noir, phénomène qui, à la libération du territoire, menaçait de s’intensifier sous la forme d’une inflation galopante. Du temps de la présence allemande, celle‒ci n’était pas à l’ordre du jour, dans la mesure où les autorités de Vichy avaient garanti la stabilité du franc en l’accrochant au mark, ce qui permettait, en retour, aux Allemands de spolier l’économie française aussi tranquillement que possible.

À sa façon, Charles de Gaulle nous est apparu ‒ et c’est bien ainsi qu’il voulait se présenter, à la mi‒décembre de 1946, devant son épouse et devant son officier d’ordonnance ‒ comme un spécialiste des effets de l’inflation sur les rapports de classe en Pologne au début des années 1920 : enrichissement accéléré des possédants et appauvrissement mortifère de tous les autres…

Il ne pouvait pas ignorer que le même processus avait été utilisé, de main de maître, dans l’Allemagne de la république de Weimar, pour faire le tri entre les grands industriels allemands récupérant tout en dollars immédiatement transférés aux États‒Unis, tandis que la population s’asphyxiait de toute la monnaie de singe qu’on fabriquait pour elle à toute vapeur…

Certes, De Gaulle s’était engagé, à Londres, devant son épouse, et avec une certaine détermination : "En rentrant en France, je les mettrai tous à la gamelle." Or, il ne l’avait pas fait. C’est du moins l’impression qu’il avait laissée à Yvonne de Gaulle, qui s’en plaint auprès de lui à la mi‒décembre de 1946. Peut‒être madame espérait‒elle quelque chose d’un peu plus rigoureux que des cartes de pain ? C’est tout à son honneur.

Le Général, qui se retrouve tout penaud, ravale sa salive et, comme le rapporte Claude Guy
« ajoute , après un instant de silence, tristement : "Eh oui, bien sûr ! La prochaine fois, il faudra employer pendant longtemps, je le crains, des méthodes d’un caractère beaucoup plus autoritaire." » (Claude Guy, page 173)

Comme on le voit, il fait bon vivre chez les… Thénardier. Les discussions au coin du feu y sont tout à fait édifiantes : la France vient d’être mise à genoux par cinq années d’occupation de la terreur brune, pendant que les Thénardier n’y étaient pas, et, grâce au père Thénardier soi‒même, les voici qui se font tuer en Indochine. C’est vraiment à lui de nous le dire, devant ces cadavres qui s’accumulent autour d’un invraisemblable trafic de… piastres (car, évidemment, pour les militaires les plus débrouillards, c’est cela le vrai sport colonial en Indochine), tandis que les Thénardier ne sont pas très gênés par le marché noir, eux qui sont directement ravitaillés par les corbeaux de la Banque d’Indochine :
« Que sont‒ils, d’ailleurs, ces Français ? Des hommes, rien de plus que des hommes, rien de plus que des bourgeois. Mais chaque Français est, surtout et avant tout, en opposition totale avec tous les autres. N’en doutez pas, il le demeurera !... Fait‒il du marché noir ? Il en veut à celui qui s’enrichit mieux que lui ! Ne fait‒il pas de marché noir (à contrecoeur) ? Il dénonce l’injustice sociale !... Je ne sais pourquoi je dis cela d’ailleurs, puisque tous les Français font d’une manière ou d’une autre du marché noir : chacun triche mais s’indigne de ceux qui trichent plus que lui… » (page 173)

Un peu soufflé par les propos du général Thénardier, l’officier d’ordonnance Claude Guy ose esquisser un petit quelque chose :
« Mon Général, il n’y a pas que ces tricheurs. Le spectacle des injustices sociales est flagrant, dégradant. Il oppose deux cent mille profiteurs ‒ c’est le cas ou jamais de le dire ‒ à quarante millions de Français qui ont faim… » (page 173)

Thénardier :
« Qui ont faim ? Oui. Depuis deux mois, tout au plus, admettons qu’ils aient un peu faim. Ce que vous taisez, c’est l’essentiel : les Français n’ont faim que dans la mesure où ils sont complices de la tricherie générale, que dans la mesure où ils espèrent secrètement y participer, y accéder. » (pages 173‒174)

Et soudain, Thénardier prend du galon :
« Alors ? Ne me racontez pas d’histoires ! Comment ne voyez‒vous pas qu’ils sont tous complices ? Savez‒vous pourquoi, au plus chaud de la Libération, ils criaient tous : "Vive de Gaulle" ? "Vive de Gaulle", cela voulait d’abord dire : "Vive Moi", c’est‒à‒dire encore : "Vive Moi contre tous les autres ! c’est‒à‒dire, en définitive, "Vive Moi, que va défendre de Gaulle, contre tous les autres, qu’il se propose de combattre en mon nom". Cela voulait dire surtout : "Vive de Gaulle, qui va nous nourrir, nous procurer du charbon, remplir nos estomacs, pourvoir à notre matériel, sans que nous ayons en échange à donner quoi que ce soit." » (page 174)

Et c’est finalement Dieu le père :
« Comment ? De Gaulle les tire de la mouise, de Gaulle les tire du désastre, de Gaulle les tire de la honte, et, dès la Libération, ils s’indignent que de Gaulle ne leur ait pas procuré tout, et à profusion ? » (pages 174‒175)

Vous voyez comme nous avons, toutes et tous, été injustes !

Ah, Moïse ! Nous t’avons méconnu.

Mais, aujourd’hui, rassure‒toi, nous rampons devant tes chères Tables de la loi : la belle et adorée Constitution de 1958.


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16 réactions à cet article    


  • MagicBuster 21 août 2015 10:15

    Je pense que vous confondez le vrai Charles de Gaulle avec ceux qui s’en réclament.

    Le vrai Charles de Gaulle doit surement être en train de faire « la toupie » (hip hop) dans sa tombe.


    • CN46400 CN46400 21 août 2015 21:16

      @MagicBuster


       Il avait déjà beaucoup tourné avant....

    • soi même 21 août 2015 10:47

      En somme très bon article d’une pensé prolétaire, juste un peut borné sur certains sujets, le fric d’un coté et la lutte des classes .... !


      • morice morice 21 août 2015 14:46

        et tout ce verbiage pompeux dissimule quoi : une haine pour la constitution... de 58 et de De Gaulle avec en sous titre la CGT... qui comme on le sait est bien sûr un exemple de démocratie....


        1998 : Nos premières interventions à la tribune des congrès de la C.G.T. débouchent sur de véritables vagues de militantes et de militants qui se précipitent vers nous pour nous faire redire ce que nous avons découvert à propos du Conseil National de la Résistance (qui comprenait un membre de la C.G.T.) et de la forfaiture réalisée par de Gaulle à partir du texte qu’en février-mars 1943 il avait pourtant signé à Londres en présence de Jean Moulin. Nous voici, une fois de plus, projeté(e) sur les routes de France et de Navarre, mais, désormais, il s’agit pour nous d’intervenir devant les militantes et militants des syndicats, des unions locales, départementales, régionales, des fédérations... Nouvelle retentissante pour nous : la revue des retraités C.G.T., « Vie Nouvelle », nous consacre trois pleines pages et une grande et belle photographie centrale...


        2000 : Nous sommes parmi les invités du Congrès confédéral de Strasbourg à l’occasion duquel Bernard Thibault succédera à Louis Viannet : au journal télévisé de 20 heures, on a pu nous entrevoir... aux côtés de Georges Seguy. Mise en oeuvre de l’exposition en 21 tableaux consacrée à Jean Moulin, et poursuite d’un circuit de conférences sur ce thème un peu partout en France. Par ailleurs, nous disposons désormais chacun(e) d’un véhicule, et nous nous partageons le territoire national.


        2006 : Après une petite dizaine d’années de présence dans des centaines de congrès de la C.G.T., d’interven-tions additionnant à peu près deux ou trois dizaines de milliers de militantes et de militants, et d’une course totale d’un peu plus de 600 000 kilomètres, nous avons décidé de rentrer dans nos foyers pour pouvoir travailler mieux et plus encore au service de toutes ces personnes... et de quelques autres.


        il ne dit pas s’il a choisi le papier peint du bureau du nouveau secrétaire, mais ça va venir...


        http://nanterrereseau.blogspot.fr/2015/04/le-papier-peint.html


        mieux encore : 2014 (mai) : Françoise Petitdemange publie « La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011) »


        c’est bien connu aussi, Kadhafi était aussi un EXEMPLE comme démocrate, et mieux, un mec ayant le respect des personnes, comme Memona Hintermann avait pu le constater..


        https://www.youtube.com/watch?v=k00QKdsZ5RI


        comment peut—on aussi longtemps garder de telles œillères ???


        • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 21 août 2015 16:02

          @morice
          Françoise Petitdemange et Michel J. Cuny vous remercient pour la promotion.
          Mais - bien que vous l’ayez cité - l’essentiel vous échappe.


        • soi même 21 août 2015 18:30

          @morice ; va court vite pour attraper le goupillon pour ramoner la cheminè.
          Sa fume la mauvaise foie ... !


        • Moonlander Moonlander 21 août 2015 22:36

          @morice
          L’histoire avec une grande H ne dit pas si elle a joui en visionnant la mort de l’autre Kad en direct sur FR3 région.
          Y a pas une fiche sur ca ?


        • bakerstreet bakerstreet 21 août 2015 15:09

          Toujours ce verbiage aigre, fait de petites conclusions construites sur de la vase, dans l’esprit d’un paranoïaque infatué de sa personne, pour continuer ce chemin de croix, ou d’humour involontaire, tant cela est ridicule !

          Mais enfin cela donne prétexte au moins à se positionner, et se rappeler de la mémoire du grand homme. Un type qui servit même d’exemple aux révolutionnaires du monde entier, au travers de son parcours, et de sa capacité à s’opposer aux blocs, faisant de la France le chef des files des non alignés. 
          Voilà pourquoi De Gaulle est l’homme politique providentiel, sans qui le destin de la France aurait été tout autre. Quand tout était perdu, il y eut tout de même ce type pour représenter l’espoir, et refuser le diktat des lâches. 
          A ce jeu du refus, merci aussi à Jacques Chirac, ce type curieux qui aime bien la bière Corona, et qui eut pendant longtemps une réputation de tueur. A ceci près qu’il se sentait plus près des indiens que des cow boys quand il regardait les westerns. C’est peut être pour ça qu’il s’opposa au Texan Georges Bush, quand il voulut se réclamer de L’ONU pour intervenir en Irak. 
          Le grand Jacques, lui aussi, nous a sauvé la aussi de la honte !

          • CN46400 CN46400 21 août 2015 21:14

            @bakerstreet

             Sur Chirac, j’avoue qu’il m’a remboursé (en 2003) de mon vote du 2° tour de 2002. Dommage qu’il n’ait pas osé s’opposer à Jospin sur le quinquennat qui aggrave considérablement le déficit démocratique de la 5°.

          • bakerstreet bakerstreet 21 août 2015 21:55

            @CN46400


            Bien que les bouteilles de bière corona ne soient pas consignés, on n’a tous été remboursé de ce vote dilemme. Mais le vote utille a atteint ses limites, et quel que soit le challenger, à la recherche du temps perdu, je ne voterais pas pour l’homme sans qualités !

          • Furax Furax 21 août 2015 20:30

            @ MODERATION
            J’aimerais comprendre comment l’auteur de telles âneries est publié régulièrement tous les jours. Des articles de grande qualité sont bloqués, voire censurés. Morice, ci-dessus avec lequel je ne suis pas toujours d’accord mais dont les articles sont fouillés, étayés, a vu bien de ses articles passer à la trappe.
            Cuny poste ses articles le soir. Le score est, en général négatif. Et, le lendemain, on retrouve ses bouffonneries dont personne ne veut ?
            Cuny méprise Wiki :
             http://www.agoravox.fr/spip.php?page=forum&id_article=170656&id_forum=4360663&idf=4360666
            Pourquoi ?
            http://blogs.mediapart.fr/blog/michel-j-cuny/290115/wikipedia-ostracise-francoise-petitdemange-et-michel-j-cuny
            Tu parles !
            Agora, il ne faut pas tomber dans le ridicule !.


            • bakerstreet bakerstreet 21 août 2015 21:52

              @Furax

              Aussi d’accord avec vous que possible, et très furax moi aussi...

            • Dom66 Dom66 22 août 2015 01:14

              @Furax

              Avec les âneries de cuny trafiquant de l’histoire, moi j’ajouterais les âneries de morice trafiquant de cock le champion du copié/collé, le nul dans tous les domaines.


            • devphil30 devphil30 22 août 2015 07:12

              @ Modération


              J’ai déjà posté à la modération quand à la publication des articles de Cuny.

              Ces articles n’ont pas de nom et leur contenu est mensongé , détourné , falsifié.

              Ce pseudo écrivain utilise Agoravox pour distiller sa haine de De Gaulle.

              Il est bien dommage que les moins n’existe plus sur les auteurs et les commentaires car le vrai reflet du contenu des articles s’exprimerait pleinement.

              Désolé mais quand je vois ce type de contenu , je suis atterré par autant de conneries, c’est du niveau de la presse people avec la manipulation mensongère propre à cuny.

               « Certes, De Gaulle s’était engagé, à Londres, devant son épouse, et avec une certaine détermination : »En rentrant en France, je les mettrai tous à la gamelle.« Or, il ne l’avait pas fait. C’est du moins l’impression qu’il avait laissée à Yvonne de Gaulle, qui s’en plaint auprès de lui à la mi‒décembre de 1946. Peut‒être madame espérait‒elle quelque chose d’un peu plus rigoureux que des cartes de pain ? C’est tout à son honneur. »
              Je ne vais pas cité le reste de l’article car c’est tout à l’avenant.

              Merci à la modération de nous débarrassé de cette pollution nauséabonde journalière.

              Philippe 



            • CN46400 CN46400 22 août 2015 08:51

              @devphil30


              C’est toujours difficile de déboulonner les icones, mais quand on dispose d’assez de faits pour dégripper quelques boulons cela devient de la critique stimulante pour les esprits anti conformistes mais dérangeante pour ceux qui croyaient détenir la vérité...

            • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 22 août 2015 09:26

              @CN46400

              « A chacun de prendre ici la mesure de son bon sens, c’est-à-dire de la chaîne qui le tient, et de parier peut-être sur ces mots d’amour qui ne sont d’abord que des balbutiements proférés dans le champ clos de la lutte des classes. »
              (Dernier paragraphe - page 631 - de l’ouvrage de Michel J. Cuny - Françoise Petitdemange : Le feu sous la cendre - Enquête sur les silences obtenus par l’enseignement et la psychiatrie, Editions Paroles Vives 1986)
              Cf. http://feusouslacendre.canalblog.com

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