Nous, citoyens, sommes en train de perdre la guerre contre la Finance !
Le Politique est en train de perdre la guerre contre la Finance...
Premier acte, Washington, le 11 décembre 2014, 22h
Le budget américain, voté in extrémis le 11 décembre dernier sous la menace du shutdown brandie par les républicains (arrêt brutal des institutions américaines du fait de l'absence de vote du budget fédéral), a enterré en catimini les velléités des Etats-Unis de maîtriser le monde bancaire et financier.
L'une des plus importantes réformes d'Obama, celle qui forçait depuis 2010 les banques américaines à séparer la partie spéculative de celle dédiée à l'économie réelle, a été abrogée par un ultime amendement inscrit au budget, sous la pression du puissant lobby bancaire mené par Citigroup.
Les citoyens américains, par l'entremise du FDIC le Fonds de Garantie fédéral, sont redevenus redevables des faillites qui seraient causées par la spéculation des banques de marchés sur les produits dérivés, alors que depuis 2010 ce n'était plus le cas.
Pire, galvanisée de cette ordonnance, la spéculation redouble de vigueur. Les banques de marché voient leur notation brusquement s'améliorer, ce qui leur permet de se financer plus largement et à un meilleur coût.
En conséquence, le marché immobilier américain s'engage dans les mêmes travers qui ont provoqué la crise de 2008 et l'utilisation de produits toxiques comme les CDS, un temps stoppée, repart en flèche.
Rappelons que l'économie et le secteur bancaire peuvent se passer de l'usage de ces produits dérivés (ces produits n'existaient pas il y a 20 ans), que la résurgence de ces activités spéculatrices ne profite qu'à quelques financiers et qu'elle fait courir un risque immense à toute l'économie et aux citoyens.
Les états seront-ils d'ailleurs capables d'éponger une seconde faillite du système bancaire ?
Second acte, Bruxelles, décembre 2014
En Europe, une loi, la loi Barnier, préconise également une séparation entre les banques de marché et les banques de détail, accompagnée d'une limitation des garanties à ces dernières.
Seul problème, cette loi n'est pas adoptée !
Pire encore, la commission Juncker, devant la forte réticence de la France (!) et le piétinement des négociations, a décidé de faire figurer le projet Barnier parmi ceux qui pourraient être abandonnés dans les dix-huit mois à venir.
De plus, l'adoption de la loi Tobin de taxation des produits dérivés est freinée à nouveau par la France qui veut absolument protéger son secteur bancaire. Elle en propose une version tellement édulcorée qu'elle décourage ses partenaires, notamment italiens et allemands, et fait capoter les négociations qui avaient comme date butoir décembre 2014.
Troisième acte, Paris, Maison de la Radio, 5 janvier 2015
Face à ces revers et à la position désastreuse de la France, François Hollande se doit de prendre une initiative.
A la surprise générale, il prend en direct sur France Inter, le contrepied de la position que Bercy tenait jusque là et annonce vouloir instaurer la taxe Tobin d'ici 2017, "sur une large assiette et sur un taux faible", sans préciser de quel taux faible il s'agit.
Même si cette position intervient après que 140 députés l'aient réclamée au travers d'une lettre adressée en décembre à Manuel Valls, et même si elle concourt opportunément au financement du budget de l'Etat, il s'agit d'un progrès, à partir où elle s'applique à toute l'Europe, Angleterre incluse.
En revanche, nulle avancée sur la séparation des banques de marchés et de détail.
Le sujet est-il destiné à être enfoui en France et en Europe, entérinant la puissance du monde financier face à la faiblesse du monde politique ?
Quel mécanismes peuvent conduire un gouvernement de gauche (?) à agir de la sorte ?
Quels obscurcissements, quelles ignorances, quelles peurs conduisent à se renier ainsi ?
Un sursaut est-il encore possible ? Aux Etats-Unis ? En Europe ? En France ?
Et si maintenant on montrait l'exemple ?
Si on n'avait plus peur de la finance, de ses mécanismes opaques, de ses discours qui font croire à une fragilité endémique du système financier, discours qui n'ont d'autre raison que de gagner impunément et artificiellement de l'argent ?
Si on séparait sans faiblir les activités de marchés des activités de service à la clientèle ?
Si on encadrait drastiquement l'usage des instruments financiers toxiques ?
Si on mettait en place au niveau de toute l'Europe une taxe sur les opérations sur ces produits ?
Monsieur Hollande, menez la bataille, et faites en sorte qu'on ne perde pas la guerre.
Guerre qui n'est autre que la reprise en main de leur destin par les citoyens, et, par l'intermédiaire de l'action politique, de l'affirmation de la priorité de l'humain sur la finance.
A.D.
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