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Nuit debout, téléréalité du politiquement correct

Passé voir un vendredi, place de la République, le mouvement Nuit debout.

J'ai vu une triste Cour des miracles, une foire de fin du monde. Des étudiants coiffés et maquillés, vêtus d’habits de friperie élégants et détendus, avec de gros pin’s aux ourlets, boivent au nez et à la barbe des vendeurs de bière à la sauvette qui s’agitent entre eux, balbutiant quelques mots de la langue du pays. Une fillette rom aux jambes étiques, qui devait avoir dix ans, recouverte d’un voile rose, proposait des bières à deux euros, passant entre des bandes d’amis ressemblant à une publicité de mode.

Mais on y marchande moins d’alcool que de solitude : comme partout mais plus qu’ailleurs, de pauvres hères sur un banc parlent tout seuls, d’autres accentuent leur bonsoir aux personnes avec lesquelles ils ont échangé les opinions les plus insipides, pour prolonger sans heurt cette conversation éphémère et inopinée, avec des étudiantes parfumées qu’ils n’auront plus jamais l’occasion d’aborder, les assurant que, surtout, il faut bien écraser les patrons et les puissants.

A côté de la commission féminisme, un jeune homme discutait avec deux filles : au moment où l’une d’entre elles lui fit une bise de confraternité, il fléchit le visage pour l’embrasser sur la bouche, ce qu’elle évita d’un coup, presque fière de n’en pas dire un mot. Sur la piste de danse informelle, un cocaïnomane se jetait à terre pour étreindre des jeunes filles en riant, devant des punks exténués, assis entre les arbres et leurs gros chiens couchés.

Puis vinrent les stands des commissions (féminisme, antispécisme, infirmiers), enfoncés sous leur tentes comme autant de bolges d’un cercle de dédouaneurs professionnels ; la commission France-Afrique vendait même un livre racontant, de bonne foi, que l’excision fut importée en Afrique par la totalité des autres continents.

Enfin, l’Assemblée générale, où l’on se targuait que la police était prête à charger, en désignant un groupe de six à sept policiers à l’autre bout de la place. Elle s’acheva sur un slam, dont l’auteur racontait qu’il en prenait « deux fois plus dans la gueule » par la République parce qu’il était arabe. Des blagues cyniques, parlant de « s’approcher de la honte » pour mieux entendre, se murmuraient à sa performance, car ce n’est pas seulement le riverain, mais les visiteurs même de la place qui semblent sourire cruellement de ce qui s’y passe.

Le thème des débats du lendemain était « la violence », ou plutôt : « Répression policière, violence symbolique et contrôle au faciès ». En quittant la place, je passais devant le Bataclan, encore fermée de barrières après les massacres, carcasse oubliée dans la nuit.

Pierre Manent définit le politiquement correct comme « ce qui nous empêchent de voir ce que nous voyons ». Nuit debout est la mise en scène en temps réel du politiquement correct, sa foire carnavalesque : on se réunit pour réduire des inégalités dont le spectacle le plus insupportable s’anime aux yeux des participants sans les déranger, sans même qu’ils semblent le voir, avec ses parodies de débats aux répliques polies et angoissées, ses chérubins mendiants et ses effluves de drague informelle.

J’y étais le 22 avril, ou plutôt le 53 mars. Ce décompte pseudo-révolutionnaire, qui n’est qu’un frein au calendrier grégorien, dit bien la volonté de s’arracher de la condition humaine, de s’extirper du Temps, peut-être de l’âge adulte qui vient avec lui, comme des adolescents de seize ans décideraient qu’ils ont quinze ans et treize mois. Le « Rêve général » autoproclamé ne met fin ni au grand patronat, ni aux injustices mais aux réalités désagréables, dont l’immixtion aux cerveaux achoppe à des corps immunisés et farcesques, y compris celle de la misère sexuelle qui s’agite sous leur nez.


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21 réactions à cet article    


  • Anthrax 26 avril 2016 17:30

    Toi tu vas te faire savater par la horde de révolutionnaires en shorts qui traine ici... 

    Perso, j’ai apprécié ce témoignage qui correspond à ce que m’avait raconté un copain voisin du bordel et qui en a un peu ras le fion des AG nocturnes des camés au son des djembé.


    • Captain Marlo Fifi Brind_acier 26 avril 2016 21:03

      @Anthrax
      Il n’en reste pas moins que la classe moyenne, largement représentée dans ces assemblées, a bien des raisons de s’inquiéter.. !! Après les ouvriers, largement délocalisés à Paul Lemploi depuis les années 90, grâce au Traité de Maastricht, la classe moyenne est en cours de paupérisation aussi...
      Il ne faut pas sous- estimer la profondeur du mécontentement.
       


    • Algunet 27 avril 2016 09:34

      @Fifi Brind_acier
      La classe moyenne dans ce mouvement ???


    • Albert123 27 avril 2016 14:13

      @Algunet


      des enfants de bobos et des bobos eux même (fonctionnaires et salariés surpayés pouvant se mettre en arrêt à volonté), 

      des punks à chiens et autres consommateurs de came en manque de rave party,

      des incultes antifas / casseurs,

      des profs de gauche en manque de sensations « fortes »,

      des journalistes bien pensants,

      bref des « je suis charlie » en puissance, néo cons bobos de gauche qui s’ignorent, les spécialistes de l’entre soi et de la moraline

      on est bien dans la représentation de la classe moyenne, celle de gauche, déstructurée, coupée de ses origines et de sa culture pour lui préférer une non culture de gauche internationaliste et vide d’histoire et de sens.

    • fatallah 27 avril 2016 17:18

      @Albert123
      Ou
      Vous faites partie des 1% et votre commentaire est tout à fait cohérent et pertinent.
      Ou
      Vous n’en faites pas partie et c’est pathétique, vous allez sombrer avec la galère, sans avoir pris la peine de chercher les bouées de secours.

      Qui peut encore croire aux sornettes de la croissance infinie, de la concurrence libre et non faussée, à la loi de l’offre et la demande, ... au ruissellement des richesses,
      Qui peut encore ne pas voir que la vie en société n’est pas possible avec autant d’inégalités ...


    • Albert123 27 avril 2016 18:52

      @fatallah


      17h18, les croissants sont bon, le réveil pas trop dur, ça va ?



    • foufouille foufouille 26 avril 2016 19:24

      " la commission France-Afrique vendait même un livre racontant, de bonne foi, que l’excision fut importée en Afrique par la totalité des autres continents."
      on veut le titre de ce truc délirant.


      • Quentin Delannoi 28 avril 2016 15:14

        @foufouille Dans mon souvenir il s’agit de l’ouvrage collectif intitulé « Adieu l’excision. »


      • Captain Marlo Fifi Brind_acier 26 avril 2016 20:56

        Il s’agissait probablement de constituer un regroupement autour de la Gauche de la Gauche et des Syndicats, un Podémos à la française, roue de secours bien utile en période de PS en perdition, dont le capitaine du pédalo est en mode Titanic...


        Un Podémos autour du Plan B de Varoufakis, soutenu par Mélenchon et le PCF. Le but d’un plan B pour l’ Europe étant de neutraliser les mécontents en les faisant rêver à une Autre Europe à la St Glinglin...Pendant ce temps, ils ne pensent pas à sortir de l’ UE !
        Il se trouve que nos Noctambules ne veulent pas être récupérés, chou blanc pour les organisateurs !

        Et puis, dernière nouvelle, Varoufakis aime beaucoup, devinez qui ? Macron !
        Il semble qu’une vaste recomposition de la classe politique soit en cours ...

        • Robert GIL Robert GIL 27 avril 2016 08:13

          @Fifi Brind_acier
          et oui, il y en a meme qui aiment asselineau ... un tel decelebrement mental m’inquiete !
          .
          voir : ASSELINEAU et l’UPR ou l’imposture anti-européenne
          .


        • agent ananas agent ananas 27 avril 2016 06:29

          Le journaliste irlandais Gearoid O’Colmain s’est rendu place de la République à Paris pour y voir le mouvement « Nuit Debout ». À sa grande déception, ce que l’on présente comme une prise de parole citoyenne n’était qu’un rassemblement gauchiste. Ici, loin de voir dans le capitalisme « le stade suprême de l’impérialisme », on déplore les mensonges d’un grand patron, mais on ignore la financiarisation de l’économie et l’on célèbre les coups d’État maquillés du « printemps arabe ».
          SUITE


          • Spartacus Lequidam Spartacus 27 avril 2016 09:31
            Les témoignages des commerces et voisins avoisinants sont élogieux.
            Tags démonstratifs sur leurs locaux, vitrines cassés à répétition, cartons et bricolages de fortune pour remplacer les dégâts de ces pourris.
            Toilettes saccagées de visiteurs sans consommation.
            Insulte et crachats sur les vrais consommateurs, personnel apeuré. Porcherie à ciel ouvert, insalubrité. Terreur sur les voisins. 
            Tapages nocturnes, enfants en bas age déstabilisés. Insécurité.
            Certains obligé d’aller chez des amis pour éviter de passer entre les SDF et les puants gauchistes qui ne se lavent pas.

            • agent ananas agent ananas 27 avril 2016 12:00

              @Spartacus
              Bah, vous pouvez remercier Soros de financer les fachos antifa/LJD ...
              Nuit de boue ?...


            • Albert123 27 avril 2016 12:21

              texte magnifique par sa lucidité, 


              il est bientôt 13 h00 nous attendons avec impatience le réveil de la gogoche pour venir troller ce sujet.

              • Jean Keim Jean Keim 27 avril 2016 14:05

                Allez une lapalissade : les ND sont ce que les participants en font.


                • docdory docdory 27 avril 2016 14:50

                  Il y a aussi une réunion « nuit debout » à Rouen, place de l’hôtel de Vile ( ou du moins il y en avait une il y a huit jours ). Je m’en suis aperçu car je passais par là par hasard la semaine dernière vers 19 heures.

                  Il y avait là une trentaine de personnes, des losers intégraux allant du punk à chien au vieux prof post soixante-huitard dégarni rêvant sans doute au « grand soir » , des filles aux cheveux gras habillées de ponchos verdâtres ou pseudo sud-américains, et des étudiants barbus en caban bleu ayant le look de militants de l’UNEF.
                  Ils avaient tous l’air de s’emmerder profondément en se les gelant et en discutaillant vaguement .
                  Le contraste était saisissant car, à une cinquantaine de mètres, il y avait les terrasses pleines à craquer des deux bistrots qui bordent la place, où des étudiants ou jeunes travailleurs, l’air dynamique et rigolard, venaient joyeusement siroter une bière à la sortie du travail. Manifestement, ils n’en avaient rien à foutre des « nuit-deboutistes » qui zonaient à côté.
                  Deux jeunesses qui s’ignorent totalement, et qui probablement se mépriseraient mutuellement si jamais elles venaient à se retrouver au même endroit... Les cinquante mètres de distance qui les séparaient semblaient une distance aussi grande que des années-lumière !

                  • mariestan 27 avril 2016 16:40

                    votre jeunesse rigolarde et dynamique par son inconscience fait fonctionner ce beau sytème...j’imagine que les assiettes dans les bars et terrasses étaient bourrées de pesticides et de mets sans saveurs et que la dusparition de la biodiversité est le dernier de leur souci...ils seraient un peu moins gais et plus préoccupés sinon les gogols consommateurs joyeux...ils poussent aussi leur caddies chez Auchan et les autres le samedi j’imagine et n’iraient jamais peser pour une meilleure alimentation comme l’ont fait les allemands ..des amis de Auchan ....Monsanto et autres grosses multinationales dont ils sont de fidèles larbins 

                    quant aux autres niveau écolo pas forcèment mieux mais peut etre une conscience plus claire du monde qui arrive et donc une joie de vivre peut etre moins intacte que ces gogols


                    • panpan 27 avril 2016 17:14

                      Pitoyable mascarade de pauv’ types et de pauv’ filles. Du mou, du gnan-gnan, de la « merdasse » avec de la casse pour faire « sérieux » et emmerder les riverains. Pathétique.

                      Vous y avez cru ?

                      Pourtant, il fallait s’y attendre dès que ça a commencé.

                      C’est à Paris que ça se passe... pas à Madrid... ni à Bangkok,


                      • Phalanx Phalanx 27 avril 2016 17:25

                        En tant que fasciste des heures les plus sombres de notre histoire, je tiens à féliciter le mouvement « nuit debout » pour sa pureté raciale et sa francité (il n’y a que des Justine, Baptiste, Thibaut, Charlotte etc ...).


                        Encore un peu et on se croirait dans un vrai pays, sans remplacement de population.

                        Bon par contre quand on les écoute on comprend un peu ce qu’est la dégénérescence mentale. 

                        Le plus drôle, c’est que ce club de babtous fragiles complétement tarés rêvent que les « banlieues populaires » les rejoignent ... je paierais cher pour voir le résultat. 

                        • l'Ane Artiste l’Ane Artiste 27 avril 2016 18:19

                          Bravo mon cieux le pro fesseur à gré j’ai de l’être mot derne !

                          En vous lisant, je voix queue vous avez l’âme d’un Balzac contemporhin . Ici l’avantage cé con voie pas la trogne de celui qui traine sur cettte agora.
                          On ne voit pas ses fringues, on ne sait pas s’il boit, fume ou snif de la coco. On ignore ce qu’il mange, s’il pue de la gueule. On ignore tou de cette fame, de cet ohm y compris sa pratique sexuelle.
                          Ici c’est le brouhaha silencieux et solitaire.
                          c’est pour ça queue je viendre ici.
                          bien avoue

                          pet ai-ce : jé peut être fée des fôtes veuillez m’en excuser


                          • fatizo fatizo 27 avril 2016 19:32

                            Le titre est déjà très réussi. C’est bien vu.

                            Pour être passé plusieurs fois par la Place de la République, j’ai vu la même chose que l’auteur ;
                            On peut comprendre que des mômes se laissent avoir, mais que des médias trouvent des toutes les qualités à ce triste spectacle, c’est pathétique.
                            Ah ils sont beaux les révolutionnaires !

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