Numérique à l’école : La stratégie en carton du gouvernement
On le sait, le "numérique" est un domaine stratégique qui intéresse les politiques. Ce terme un peu flou fait référence aux usages des technologies de l'information, par les entreprises et les particuliers. Si la définition du mot est vague, le potentiel économique sous-jacent est lui bien concret, et bien compris de nos dirigeants. Le numérique contribue largement à la croissance française (de l'ordre de 20% aujourd'hui), et les perspectives d'évolution sont très prometteuses à moyen et à long terme. Les secteurs de l'édition de logiciels, de la prestation de services informatiques, et plus largement toutes les entreprises consommatrices de systèmes d'information (soit presque toutes…) vont dans les années à venir rechercher massivement des informaticiens qualifiés. Quelle aubaine pour l'emploi, priorité parmi les priorités.
Il serait donc dommage de ne pas tirer pleinement profit de cette réserve future d'emplois, lueur d'espoir dans notre sombre horizon économique. Cela, les politiques le savent bien. Il savent aussi qu'un des piliers de notre compétitivité dans ce secteur sera l'enseignement. L'enseignement supérieur, mais aussi primaire et secondaire. Il faut éduquer nos enfants au numérique, et ce dès le plus jeune âge, voilà qui fait consensus. Vincent Peillon le sait bien lui aussi, il a d'ailleurs tenu à introduire un volet numérique dans son projet pour l'école. Voici ce que l'on peut lire sur le site du gouvernement, sur une page décrivant les nouveautés 2013 pour l'école. On y trouve une section "Le numérique au service de l'école". On peut y lire : "Depuis décembre 2012, le ministère s’est doté d’une stratégie ambitieuse pour "faire entrer l’école dans l’ère du numérique". Et l'auteur de détailler les mesures :
"La loi pour la refondation de l’École instaure le Service public du numérique éducatif, qui a pour mission d’organiser une offre de contenus et de services pédagogiques numériques à destination de l’ensemble de la communauté éducative.
Dès la rentrée 2013, onze nouveaux services numériques seront disponibles pour permettre aux élèves de mieux apprendre en ayant plaisir à apprendre, aux enseignants de mieux enseigner en diversifiant leurs enseignements et aux parents d’élèves de mieux suivre et comprendre la scolarité de leurs enfants.
23 collèges labellisés "collèges connectés" bénéficieront dès la rentrée 2013 d’un accompagnement pédagogique et, avec l’aide des conseils généraux concernés, d’investissements spécifiques destinés à intégrer davantage le numérique dans les enseignements et dans la vie scolaire de l’établissement.
Une éducation renouvelée aux médias, à l’information et à l’usage responsable d’internet et des réseaux sociaux sera par ailleurs dispensée de l’école primaire au lycée. Elle permettra de transmettre aux élèves les connaissances et compétences nécessaires à la maîtrise de l’information, devenue aujourd’hui une condition essentielle de l’accès aux autres savoirs.
Enfin, les ESPE auront pour mission de former les enseignants à l’usage du numérique, afin qu’ils sachent non seulement maîtriser techniquement les outils numériques mais aussi et surtout les mettre au service des apprentissages en classe."
Fin de citation.
Ces mesures résonnent avec un rapport récent de l’académie des sciences intitulé : "L'enseignement de l'informatique en France : Il est urgent de ne plus attendre". Là où les propositions du gouvernement se cantonnent aux seuls usages des outils : "Service numérique […] pour mieux apprendre", "Education aux médias […] aux réseaux sociaux", les experts de l’académie préconisent d’enseigner l’informatique en tant que discipline scientifique. Préconisation apparemment ignorée par le ministre.
Dans ce document, l'institution précise que :
"Le développement du numérique est intimement lié aux progrès de l’informatique, qui est
devenue une science autonome avec ses formes de pensée spécifiques. Si les objets et
applications numériques évoluent à allure soutenue, la science informatique reste fondée sur un
ensemble stable et homogène de concepts et de savoirs."
et de rappeler
"la nécessité d’un enseignement d’informatique en tant que discipline scientifique"
L'académie affirme en substance qu'enseigner aux élèves les seuls usages des outils numériques serait un peu comme enseigner l'emploi d'une calculatrice sans parler de mathématiques, ou celui d'un osciloscope sans aborder les concepts de la physique fondamentale. Elle conseille au contraire d’introduire les concepts de base de la science informatique : algorithme, langage, information, sans nécessairement utiliser un ordinateur, d’enseigner le fonctionnement des outils utilisés au quotidien : comment un mail arrive-t-il à destination ? C'est selon elle cet enseignement qui donnera aux citoyens les outils pour comprendre ce monde d'information qui les entoure, et aux futurs informaticiens les bases de leur compétence.
“La décision essentielle à prendre est de mettre en place un enseignement de science informatique depuis le primaire jusqu’au lycée, orienté vers la compréhension et la maîtrise de l’informatique, et dépassant donc largement les seuls usages des matériels et logiciels. Cette mise en place ne doit plus être différée.”
Nous disent les experts. Cette décision est aujourd’hui absente des projets de l’exécutif, qui continue semble-t-il à penser que mettre des iPads à disposition des collégiens est une réponse pertinente de l’enseignement à l’essor croissant du numérique.
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