Obama lave plus blanc !
Il n’est qu’à lire la presse, regarder les titres des hebdomadaires et les affiches de couvertures dans les kiosques, Obama passionne, fait parler de lui et fait vendre, encore plus que Nicolas Sarkozy. Un coup d’œil sur les articles d’Agoravox de l’édition de mardi, et au moins sept articles aborde le thème. Obama se vend comme une lessive, avec slogans, spots publicitaires et par dessus le marché, la petite histoire qui en fait le héros aussi bien de Gala que du Point, de l’Express et du Figaro. C’est l’avènement du Storytelling alliant à la fois le marketing et la mise en scène narrative et photographique du personnage à mettre en avant. Avec Obama, nous avons même droit aux produits dérivés, T-shirts, tasses (on doit dire mugs pour faire américain), porte-clés, posters, jusqu’aux objets collectors les plus improbables.
Rien à voir avec Sarkozy qui engendre plutôt le produit détourné que le produit dérivé ; que l’on se souvienne de la poupée vaudoue et des bandes dessinées comme « La face karchée … »
Coluche nous manque avec son sketch sur les lessives, Bonux, OMO et Ajax WC !Avec Obama, ce n’est pas à la deuxième couche que nous avons droit mais à une troisième, une quatrième et une énième. Obama du sol au plafond depuis de semaines !
Jusqu’à plus soif. Peu importe qu’Obama soit un bon président pour les Etats-Unis et accessoirement pour le monde, il est devenu un produit de consommation engendrant des recettes, des parts d’audience et des tirages papiers.
Tout cela n’est pas innocent et n’a pas grand chose à voir avec la politique, ou du moins avec ce qu’elle devrait être, en rapport avec le débat d’idées, l’analyse économique, géostratégique.
Cela tient de ce que l’on appelle désormais le Storytelling, ce que Christian Salmon explique si bien dans son essai sur la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits. (Edition La Découverte 2007)
La Norvège, la Suisse, le Luxembourg et le Liechtenstein sont des pays européens parmi les plus riches, plutôt démocratiques et bien gérés , même si on peut dans certains cas leur reprocher un côté paradis fiscal. Mais qui en connaît les dirigeants, les gouvernants et ministres. Les familles régnantes n’étant pas des souverains absolus, mais des monarques représentatifs, ils ne paraissent que lors des cérémonies officielles. N’étant pas aussi fantasques et originaux que les Grimaldi sur leur rocher, ils ne font que rarement la couverture d’un numéro de Point de vue ou hebdomadaire assimilé. Et pourtant, les quatre pays sus-cités s’en tirent plutôt bien et sont pourtant gouvernés par de quasi-inconnus en dehors de leur propre pays.
Cela tendrait à prouver a contrario qu’il n’est pas besoin d’un président à la fois christique et couverture de magazine pour qu’un pays soit gouverné avec mesure et sagacité.
Jadis ce qui ne se dénommait pas encore hyper médiatisation s’appelait culte de la personnalité. Courtisans et membres de partis totalitaires et ubuesques nous faisait l’apologie du génie des Carpates et couvrait les bâtiments publics de portraits géants, la presse de photos d’inauguration et les populations se devaient d’applaudir au passage des cortèges.
Avec Obama il ne manque que les statues monumentales mais on assiste au même scénario orchestré en toute démocratie médiatique. Les badauds se ruent vers les barrières pour assister au spectacle et agiter des petits drapeaux américains sans qu’ils soient forcés comme jadis en Roumanie ou encore de nos jours au Zimbabwe en Corée du Nord ou à Cuba à applaudir à tout rompre au passage de la limousine blindée. Il viennent spontanément et non le fusil dans le dos. Ce qui finalement est pire car ils y croient dur comme fer en leur Obama et ils vont déchanter bien vite quand la crise économique les ramènera à la réalité quotidienne faite de chômage et de récession !
Le matraquage médiatique, les moyens de marketing mis en œuvre pour alimenter le sentiment de joie et d’allégresse populaire ont remplacé les matraques des nervis et hommes de main des partis uniques, qu’ils soient communistes ou dictatoriaux.
Ce n’est pas la prise de pouvoir par Louis XIV à laquelle nous assistons mais à une mise en scène qui rappelle les parades du Reich, les défilés sur la place Tienanmen et sur la place Rouge. Il ne manque que les chars d’assaut pour intervenir en Afghanistan ou en Iran. Mais bientôt les chars fleuris seront remplacés par les engins de guerre quand l’appareil militaro- industriel considèrera que la fête est finie et que les affaires reprennent.
En dehors de la jalousie temporaire que peut éventuellement éprouver Sarkozy à la surmédiatisation du sacre d’Obama, le président français doit se souvenir avec nostalgie de la période pas si lointaine où lui-même faisait organiser des concert avec Polnareff and Co, saluait la foule de la main et s’exhibait soit à Dysneyland, soit en Egypte, soit en Jordanie. Mauvais moment à passer, mais dans quelques semaines, qu’il ne se plaigne pas trop, cela sera à nouveau son tour de briller ou plutôt de luire.
Il n’y a pas beaucoup de concurrents pour faire de l’ombre. Qui se rappelle le visage et l’allure du Chinois Hu Jintao ? Il n’est pas plus connu, peut-être moins que ce Monsieur Besson qui a fait du chemin depuis qu’il n’est plus dans le sillage de Ségolène Royal ! Madame Merkel, quant à elle, se fait remarquer plus par ce qu’elle fait que par ce qu’elle montre d’elle.
Obama aurait peut-être intérêt à suivre l’exemple du président chinois et de la chancelière allemande s’il veut marque l’histoire et non marcher sur les brisées de Sarkozy. Concerts, photos avec l’épouse, ballades en train et slogan au contenu aussi faible que Yes we can ne font pas bon ménage avec une vision politique du monde. La Weltanschauung s’accommode mal des fanfreluches, des photos posées pour les magazines et les trémoussement à la musique et aux paroles de Bruce Springsteen, Mireille Mathieu ou autre Macias.
Mais peut-être est-ce là, la nouvelle façon de gouverner et de faire de la politique ? A terme, cela peut être payant. Qu’on se souvienne de la belle Benazir Bhutto dont les effets de cheveux et le côté glamour ont fait oublier un passé politique incertain et un mari aux relations financières douteuses qui lui a succédé.
L’image suffira t’elle à faire un président ? Il est certain qu’il y a autre chose qu’un couverture de magazine dans la personnalité et les capacités d’Obama. Les qualités intellectuelles, le contenu des discours pourraient suffire à eux seuls à justifier la place qu’il occupe si au lieu d’être considéré comme noir, il était borgne, manchot ou gitan. Hélas, le monde, ou plutôt ceux qui utilisent ceux qui informent le monde, veut une icône, une sorte de Dieu vivant photogénique. C’est l’effet Kennedy, amplifié à la mode 2009, dont le sourire, le bronzage et l’épouse avec enfants ont fait oublier la guerre du Vietnam, les liens plus ou moins sulfureux avec la mafia et la Baie des Cochons.
Bonne chance Obama, à condition qu’il se débarrasse du conte de fées pour ménagère de moins de cinquante ans. Sinon il est condamné à continuer à se vendre comme une lessive qui lave plus blanc et faire avaler la pilule de la récession. Combien de temps la logique de communication, celle du Storytelling venue du monde publicitaire, va empoisonner le paysage politique ? Pour longtemps, il faut le craindre car se système est une arme qui change le citoyen et l’électeur en consommateur et en voyeur. Et en plus, c’est payant, les nouveaux Séguéla de Face Book ont pris le pouvoir pour probablement jusqu’à la prochaine crise de confiance.
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON