Omrane, nouvel enfant-symbole de la guerre
Il a quatre ans. Il se prénomme Omrane. La maison de ses parents a été détruite lors d’un bombardement à Alep. Il attend sur une chaise. Car contrairement à Aylan sur la plage de Turquie, Omrane est vivant.
Symbole de la guerre…
Secoué mais vivant. Blessé, avec du sang et de la poussière sur le visage. La photo est esthétique : il n’y a pas d’enfant-symbole sans une mise en scène propre à attirer nos regards.
L’unité des couleurs est esthétique. Beaucoup d’orangé, souligné par le contraste avec le gris. La pose et les objets autour donnent une impression de terminus : il n’y a pas d’endroit où aller.
La photo a-t-elle été prise de manière spontanée ? Ou après arrangement pour l’image ? Les photographes cherchent d’instinct les meilleures vues, quand ils ne les organisent pas eux-mêmes. Ils savent ce qui marche.
Peu importe. Il fallait une image. Une image qui marque par son esthétique. Et il semble que cela soit le cas : Omrane est devenu le nouveau symbole de l’horreur de la guerre en Syrie. Les médias occidentaux se la passent et repassent, comme un délicieux canapé au caviar propre à booster les ventes. Détrôné, Aylan : le règne médiatique d’Omrane commence. Jusqu’au suivant. Car il finira par s’user : l’occident est un gros consommateur d’images de ce type. Il en faudra d’autres.
… ou pas trop
Côté symbole ça ne manque pourtant pas. Cette rue dévastée et ces hommes transportant peut-être un mort (image 2). Ou cet autre enfant qui n’a pas eu droit à sa photo à la une des médias mondiaux (image 3, crédit Reuters). Comment se nomme-t-il ? Pourquoi n’est-ce pas lui, le symbole de la guerre ?
Dans la même idée, sur une vidéo du sauvetage, on voit un autre enfant sorti des décombres, juste après Omrane. Pourquoi ne sont-ils pas deux enfants-symboles ? Et pourquoi ne pas choisir comme symboles des adultes aux corps déchiquetés, dont les morceaux épars s’étalent les murs des décombres ?
À cause de l’esthétique. La photo d’Omrane est plus intéressante du point de vue visuel. Le cadrage n’est pas anodin : la solitude de l’enfant est suggérée, accentuant encore son drame – alors que sur d’autres images, dont une vidéo du sauvetage, il y a beaucoup d’adultes autour de lui. Le photographe a choisi ce qui convient pour les occidentaux empêtrés dans leur émotionnel. Laissons donc les émotions pour la télé, comme divertissement.
Le photographe, justement. Il s’appelle Mahmoud Rslan. Il s’est mis en scène lui-même l’été dernier, dans une image postée sur son compte Facebook. Sur cette photo, il y a lui-même en premier plan, et d’autres hommes à l’arrière. Des hommes membres du groupe Noureddine Al-Zinki, groupe salafiste islamiste. Dont deux commandants, qui ont été impliqués dans l’assassinat d’un enfant égorgé en juillet dernier.
Symboles à la pelle
Selon un médecin d’Alep :
« Omrane a eu de la chance que son histoire ait été diffusée dans tous les médias, mais tous les jours nous avons de nombreux enfants qui ont des blessures plus graves, a déclaré ce médecin avant d’ajouter : Ils perdent la vie ou ils sont mutilés, beaucoup restent paralysés. »
Beaucoup de symboles, des milliers de symboles de la guerre.
En résumé : un photographe propose une image-symbole de la guerre, à savoir un enfant, sorti blessé et choqué des décombres. Les médias choisissent de faire connaître la photo où Omrane est seul (alors que d’autres enfants sont également sortis des décombres après Omrane).
L’image montrée d’Omrane est donc bien un choix : elle est porteuse d’une intention.
Enfin on voit Mamhoud Rslan en photo avec des membres d’un groupe islamiste qu’il admire (image 4). Un groupe dont deux membres ont égorgé publiquement un enfant il y a peu.
Occident, choisis mieux tes symboles. Celui-ci est déjà corrompu.
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