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Accueil du site > Tribune Libre > On achève bien les chevaux !

On achève bien les chevaux !

Il y a bientôt un mois, Valérie Cruzin mettait fin à ses jours et à ceux de l’enfant qu’elle portait au bout d’un parcours de harcèlement psychologique et moral de près d’un an, mené par des parents d’élèves autorisés par l’école et la hiérarchie à pratiquer l’ingérence c’est-à-dire la destruction.

Voilà, beaucoup le savent désormais : Valérie Cruzin a choisi de mourir avec son enfant. Elle est morte sous les coups bas répétés et sous les coups mortellement blessants des mots ou des lettres de parents d’élèves responsables d’une profonde destruction de sa personnalité. A lire différents articles et témoignages sur son histoire, j’ai tout de suite compris que la cause de son décès était l’ingérence. Pour les non-professionnels, je vais vous expliquer précisément de quoi il s’agit et vous démontrer pourquoi cela est très en vogue actuellement. D’abord, explications :

A/ QU’EST-CE-QUE L’INGERENCE ?

L’ingérence consiste pour un ou plusieurs parents d’élèves à être autorisés par le directeur de l’école à entrer régulièrement dans l’école en dehors des créneaux horaires accordés à tous les autres parents d’élèves. Cette introduction consentie dans l’école peut avoir plusieurs aspects :

1. les parents d’élèves se contentent de "traîner" dans l’école dans le but d’observer le déroulement des activités ou l’organisation du travail des différents intervenants d’une école (personnel de mairie, enseignants, directeur, etc.) ou encore les rapports de pouvoir entre ces différents partenaires ;

2. les parents pratiquant l’ingérence peuvent aussi décider de proposer leur aide à l’enseignant dans le cadre d’une activité pédagogique régulière ou ponctuelle (travail manuel, accompagnement aux sorties scolaires, à la piscine, encadrement pour les activités ludothèque ou médiathèque, etc.) ;

3. ils peuvent aussi se proposer pour de grosses activités ponctuelles : fêtes de Noël à préparer, kermesses de fin d’année, tombolas diverses, ventes de produits maison pour financer un voyage scolaire, etc. ;

4. enfin, ils peuvent aussi décider de monter entre eux des activités ou projets pour l’école.

B/ LES BUTS DE L’INGERENCE POUR LES PARENTS D’ELEVES

1. La participation contrôlée des parents d’élèves n’est pas de l’ingérence. Cette participation est utile et souhaitable. Elle est inoffensive et saine. Dans ce cas :

_les parents répondent à une demande d’aide ponctuelle d’un enseignant/classe pour une sortie piscine, une sortie à la bibliothèque, etc., mais ils ne sont pas à l’origine du besoin de leur intervention ;

_les parents "s’investissent" (terme à la mode) sur une durée et dans un cadre défini par l’enseignant de la classe lui-même, puis cèdent la place à la continuation de l’emploi du temps. Ils participent, aident ou accompagnent, mais sont bel et bien sous la conduite de l’enseignant (en clair c’est l’enseignant qui est le maître du déroulement des activités).

2. La véritable ingérence perverse et destructrice :

_les parents se servent d’une autorisation d’intervention régulière dans l’école au sein d’une activité pédagogique définie pour observer les attitudes et les façons de faire d’un enseignant (la pédagogie) afin de s’en servir ensuite contre lui par le moyen de la délation : compte rendus au directeur, à l’inspecteur, aux représentants des parents d’élèves, aux services municipaux, etc. dans l’intention de nuire ;

_les parents tentent d’imposer leurs propres projets dans l’école à l’équipe pédagogique dans le but d’accroître leur autonomie et leur pouvoir dans l’école (faire de plus en plus ce qui leur convient sans la validation des interventions par l’équipe pédagogique). Les enseignants ne contrôlent plus l’encadrement de ces interventions. Enfants et activités ne sont plus sous la responsabilité des enseignants. Cela peut être beaucoup plus dangereux qu’on ne le croit.

C/ LES MOTIFS DU DEVELOPPEMENT DE L’INGERENCE SOURNOISE ET DESTRUCTRICE

1. La démagogie : si je suis directeur d’école et que je suis bien vu des parents d’élèves ou représentants de parents d’élèves en les laissant faire à peu près ce qu’ils veulent au sein de l’établissement, alors je serai moi-même à l’abri des plaintes, délations, ennuis divers et variés. Il s’agit donc d’opérer un léger "déplacement" des complications inhérentes au métier sur les collègues et le tour est joué.

2. De plus, en tant que directeur d’école, je serai informé le premier par les parents eux-mêmes qui me servent ainsi de vigie et de délateur attitré et ce n’est pas l’inspecteur qui m’appellera au téléphone pour me demander des comptes sur tel ou tel fait survenu dans l’établissement.

3. Et puis l’union fait la force et si les parents d’élèves s’y mettent en nombre pour organiser ces fameux événements lourds à gérer en temps et charge de travail (kermesses, grandes tombolas, etc.), c’est bien pratique pour un directeur d’école.

4. Pour les parents ? : le favoritisme, la prise d’avance dans la compétition sociale (enfin fantasmatiquement parlant) car si certains parents d’élèves sont admis dans l’école tandis que tous les autres ne le sont pas, alors ils peuvent agir dans l’intérêt prioritaire de leur propre enfant. Là est l’un des buts essentiels de l’ingérence : favoriser son propre enfant par rapport aux autres.

Voilà, je le crois sincèrement, de quoi vous êtes morte Madame qui n’êtes plus là pour vous méfier et pour lire cet article qui vous est de toute mon expérience mais aussi de tout mon triste coeur dédié, car je suis extrêmement bouleversée de ce que le système a permis qu’on vous fasse : vous abattre au nom de la plus vile démagogie. Je suis au regret d’appartenir à ce corps de métier sans c... et à cette corporation gangrénée par la lâcheté !!!


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14 réactions à cet article    


  • 5A3N5D 3 avril 2008 14:24

    @ l’auteur,

    Je suis désolé, mais je ne vois pas à quel moment il y a eu "ingérence" dans la classe de cette institutrice. Le problème venait, semble-t-il, de son assistante maternelle, payée par la municipalité.

    A aucun moment, il n’a été dit que cette enseignante avait accepté dans sa classe la présence de parents d’élèves.

    Ceci dit, je suis parfaitement d’accord pour dire que l’ "ingérence", puisque vous avez employé de mot, peut être extrêmement préjudiciable au bon déroulement des activités scolaires.

     


    • fddr 3 avril 2008 21:31

      @5A3N5D

      Bonsoir,

      L’ingérence n’est possible qu’en"partenariat"avec soit le(la) directeur(trice),le personnel municipal(atsem par exemple),ou encore les représentants des parents d’élèves.Je vous garantis qu’une tentative d’ingérence en "free lance" c’est à dire sans relais à l’intérieur de l’école et sans l’écoute complaisante de l’inspecteur n’aboutit absolument jamais, car le mammouth est puissant.Pour qu’une complication se produise réellement il faut que les 2 parties -enseignants et parents -se rejoignent à un moment, je dirai même s’entendent...Et c’est là que je dis que l’auteur caché de tout cela est la démagogie : le "satisfaire tout le monde" mensonger de notre société.Plaire et ne pas déplaire ,plaire encore et ne pas déplaire ...encore et toujours .Il est temps de se remettre à taper du poing et d’affirmer que les choses sont justes ou ne le sont pas,qu’elles sont vérifiables ou qu’elles ne le sont pas(savez-vous qu’un inspecteur ne fait absolument jamais de visite surprise dans une école !).il est temps de réaffirmer des valeurs et de cesser de ramper devant les sondages d’opinion publique,et autres box office de la mesquinerie.A l’inverse de tout cela ,Je suis actuellement dans une école qui dysfonctionne complètement mais le(la) directeur(trice) qui mène la barque s’est mis les représentants des parents d’élèves dans la poche ainsi les retours qui sont faits en direction de l’ensemble des parents d’élèves de l’école sont bien sûr tous excellents !!!

      Pour vous Valérie.

       


    • Nobody knows me Nobody knows me 4 avril 2008 11:28

      Ils feraient mieux d’aller ingérer dans la chambre des députés et compagnie, plutôt que de compliquer encore le boulot des professeurs, déjà assez difficile. L’instinct des parents envers leur progéniture, totalement naturel, devient effrayant parfois.


    • Servais-Jean 3 avril 2008 15:28

      Lorsque cette nouvelle est passée sur France-Inter elle était accompagnée des commentaires du maire de la commune où a eu lieu ce drame. En substance : en disant que cette enseignante avait vu auparavent des psy il suggérait quelle était folle.

      On peut penser qu’avec de tels arguments, qu’en fait il se donne à lui-même pour se rassurer, cet heureux maire doit dormir tranquille.

       


      • Servais-Jean 3 avril 2008 19:10

        Complément d’information au commentaire ce-dessus :

        Le maire en question est celui de Paulhac

        L’info provient de France-Info du journal de 13 h du 29 Mars

         



      • Philou017 Philou017 3 avril 2008 19:49

        J’ai un copain qui a fait des remplacements dans les écoles privées. Il dit que les profs n’osent pas bouger le petit doigt de peur de voir les gamins aller se plaindre à leur parents, les mêmes parents qui sont prêts à se précipiter chez le directeur ou à se plaindre en conseil de parents d’éleves du prof "incompétent", en cas de plainte du mioche.

        Apparemment ; l’école publique a tendance à prendre la même voie.

        Il faut dire qu’à notre époque, l’école est devenue un tremplin social indispensable qui doit être efficace afin que les bambins ne se retrouvent pas au chômage. Il est donc logique que l’école subisse des pressions importantes de la part des acteurs "économiques" qui y sont engagés.

        "Il vaut mieux une tête bien faite qu’une tête bien pleine" disait quelqu’un. Aujourd’hui, ca serait "Il vaut mieux des diplomes qu’une tête bien faite".

        Evidemment, ca fait des dégats ...


        • Serpico Serpico 4 avril 2008 08:51

          Philou : "Il faut dire qu’à notre époque, l’école est devenue un tremplin social indispensable qui doit être efficace afin que les bambins ne se retrouvent pas au chômage"

           

          *****************

           

          Ils ne vont tout de même pas "s’ingérer" jusqu’à la maîtrise ou au doctorat ?

           

          Vous me faites peur là. J’ai un gosse en sixième et je lui apprends à respecter le maître en toute circonstance. Il faut dire que moi-même, quand je vais aux réunions de parents d’élèves, je suis conditionné : même si je sais que tel ou tel prof est un peu fantaisiste, une barrière ancienne m’empêche de lui dire ses quatre vérités.

           

          L’école est en soi un tremplin. C’est à ça qu’elle sert, non ?

           

          J’imagine que les parents qui pratiquent l’ingérence (et j’en ai connu) espèrent parfois faire carrière dans la politique locale mais je ne vois pas le lien avec un objectif à long terme pour l’enfant.


        • faxtronic faxtronic 4 avril 2008 10:09

          Ce qu’il veut dire philou, c’est que l’ecole n’est pas une maison d’education, mais une maison de competition afin d’esperer avoir un boulot a la fin, comme en Chine ou au Japon. La difference est qu’en Chine ou Japon, l’echec incombe aux eleves, qui doivent se battre pout y arruver. En France, l’echec incombe au prof, ce qui est ridicule. C’est pas ma faute si je reussis pas (meme si je passe mes journées au bar), c’est le prof qui est con...


        • Serpico Serpico 4 avril 2008 11:17

          On ne peut a priori décider qui est le responsable de l’échec.

           

          L’élève DOIT étudier s’il veut réussir. Il y a bien des autodidactes qui réussissent très bien. Il y a bien des gens qui ne sont jamais allés à l’école et qui ont parfaitement réussi et qui n’ont rien à envier aux gens "instruits". L’école n’est qu’un moyen mais c’est vrai qu’elle est devenue une condition d’accès à l’emploi et à la citoyenneté.

           

          Cependant on ne peut avoir une règle générale qui définit la responsabilité du maître ou de l’élève ou des parents dans l’échec.

           

          On peut très bien avoir des profs complètement bidon, des profs qui vous dégoutent des études ou des profs qui vous font aimer les études.

           

          On peut aussi avoir des enfants complètement réfractaires aux études. Vous avez beau faire, ce sont des pôles qui se repoussent.

           

          Cela se réduit donc malheureusement au cas par cas ou peut-être à des tendances dans des groupes sociaux. Cela dépend de la place qu’on accorde à l’enseignement ou à la valeur du travail.


        • Serge 4 avril 2008 11:57

          Ma mère était institutrice. Elle a subit de lourdes pressions car c’est un métier difficile mais elle ne s’est pas suicidée pour autant. Il faut rester raisonnable et oser désigner le terrain depressif de cette personne, mais aussi le système des fonctionnaires français notés comme des enfants, ce système militarisé que d’ailleurs déjà en tant qu’élève je trouvais violent et anti civilisationnel.

          Des réunions régulières avec une équipe pédagogique sous forme de stages, serait un meilleur moyen de motiver les enseignants : c’est l’état qui est à mettre en cause et surtout la conception qu’on en a, il est à notre service or on en a fait un père fouettard plutôt qu’un père amical ... la société humaine est barbare et prisonnière de ses clichés réactionnaires « un enfant n’est pas l’ami de ses parents » etc.

          Tout est à l’avenant de cette phrase qui porte en elle un germe abject. 

          On justifie ainsi la violence sociale, l’atavisme sadique d’une hiérarchie de traumatisés qui recréent ce qu’ils ont eux-mêmes vécu. Ces automates devraient lire d’urgence La Boétie : discours de la servitude volontaire. Il est tout à fait possible de motiver un être humain autrement que par la peur.


          • fddr 4 avril 2008 21:08

            Si je peux me permettre, votre commentaire me plait énormément et surtout la présentation de votre fiche par contre ,sans vous connaître, il m’apparaît que vous êtes un homme car il manque une donnée à votre raisonnement  : Valérie était enceinte ,ce qui rend extrêmement vulnérable et différent.

            On peut être quelqu’un de très fragile ,sensible ,complexé etc...et devenir une authentique tigresse à l’occasion d’une grossesse ou bien l’inverse:donc passer de très combative à complètement désemparée.il se produit des bouleversements hormonaux qui sont à l’origine de ces changements radicaux.Ainsi j’ai noté ,d’après le témoignage de son mari que la grossesse était déjà bien avancée quand elle s’est mise à prendre les choses au plus mal et à se transformer radicalement jusqu’à ce qu’entre en elle et malgré elle la destruction.Si votre maman ne s’est pas suicidée c’est peut-être qu’elle n’a pas subi un harcèlement organisé , très clairement concerté(voir les témoignages) une attaque en règle dont il n’était pas question qu’elle se relève après des mois et des mois d’hostilité et pendant qu’elle vous portait.J’espère que les gens qui ont monté cela n’ont pas imaginé que le pire se produirait mais la bêtise et la hargne ont des ressources ...infinies !


          • kahena kahena 6 avril 2008 14:51

            Nous connaissions Valérie, mon fils l’a eu à la maternelle, année 2001/2002, à Eysines, la forêt.ma fille était chez les petits la dernière année de Valérie à la forêt, elle l’a côtoyée dans la cour et à la sortie de classe , et me demandé toujours d’aller faire le bisou à Valérie, ma fille l’adorée, Valérie la complimentée toujours, l’ayant connue bébé, et ma puce étant très coquette, elle lui rendait cette gentillesse par des bisous, et "maman je veux aller voir Valérie"...Valérie aimait son travail, le contact avec les enfants et les parents. Valérie était une femme de cœur, toujours souriante de bonne humeur, une personne avec laquelle on pouvait dialoguer sans souci, une communication facile, elle s’imposée par sa personnalité, pleine de joie de vivre, si tendre et affectueuse avec nos enfants, que nous lui confiions avec plaisir, très accueillante, un bisou à chaque passage de l’enfant, pour « le bonjour, le « à tout à l’heure » et le « au revoir du soir ! » nous n’avons jamais eu aucun souci, nous avons beaucoup regrettée notre Valérie lors de son départ pour pauillac. Nous avions tenu à garder le contact. Elle prenait soin de venir aux nouvelles régulièrement, mon fils se faisait un plaisir de lui envoyer des sms pour lui faire un petit coucou. Nous ne pouvions pas nous dire, « bon elle est partie ! Souhaitons-lui une bonne continuation. Sans la revoir ! Valérie était devenu une amie !, nul ne peu ressentir ce qu’elle a pu subir psychologiquement, ni la juger.ils l’ont mise à bout, poussée à cette fin tragique. Ce drame aurait pu être évité, si certaines personnes étaient un peu moins égoïste...ses bourreaux l’on faite sombrer, chavirer à jamais. La méchanceté gratuite de ces charognards à ôtée la vie à une personne formidable !!! Pourront-ils vivre sans culpabilité dans l’âme ????...
            Que justice soit rendue !!! Je soutiendrais sa famille si je le peu, comme je peu, je souhaite beaucoup de courage à ses proches dans cette triste et lourde épreuve
            PS.bisous et courage à Alexandra et Charlotte, qui sont venues nous trouver avec Valérie le jour d’halloween il y a 1 an, nous avons passé un très bon après midi, ou j’ai pu voir le cd des photos de mariage. Très belles ! Valérie m’ayant apporté une boite de bonbons j’ai fait la gourmande !!!  Merci Valérie pour ce moment...
            Nous penserons toujours à toi quand nous sentirons le parfum d’une fleur.... 
            La.kahena


            • fddr 6 avril 2008 21:19

              Bonsoir,

              J’avais bien compris qu’il s’agissait de quelqu’un de très attaché à son travail et aux enfants .Aurait-elle commis ce geste s’il en avait été autrement ?Merci d’avoir répondu et donné d’ amples explications sur son attitude en général et sur son rapport à son métier car il faut que les gens sachent ce que l’école peut produire désormais comme injustices .En tant qu’enseignante ,je suis effrayée de constater tous les jours à quel point il devient dangereux d’enseigner !!Valérie en a bien fourni la preuve.A bientôt.

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