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Accueil du site > Tribune Libre > On n’est pas sérieux quand on est grand

On n’est pas sérieux quand on est grand

Enfant, j’étais persuadée que les adultes étaient tous des gens sérieux.

Je croyais qu'être grand c’était forcément être intelligent ; on savait tout, sans avoir rien appris du tout ; les adultes prennent toujours des grands airs supérieurs, avec l’air de vous faire croire, que vous avez fait une connerie, avant même d’envisager de l’avoir faite ; et ça impressionne. Parce qu’un gamin, dans la tête de certains, ça fait obligatoirement des conneries, et un adulte, obligatoirement des choses censées. Pourtant, quand j’étais gamine, j’ai assisté à des flagrants délits de mensonges ; j’ai même assisté à des tromperies où j’ai assisté aussi avec un régal tout particulier, à la poursuite d’un mari trompé qui courait en rond derrière sa femme et aux lancés de chaussons qui voltigeaient dans le jardin tout en lui lançant par la même occasion un grand, «  Espèce de Salope va !!!! » à celle qui l’avait trompé impunément dans la maison de vacance sous les yeux de leurs enfants ; pour une fois que je voyais une bagarre en vrai ; mais quelle idée aussi de demander à des enfants de se taire, alors qu’on nous assène que le mensonge est moche et surtout quand on sait qu’on risquait de passer à coter d’un spectacle pareil… quand on est gosse, les adultes nous donnent à voir de véritable spectacle avec toutes leurs infinies conneries. J’ai assisté aussi très souvent à de vraies injustices où les adultes profitent avec une grande normalité de leur statut d’adulte pour mentir effrontément ; et quand on est gosse, on aimerait bien connaître le mot « J’accuse ! » Ce qui m’a toujours épaté chez les adultes, c’est de ne pas rendre les devoirs à leurs propres grandes leçons, et de vous apprendre à avoir un comportement presque irréprochable, tout en vous démontrant jours après jours le contraire. Par exemple, une fois où ma mère qui n’aimait pas les mensonges, et croyante par-dessus tout, m’avait fait essayer des bottes dans notre vieux Cora du coin, et tenter de repartir discrètement avec ; je me rendais bien compte, même petite, que cela s’appelait partir sans payer. J’étais tellement terrorisée qu’à cause de moi, elle ne parvint même pas à aller jusqu’aux caisses. Quant à mon père, lui, il n’aimait pas non plus les mensonges, et d’ailleurs, il ne mentait jamais ; c’est simple, c’était nous qui étions chargés mentir à sa place ; par exemple, du style « Dis ! que j’suis pas là…  » Oui, l’infinie bêtise des adultes est parfois un véritable tableau de contemplation.

Quand un mythe tombe, au sens propre comme au figuré

Quand j’ai eu un début de révélation que l’adulte était bien plus vulnérable qu’il n’y paraissait, c’est quand mon père, pourtant l’adulte le plus fort du monde, n’était pas le dieu tout puissant que je pensai qu’il était ; ça a l’air très con comme ça, mais c’est quand j’ai eu la surprise de le voir se ramasser pour la première fois à cause de l’huile qui avait malencontreusement dégouliné sur le carrelage de la cuisine ; et de voir son père le cul par terre et les pattes en l’air, c’est vraiment rigolo, mais pour un gosse, c’est quand même un peu le début d’un mythe qui tombe.

 

Les enfants ne prenez pas les grands aux sérieux, ils ne le sont pas, ils font juste semblant.

Une société d’illusions et de simagrées.

Rien n’est pour de vrai ; les enfants ne prenez pas les grands aux sérieux, ils ne le sont pas, ils font juste semblant ; comme ceux qui parfois font de leur poste qu’ils occupent au travail, toute une mise en scène ; comme à l’exemple où j’assistais au grand désarroi de l’une des secrétaires, avec qui je travaillais, et qui cherchait désespérément sa facture.

Elle s’affalait par terre tout en cherchant sa facture ; elle gémissait tout ce qu’elle pouvait aux opérateurs, au comptable, au chef, au sous-chef et au sur chef ; bref… son désarroi m’avait laissé une véritable interrogation ; car à ce point là, le faisait-elle exprès ou pas ? Pas besoin d’aller au cinéma, c’était un véritable spectacle ; elle nous offrait un passage de l’acte 1, scène 4, « Ô rage, Ô désespoir ! Où est donc ma facture ?! » Une autre fois, où j’assistais, là encore, à l’ire de la part d’une assistante qui m’hurlait dessus, au téléphone, parce que son patron ne lui avait pas demandé à elle, d’appeler l’entreprise concernée ; j’ai très sincèrement cru que sa colère était feinte ; au point même, d’en arriver à me demander quelle attitude adopter ; devais-je moi aussi, feindre quelque chose ? La société et le monde du travail où l’on évolue, me paraissent-être la maison de guignol, où toutes ces agitations aux quelles j’ai souvent eu l’occasion d’assister, étaient la confirmation pour moi, en tout cas, que la société n’est qu’un vaste théâtre, où l’on fait parfois semblant de faire quelque chose pour de vrai ; où l’on se prend au sérieux ; où l’on pense que l’on est important, parce que ça donne l’air…

 

Avoir l’air, ou ne pas avoir l’air du tout. Que du vent.

Parfois même, on finit par croire, ce que l’on a l’air d’être. Un voisin à moi, technicien de surface, m’a dit avoir été terriblement blessé par la réflexion d’un parent qui a dit à son fils « Tu vois ! Si tu ne travailles pas à l’école, tu finiras comme le monsieur. » S’il y a des uniformes qui donnent l’air, d’autres, n’en donnent visiblement pas. Alors que pourtant tout est complètement illusoire ; mais justement, après tout, ça n’est que mon petit point de vue. Mais quand même, là où les enfants naissent avec une sagesse infinie, la société oblige à avoir un esprit parfois tordu, elle apprend à avoir l’air sérieux, apprend à avoir l’air important, pour avoir l’air de quelque chose ; mais qu’à force, on finit surtout par avoir l’air d’un con. Mais le pire, c’est quand un gosse nous regarde, il nous croit sur parole et qu’il est persuadé que les adultes sont des gens sérieux.


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19 réactions à cet article    


  • gaijin gaijin 9 avril 2013 15:43

    «  la société oblige à avoir un esprit parfois tordu, »
    c’est bien là la question
    la société c’est nous !
    on est vraiment obligé ou on pourrait essayer autre chose ?


    • Simple citoyenne Simple citoyenne 9 avril 2013 18:34

      Bonjour à vous gaijin et merci pour votre lecture
      J’hésitais à écrire la société, car oui, c’est nous, et je me suis dit, que certains lecteurs,n’approuveraient pas ce terme ; car j’ai le respect du lecteur et je suis une amoureuse des gens ; mai comme je le pense aussi, nous ne sommes pas obligé d’adhérer à cette manière de faire, et d’apprendre aux enfants. Et je n’y adhère tout simplement pas non plus.

      Mais vous savez ce texte n’était pas un texte de revendication, c’était un texte fait avec une petite brise de légèreté et avec un peu humour. Bien à vous.


    • gaijin gaijin 10 avril 2013 09:31

      simple citoyenne
      j’avais bien compris que vous n’étiez pas passée a coté de ça
      si je le relève ce n’est que parce qu’il y a une urgence a ce que nous changions de mode de fonctionnement

      votre texte pour léger et humouristique qu’il se veuille soulève une question fondamentale
      pourquoi perpétuons nous toujours les mêmes absurdités ?


    • Simple citoyenne Simple citoyenne 10 avril 2013 10:03

      @] gaijin concernant le Pourquoi perpétuons nous toujours les mêmes absurdités ?

      Au risque  peut-être, de tout mélanger, a mon humble avis, la réponse serait que cela fasse partie du  phénomène d’identification, que décrit d’ailleurs très bien Eckart Tollé, dans  Nouvelle Terre. On s’identifie à ce que l’on est. Par exemple concernant le rôle que l’on est pense avoir dans la société ou par exemple dans le monde du travail, car on m’a dit un jour, «   il y en a, dont le métier est comptable, et bien quand il rentre chez eux, ils sont toujours comptable »


    • Razzara Razzara 9 avril 2013 17:22

      Ah le monde des adultes vu à travers les yeux d’un enfant !

      En ce qui me concerne, lorsque j’étais minot, le monde des adultes m’apparaissait surtout comme un monde de dingues, fait de règles et de contraintes toutes plus absurdes les unes que les autres.

      Ceci s’articulait principalement autour de la ’valeur travail’ ... Constater à quel point les adultes passaient des heures et des heures à bosser, à courir après l’argent pour s’empresser de régler les factures qui n’attendent jamais, des impôts couperets, et se contenter de quelques miettes vites investies via un crédit-boulet dans une voiture-boulet, ou une télé-boulet, ou je ne sais quel autre connerie comme les sacro-saintes vacances à la mer, tout cela me faisait froid dans le dos ! Surtout qu’ils semblaient très peu nombreux ceux qui prenaient de la joie dans leur travail. Sans parler de la vacuité de leurs existences annexes, faites de métro dodo, et entrecoupése de soirées week-end à se pochetronner entre amis.

      Oui le monde des adultes me semblait déjà bien merdique en cette époque ! Certes, et heureusement, il y avait des exceptions .... Exceptions souvent regardées d’un oeil mauvais si non envieu. J’ai préféré m’inspirer de celles-ci pour trouver ma voie une fois rendu de l’autre coté de la barrière, et en tâchant surtout de conserver un petit quelque chose de cette enfance passée.

      Malheureusement, si je regarde l’évolution des choses depuis cette époque, ce n’est guère réjouissant ni encourageant. Et il m’arrive souvent aujourd’hui de m’interroger sur le devenir de mes propres enfants, en espérant que jamais ils ne me disent : ce monde est complètement dégénéré, comment avez-vous pu commettre le crime d’enfanter !

      Razzara


      • Simple citoyenne Simple citoyenne 9 avril 2013 18:59

        Bonjour à vous Razzara et merci également de votre lecture, c’est vrai, il y a énormément de gens pour qui le travail est la dignité, quitte à s’oublier et à ne jamais se réaliser, et pour beaucoup on existe par la travail, je crois d’ailleurs que c’est la doctrine de Marx. Mais ne vous inquiétez pas, aucun enfant ne dira à ses parents « comment avez-vous pu commettre le crime d’enfanter ! » Et s’ils vous le disaient, dites-leurs, que s’ils sont là, et que s’ils existent, c’est qu’ils l’ont voulu, puisque justement ils sont là. Mais ça, c’est une autre histoire.


      • Xtf17 Xtf17 9 avril 2013 19:16

        Excellent et tellement vrai ! Merci pour ce texte rafraichissant.
        J’aurais tendance à penser qu’un vrai adulte sait justement reconnaitre, cultiver sa part d’enfant en lui, et ne pas toujours se prendre au sérieux, là où les adultes tels que vous les décrivez sont souvent en fait des personnes pas assez mûres.


        • Simple citoyenne Simple citoyenne 9 avril 2013 19:20

          Bonjour à vous Xtf17 et merci de votre lecture.
          Une part d’enfant en nous c’est juste ! Et la vie est plus facile à vivre, je trouve.


        • Franckledrapeaurouge Franckledrapeaurouge 9 avril 2013 21:47

          Bonsoir simple citoyenne, 


          Merci pour cette mise au point

          Et vive les mômes

          Cordialement

          Franck



          • Simple citoyenne Simple citoyenne 10 avril 2013 08:46

            Bonjour Franckledrapeaurouge et merci de votre lecture.

            Contente que ce texte vous ait plu


          • ddacoudre ddacoudre 10 avril 2013 01:43

            bonjour simple citoyenne

            un sujet sur lequel des montagne ’ouvrage ont été écrit, l’enfant roi ou le bon enfant n’est qu’une illusion de l’esprit d’un adulte, trés tôt l’enfant pratique le leurre et fini par appliquer le mensonge social qui est l’huilage de tout société sans cela nous nous entre tuerions.
            il y a tout un art du discernement bien difficile dont bien souvent de jeune enfant nous font mesurer la distance par des réflexions venant d’un regard neuf pas encore éduqué.
            cordialement.


            • Simple citoyenne Simple citoyenne 10 avril 2013 08:52

              Bonjour à vous ddacoudre et merci également pour votre lecture.

              C’est juste vous avez raison.


            • gaijin gaijin 10 avril 2013 09:37

              ddacoudre
              « le mensonge social qui est l’huilage de tout société sans cela nous nous entre tuerions. »
              et donc on en reste là ?
              on ne peut pas faire mieux que ça ?

              bien sur le mensonge social existe depuis longtemps mais il semble que depuis quelque temps il soit de plus en plus pesant non ?
              ou alors une société peuplée de cahusacs est elle ce vous pouvez envisager de mieux ......... ?


            • AstreLune AstreLune 10 avril 2013 09:25

              Moi quand j’étais petit, on disait que je posais trop de questions.
              C’était vrai.

              Alors, j’en ai moins posé. Mais j’ai pas perdu ma curiosité naturelle.

              J’ai pu constater aussi de mes yeux cette surenchère rôliste des adultes, qui ont besoin de donner de l’importance à des choses insignifiante qui atteignent la réputation qu’ils se sont forgés, afin qu’il y ait quelques drames à jouer dans leur vie insipide, et à contrario qui font passer à la trappe ce qui est vraiment important car ne concernant pas directement leur égo. Des choses simples qui sont classées en habitudes.

              Les enfants découvrent avec leurs yeux sans juger.
              Les adultes découvrent avec des images mentales de préjugés.

              Les enfants captent parce qu’ils ne s’enferment pas dans leur monde mental.


              • Simple citoyenne Simple citoyenne 10 avril 2013 09:42

                Bonjour Astre Lune, et merci de votre lecture ;

                Oui « on » s’identifie au rôle que nous fait jouer la société et « on » finit par oublier l’essentiel. Et le jour, ou certains, trop identifiés, ou attachés à leur rôle ou position sociale dans lesquelles ils étaient, se retrouvent soudain sans plus rien du tout, comme par exemple à cause de la perte d’un emploi, ou autre, c’est la grosse dépression. C’est la société illusoire.


              • 6ber 6ber 10 avril 2013 12:07

                Merci pour ce joli texte dans lequel on se reconnait tous un peu, du moins je veux le croire.
                Cultiver son âme d’enfant n’a jamais été chose facile.
                La moindre trace de naïveté provoque des moqueries et des rires, voire un mépris condescendant, au mieux une indifférence amusée empreinte de compassion.
                « Car les braves gens n’aiment pas que
                L’on suivent une autre route qu’eux »


                • Simple citoyenne Simple citoyenne 10 avril 2013 12:17

                  Bonjour à vous 6ber et merci aussi pour la lecture de cet article.

                  C’est juste, il presque interdit d’être naïf, dans cette société ou « l’on » se prend vraiment trop au sérieux.


                • SergePietr 10 avril 2013 13:06

                  Votre texte est délicieux, merci.

                  Toutefois, je ne crois pas que les enfants sont naïfs et je sais que lorsque nous leur demandons leur avis ils répondent parfaitement sérieusement et leurs analyses mériteraient d’être prises en considération bien plus que les nôtres.
                  Car ils sont l’avenir du monde, et pas nous.

                  • Simple citoyenne Simple citoyenne 10 avril 2013 13:36

                    Bonjour à vous Serge Pietr merci pour la lecture de cet article

                    En effet, c’est assez paradoxal, car en même temps, lorsque l’on parle de garder une âme d’enfant, ou de garder une part d’enfance en soi, peut utiliser le terme « naïf » mais ceci n’est juste qu’un terme, mais cela ne signifie pas, en effet, que les enfants soient naïfs ! Comme vous le dites très justement, ils faut prendre leurs avis en considération, car comme le souligne également le commentateurs, ddacoudre, « les enfants ont un regard neuf pas encore éduqué. »

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