On oublie trop souvent la charge physiologique des femmes...

Martin Winckler est un médecin militant féministe français, il est également romancier et essayiste. Il est aujourd'hui citoyen canadien et vit à Montréal. Il est connu pour ses prises de positions militantes pour le droit et la reconnaissance des femmes en matière de santé.
Invité de l'émission L'heure Bleue sur France Inter, il nous rappelle qu'on oublie trop souvent la charge physiologique qui pèse sur les femmes.
Voici comment il envisage le soin :
"Ecouter, regarder, croire : les premières choses à enseigner aux soignants...
Ne pas croire les gens, c'est ne pas entendre les informations importantes qu'ils vont nous donner...
Ce n'est pas facile dans une culture où le médecin est perçu comme quelqu'un de menaçant.
Le médecin doit montrer qu'il est digne de confiance.
Le "prendre soin" ou le "care" existe depuis longtemps dans la culture canadienne : une attitude de soin qui est fondée sur l'idéal féministe. On part du principe que toute personne mérite le même respect, les femmes méritent le même respect que les hommes, moi, personnellement, je pense que les femmes méritent encore plus de respect que les hommes sur le plan de la santé.
Le "care", cela consiste à centrer justement son activité de soin sur la perception de la personne soignée de son propre confort.
C'est la personne soignée qui dit : "oui, ça va, je me sens mieux ou ça ne va pas, je me sens toujours aussi mal qu'avant."
Soigner n'est pas une science exacte. On est obligé de tenir compte de ce que la personne dit.
Je prends l'exemple de la douleur. Il faut savoir d'abord ce que c'est que la douleur et beaucoup de professionnels de santé ne le savent pas.
Quand on comprend ce qu'est la douleur, on voit qu'il y a de multiples manières d'atténuer la douleur qui ne fonctionnent pas toutes de la même manière chez les personnes.
Il faut bien tenir compte de ce que la personne concernée nous dit, parce qu'autrement, on ne peut pas la soulager.
Le care, c'est tenir compte de l'autre, de ce que l'autre dit et ressent."
Martin Winckler évoque aussi la charge physiologique qui pèse sur les femmes :
"La notion de charge physiologique doit être prise en compte. On connaît bien la charge mentale qui a été particulièrement lourde pour les femmes pendant le confinement.
La charge mentale, c'est s'occuper de tout le monde, planifier tout pour tout le monde, à l'intérieur de son lieu d'environnement, c'est à dire le compagnon, les enfants, les parents...
Mais, la charge physiologique, c'est quelque chose à quoi on ne pense jamais, parce qu'on se dit : "c'est naturel."
Dans la vie d'un homme, il y a un événement, un bouleversement physiologique majeur, c'est la puberté. Il n'y en a pas d'autres.
Dans la vie des femmes, les événements physiologiques majeurs qui bouleversent la vie des femmes, il y en a beaucoup : la puberté, la survenue des règles et le cycle, il y a les troubles du cycle et des règles, il y a le fait d'avoir peur d'être enceinte, de vouloir être enceinte et de ne pas y arriver, il y a les grossesses, il y a l'allaitement, le syndrome post-menstruel, les dépressions du post-partum, etc., sans oublier la ménopause.
Tous ces événements physiologiques sont une charge que les hommes ne connaîtront jamais.
Quand on n'est pas né dans le corps d'une femme, on ne sait pas ce qu'est cette charge physiologique.
Et cette charge pèse de tout son poids pendant toute la vie : pensez à la précarité menstruelle des femmes qui n'ont pas de moyen pour s'acheter des protections périodiques, pensez aux femmes qui ont des syndromes pré-menstruels intenses, des événements permanents dans la vie d'une femme.
En médecine, quand on étudie le corps humain, on devrait d'abord et avant tout étudier la physiologie féminine, parce que c'est celle-là qui est la plus sophistiquée, la plus complexe, la source du plus grand nombre de souffrances.
Toute personne qui apprend à soigner devrait apprendre à soigner des femmes.
Si on veut respecter les gens, il faut savoir ce qu'ils ressentent."
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/2020/08/on-oublie-trop-souvent-la-charge-physiologique-des-femmes.html
Sources :
https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-11-juin-2020
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