On pense avec les mots
C'est le titre d'un livre de S.I. Hayakawa. Effectivement, suivant les langues utilisées, les choses peuvent se dire plus ou moins clairement, en utilisant des termes précis ou parfois de longues périphrases. Blaise Pascal, dans la Lettre à Fermat (page 149 dans l'édition des œuvres complètes, tome I, de la Pléiade), dit ceci : "Par exemple, et je vous le dirai en latin, car le français n'y vaut rien : Si quolibet litterarum, ......". Bien sûr, un mathématicien d'aujourd'hui pourrait sans doute le dire clairement en français, mais en 1654 le français était encore une langue jeune.
Si des choses nouvelles apparaissent, comme c'est le cas notamment dans les sciences, particulièrement en mathématique, on peut aussi utiliser des mots existants et les affecter à un nouvel objet. Nicolas Bourbaki, entre autres, est passé maître dans ce domaine : Par exemple, dans la théorie des espaces localement convexes, un tonneau est un ensemble convexe, cerclé, fermé et absorbant. On parle en théorie des probabilités de clans et de tribus. Sans inventer de nouveaux mots, on peut aussi adopter des mots d'autres langues, que ce soit en latin ("sine die"), en anglais, (un match), éventuellement en les transformant légèrement (sérendipité pour serendipity), ou en allemand (le Dasein, en philosophie).
Certes, on peut exprimer des tas de choses en français, mais aucune langue n'est parfaite. Ainsi le mot "homme" désigne habituellement aussi bien un membre du genre humain qu'un individu mâle. En allemand comme en anglais et dans d'autres langues, on distingue Mensch et Mann, en anglais human et man. C'est un peu différent en malagasy, les hommes (the humans) se disent "ny olona", les Hommes (ny men) "ny lehilahy" et les femmes "ny vehivavy" ou 'ny vavy". En français, je choisirais l'Homme avec majuscule pour l'individu du genre humain, pour le distinguer de l'homme avec minuscule, l'individu mâle.
C'est une problématique voisine de celle de l'écriture inclusive. Je dis bien "écriture", car à l'oral, ça ne passe pas. Ainsi, on peut parler des françai-s-es, mais que dirait-on si l'on entendait le Président déclamer "Françai-s-es" au lieu de dire simplement "Françaises, Français !" . En malgache, pour distinguer par exemple les bœufs (mâles) des vaches (femelles), on ajoute simplement les suffixes "-lahy" et "-vavy" au mot "omby". Mais la langue la plus simple me semble être celle des Pirahas, une tribu amazonienne décrite dans "Le règne du langage" de Tom Wolfe, une tribu que le missionnaire Dan Everett a voulu convertir ou "civiliser". Un article de Wikipedia à ce sujet vous en dira plus si vous êtes curieux.
Parlons peu, mais parlons bien !
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