On va pas retourner vivre dans des grottes ?
Le Monde évoquait récemment ces millions d’oiseaux migrateurs qui se crasheraient chaque année contre les tours nord-américaines, attirés par les lumières artificielles et trompeuses de nos sociétés kaléidoscopiques ...
Triste parabole encore, parmi des milliers d’autres, de notre évolution, quand ce n’est pas les Boeings, lors du 11 septembre, ou les traders, pendant un krach boursier, qui se jettent, ce sont les symboles de liberté et de vie même qui s’abattent sur les étendards de notre « modernité »..
Il est toujours intéressant de discuter « progrès » avec ses congénères, prêts, certes, à intellectuellement en reconnaître de-ci de-là les « quelques » ravages, mais pas pour le moins du monde décidés à y renoncer pour autant…
Car le progrès, c’est bien, en tous cas c’est ce qu’on nous rabâche sur BFM, LCI, ou même à l’école, et c’est d’ailleurs ce que je me dis tous les jours quand je cherche désespérément des traces de vie sur facebook...
"Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes. » Bossuet
Personne ne se souvient probablement du temps, pas si lointain, quand on y réfléchit, où les enfants jouaient ensemble dans la rivière ou sur la colline, les parents prenaient des décisions aux consensus, et la fête, qui durait une bonne partie de la nuit, n’avait pas besoin de révéler ses mystères par les comas éthyliques ou autres cancers de la gorge…
Pour l’occidentalo-centré, l’homme primitif est un sauvage, qu’il faut convertir à coups de hamburgers, et s’il refuse, on lui enverra un Bolsonaro qui, lui, sortira les kalashnikov... On est tous, ici, enfants de Bolsonaro, on le sait, ou ne on le sait pas, mais c’est notre père spirituel, et il est puissant…
En fait, c’est assez simple la vie, dans un sens, et peut-être même que l’intelligence ultime frise jusqu’à concevoir notre propre annihilation, même si nous ne nous sentons pas encore tout à fait prêts, c’est vrai qu’on voudrait bien encore mater quelques séries américaines, flirter dans des capitales-romantiques, et vibrer de toute notre existence politique devant Cyril Hanouna, dit Baba, notre dernier sauveur télévisuel...
L’homme primitif, vu d’une perspective un peu plus vaste pourrait tout compte fait ne pas être celui qu’on pense et porter plutôt un jean, un costard, un jogging, et qui après avoir délocalisé toute son économie dans la jungle, qu’il a détruite pour l’occasion, fait produire ses godasses par des gosses Manchester united-unisés…
L’homme primitif, c’est celui qui a aussi délocalisé le peu de mémoire et de conscience qui lui restaient dans un smartphone, et qui ne connaît plus ni les noms d’arbres nid d’oiseaux, qui lui auraient pourtant bien servis à se rebeller contre la fin imposée et annoncée des temps...
Alors, s’il vous reste un petit peu de jus, et que vous voulez bien parler « philosophique » - on ne sait jamais, tout peut arriver dans la vie, y compris que des gens soient d’accord-
vous pourrez essayer de placer une réflexion originale sur le sujet :
Le progrès technique est-il inversement proportionnel au progrès humain ?
On a tous entendu, et probablement que vous l’avez vous-même répété, au moins une fois dans votre vie, que ce n’est pas le progrès qui serait le problème, mais plutôt l’usage que l’on en ferait…c’est doux, comme propos...et d’ailleurs, « on va pas s’éclairer à la bougie !?? » Quand même ! Soyons sérieux... Et puis, une perche à selfie, qu'est-ce que vous en savez que ça a pas déjà sauvé un être humain ?... On n’en sait rien, après tout ?
Mais la question ne serait-elle pas plutôt de savoir quel serait le moteur du progrès technique, quelle en serait l’intention initiale ? Et qui décide, à chaque instant, de l’incorporer dans nos vies ? Serait-ce pour un bien collectif, ou un bénéfice personnel ? Peut-on décider seul, pour les autres, dans un bureau, du haut de son MBA dûment mérité, de notre mode de vie et sort communs ? Et si tel n’est pas le cas, doit-on s’étonner encore que les décisions d’intérêt particulier finissent inexorablement par détruire la société toute entière ?
D’ailleurs, vous souvenez-vous à quel moment on nous a demandé notre avis, pour quoi que ce soit ? Moi je me souviens pas, désolé, j’ai essayé de résister à l’achat d’un smartphone pendant 15 ans, et je n’ai pas réussi, il a fini par s’imposer à moi, comme tout le reste...
Lorsque nous vivions dans des petits groupes à taille humaine (équilibrés), chacun possédait son destin en main, car sa voix était entendue, et hommes, femmes, enfants, sages et anciens étaient écoutés et respectés, la cohésion du collectif étant probablement le garant de sa longévité et de sa survie…
Il suffit d’aller étudier les quelques sociétés autochtones multi-millénaires qu’il nous reste encore pour le constater, les chefs ne veulent pas de nos crèmes solaires, ni de nos Kim Kardashian, ou de nos grenades lacrymogènes... Les anciens, les sages, ils se souviennent encore de ce que les parents de leurs parents leur avaient dit...du temps où on leur avait amené la peste… Et l’intelligence des arbres auprès desquels ils habitent leur fait encore couler le sang et la sève dans les veines et le cerveau...
"Les petis frères ne savent pas ce qui signifie l’idée de justice, d’équilibre.
Ils font des trous, ils causent des dégâts partout, ils coupent des arbres, sans savoir, sans comprendre, ils sont aveugles, ils ne voient pas et n’entendent pas, alors les problèmes arrivent.""Dans la Nuhé, on peut pas se disputer, on vient pour discuter de choses importantes…"
M.M Dingula, indien Kogi
Et on se demanderait presque, in fine, si le progrès technique ne serait en effet pas inversement proportionnel au progrès humain...On se demanderait presque…
Alors, comment on peut être heureux sans téléphone, sans crossovers, ou sans hommes politiques ? Comment peut-on vivre sans comédie (pas si) romantiques pour les filles, et Youtube pour les garçons ?
Comment peut-on être Persan ? Je sais pas si vous vous êtes déjà posé la question...
Drôle de destin, d'ailleurs, pour ces pionniers électro-sensibles, qui d’une génération éléctro-magnétique à l’autre, 2G, 3G, 4G, et bientôt 5, manifestation du summum du progrès et de toutes ses potentialités et promesses, doivent pourtant se retrancher de plus en plus dans le moins en moins de zones blanches qu’il nous reste, jusqu’à aller retourner vivre dans des grottes...
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