Opération Sangaris : le temps des doutes
Il y a 6 mois, la France, après un vote de l'ONU, lançait l'opération Sangaris afin d'appuyer la force africaine de la Misca (5.000 hommes) et de ramener la paix en Centrafrique. Alors que les premiers soldats français doivent rentrer en septembre, beaucoup d'observateurs, comme le journaliste Cyril Bensimon ou Jean-Yves Ollivier, ancien proche de Nelson Mandela pendant les années de l’Apartheid et ancien « négociateur en politique », doutent de l'utilité à long terme de ces interventions sur le continent africain.
Après 6 mois d'intervention militaire, le bilan de l'opération Sangaris est pour le moins mitigé. D'ailleurs, la France attend désormais avec impatience le déploiement d'une opération de maintien de la paix, prévue pour la mi-septembre, pour se désengager progressivement du terrain. L'espoir d'une opération brève, « qui n'a pas vocation à durer » selon François Hollande, s'est totalement envolé.
L'arrivée des militaires français a complètement modifié le rapport de forces sur le terrain. En portant ses premiers coups sur la Séléka, dont les combattants et les cadres sont majoritairement musulmans, l'intervention française a entraîné une vague de vengeances qui s'est abattue sur la minorité civile musulmane.
Comme l'explique le journaliste Cyril Bensimon, "la géographie centrafricaine a été entièrement recomposée. Quelques milliers de musulmans subsistent, sous protection des forces africaines ou françaises, dans des enclaves de l'ouest du pays et de Bangui, les autres se sont réfugiés au Cameroun, au Tchad ou dans le nord-est de la RCA, où se sont repliés la majorité des miliciens de la Séléka." En somme, l'intervention française a provoqué une réaction en chaîne qui n'était visiblement pas prévue.
"Le pays est aujourd'hui traversé par de multiples lignes de fracture. Le reflux des musulmans dans l'Est a provoqué de facto une césure du territoire, une partie « sous contrôle » des ex-rebelles, l'autre où essaiment différentes factions anti-balaka et de petits groupes armés." décrit Cyril Bensimon.
Forcément, dans le même temps, la population commence à être de plus en plus hostile à l'égard des troupes françaises. Le 31 mai dernier, les hommes de la force Sangaris sont hués par les habitants qui les traitent de "voleurs de diamants" : la Centrafrique compte parmi les principaux producteurs mondiaux de cette pierre précieuse. Chez les musulmans, les "Non à la France" et les insultes anti-françaises sont tagués partout. Les soldats savent aussi qu'ils vont se faire caillasser dès qu'ils regagnent leurs quartiers.
Difficile de croire que l'armée française était incapable d'anticiper tout cela. Comme le dit Jean-Yves Ollivier, fin connaisseur de l'Afrique, "on a l'impression que l'improvisation domine." D'après lui, le contingent employé n'est pas le bon. "Les troupes parachutistes et d'infanterie de marine qui ont été envoyées à Bangui ne sont pas formées pour ce type de mission malgré toutes leurs compétences et leur courage. N'eut-il pas été plus avisé d'envoyer à leur place des troupes de gendarmerie comme cela avait été le cas notamment en Côte d'Ivoire ?"
La France a également pêché par orgueil (ou manque de moyens) en envoyant un nombre insuffisant de troupes. "Qui pouvait penser que 1'600 hommes, quels qu'ils soient, puissent suffire à contrôler un territoire grand comme la France et qui, faut-il le rappeler, est l'un des moins équipés au monde en terme d'infrastructures routières ?" questionne Jean-Yves Ollivier. Celui-ci dénonce également le fait que la France ne demande aucune contrepartie en termes de démocratisation, par exemple, lorsqu'elle intervient, que ce soit en Centrafrique ou au Mali, empêchant de résoudre les problèmes de fond.
Les interventions françaises en Afrique doivent pouvoir être questionnées dans le débat public. Nombreux sont ceux à critiquer la façon dont elles sont menées et orchestrées. Ces dernières années, la France a envoyé des troupes en Côte d'Ivoire, au Mali, en Centrafrique, toujours avec un bilan mitigé. La remise en question, c'est pour quand ?
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