Osons la révolution des quatre saisons !
Les politiciens redécoupent la carte électorale. Les révolutionnaires de 1789 ont osé changer le calendrier. Et vas-y que j’ose, ventôse, pluviôse, nivôse ; tout se bouleverse. Et si les philosophes de 2008 songeaient à revoir le calendrier des saisons ? Ce serait une petite révolution, alors osons.
Nous connaissons tous les dates officielles des changements de saisons. Et si nous en discutions ? Ces choses légères semblent futiles eu égard au marasme du monde. Que de tragédies. Nos soldats se font tuer en Afghanistan, la bourse chute, la crise financière est là, la récession arrive, le cancer fait des ravages, le climat est capricieux, Jean Sarkozy continue à rouler à scooter, Johnny va faire une tournée et Oasis vient de sortir un disque. Quel désastre ! Ce qui ne nous dispense pas de réfléchir à cette question des saisons, une question qui devrait intéresser les amis de la nature, ceux qui savent observer le ciel et qui trouvent dans cette activité plus de plaisir que de surveiller son épargne. Autrement dit une large communauté, les ruraux en première ligne et au moins quelque 5 % de citadins. Dont fait partie l’auteur de ces lignes.
Les saisons sont déterminées en fonction des solstices et des équinoxes. L’hiver et l’été débutent avec un solstice, l’automne et le printemps avec un équinoxe. Le solstice correspond au jour le plus long ou le plus court. Alors que pendant l’équinoxe, le jour dure autant que la nuit. Faire commencer les saisons à ces dates est une convention que réfute le sens de l’observation. Prenons par exemple le cas de l’hiver, qui commence vers le 21 décembre et s’achève le 21 mars. Le 21 décembre, c’est le jour où le soleil est le plus bas. Le 21 mars, le soleil est à la moitié de sa course, si bien qu’un 18 mars, jour d’hiver, a son soleil plus haut qu’un 3 décembre et même qu’un 25 novembre, deux jours qui n’appartiennent pas à l’hiver. Il est donc temps de rectifier cette anomalie et d’alerter les autorités compétentes.
Pour redécouper les saisons, il suffit de prendre en compte la hauteur du soleil, et donc d’avancer les dates d’environ 40-45 jours pour faire en sorte que l’hiver comprenne les jours les plus courts, l’été les plus longs. Ensuite, on case l’automne et le printemps. La date du 15 novembre sera choisie pour annoncer l’hiver. Le 15 février pour le printemps, le 15 mai pour l’été et un automne débutant le 15 août. Est-ce raisonnable ? Oui si on se fie à la couleur du ciel, à la hauteur du soleil et au rythme de la végétation. Allons-y pour une concertation sur le début des quatre saisons.
L’hiver commence le 15 novembre. Cette date convient bien à la grisaille du ciel, qui suit le jour des morts, grisonnant et pluvieux, parfois ensoleillé, mais d’un soleil qu’on perçoit comme faiblard et, s’il ne pleut pas à la Toussaint, alors ce n’est que partie remise pour le 11-Novembre, jour de l’Armistice et de la Saint-Martin quand Descartes fait ses rêves. Les feuilles caduques sont toutes tombées après avoir livré un feu d’artifice de couleurs et de gradation sublimée par le soleil rasant et flamboyant d’octobre. Une végétation tombante dans sa splendeur automnale, voilà octobre alors que novembre dessine le froid désert d’hiver avec ses branches dépeuplées. Les jours sont raccourcis. Il fait nuit tôt. On pressent déjà les guirlandes de Noël et l’ambiance ambivalente des fêtes de fin d’année. Pourtant, la chaleur d’automne rechigne à quitter son espace temporel, ce qui nous vaut de belles journées tempérées alors que le soleil ne cesse de décliner. C’est magique ! Comme le dit le poème, à la Saint-Albert, nous fêtons l’hiver !
Le printemps commence le 15 février. Et pour célébrer cet événement, rien de tel que le mimosa, déjà en fleur sur la Côte d’Azur et, parfois, en Aquitaine et ailleurs. Le mimosa avec ses fleurs jaunes accueille le soleil qui repart vers sa course ascendante. La luminosité d’un 15 février est éclatante. Le bleu du ciel a changé par rapport à décembre, seule période où l’on peut skier sans lunettes de soleil. Mais les observateurs avertis détectent dès la fin janvier ce changement de luminosité contrastant avec les températures qui, bien installées dans le zéro, rechignent à s’élever. Le 15 février, les jeunes pousses bourgeonnantes se dessinent sur les branches des arbres. La végétation semble renaître. Le vert fait une timide incursion dans les champs et les campagnes. C’est le printemps et c’est magique ! Et en plus, le 15 février, c’est le lendemain de la fête des amoureux, la Saint-Valentin, le printemps se fait mutin !
Le 15 mai, on commence à ressentir cet incroyable soleil, proche de son firmament. D’ailleurs, l’atmosphère est aux vacances. Pont de l’Ascension. Festival de Cannes, Roland-Garros, le mois des ponts est un mois désinvolte qui ne plaît guère aux partisans du travail forcé. Légèreté, une brise et quelques fraîcheurs rappelant le printemps qui stagne, mais, souvent, le mois de mai nous gratifie de journée à se damner sur une plage, presque les 30 degrés, les réflexes d’été en marche et que dire de cette végétation qu’on a vu croître tout le printemps et qui semble presque achevée ce mois de mai. Décidément, l’été est bien présent et, pour ceux qui scrutent le ciel et captent les rayons, la luminosité ne trompe pas. A partir du 15 mai, c’est un soleil d’été qui pointe son nez. Avec ses grands arbres feuillus, prêts à se déployer pour célébrer l’ode à l’été, une ode qui va durer quatre mois, car septembre, déjà automnal… mais chut, c’est pour plus tard. Le mois de mai ressemble à l’été. Faisant scintiller dans les âmes des tas de projets. Et pour les âmes en dissonance, ce mois annonce la tristesse et la lassitude de ce puissant juillet avec son soleil au sommet qui semble écraser les desseins. Les âmes en dissonance aiment les périodes de transitions, comme si elles étaient des âmes en migration. Les âmes en dissonance aiment l’automne de septembre à novembre et le printemps de février à avril.
Le 15 août, nul ne l’ignore, le temps se casse. Souvent, quelques orages, des nuages s’invitant dans le ciel, signifiant que la fête est finie et que l’été se termine. Même si les grandes villes sont désertes, l’automne s’installe, avec les températures vacillantes. Et toujours présent, quelle que soit la saison, le fameux anticyclone des Açores qui colore le climat selon ses caprices, faisant qu’aucune année ne ressemble à une autre. La luminosité persiste, et c’est naturel. Peu importe les caprices des dépressions, le soleil marque chaque saison. Le 15 août, ceux qui sont sensibles aux couleurs naturelles savent pertinemment que l’automne s’annonce. Ce n’est plus le même soleil, moins agressif, plus doux, suave, caressant comme une fin de chaleur déclinée avec des tonalités diverses offrant un spectre de couleurs. Mais calme, sauf quand c’est orage. Les caprices de la foudre sont imprévisibles. Les plus beaux orages sont aléatoires. Sauf le soleil qui, lui, brille avec une régularité sans faille et nous fait sentir de quelle saison nous sommes. L’automne commence le 15 août. Le jour de la fête de Marie quand l’été est fini !
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Voilà lancée la conjuration des quatre saisons, un mouvement poétique, métaphysique, subversif, ayant une intention politique. Car toute politique suppose un système de représentation, une manière de voir, les événements, les choses. Ici, ce sont les choses du ciel. La teinte du ciel détermine la perception des saisons. Refusons les conventions établies par les autorités traditionnelles. Revoyons les saisons en fonction de notre perception du ciel, de la nature, de l’ambiance climatique.
Etre conjuré des quatre saisons, c’est refuser la dictature des chiffres, des indices, ceci est une récession, ceci un krach, merde aux chiffres et à la vénération des taux de CO2 émis par les bagnoles au service des gourous du Grenelle, des Borloo et des Hulot et des décisions débiles de l’exécutif en la matière. Etre conjuré des quatre saisons, c’est voir avec une sensibilité de cristal les formes et les lumières de la nature. C’est refuser la camisole de force des rationalités techniques imposant les normes. Etre conjuré des quatre saisons, c’est refuser d’être un zombie de la raison rasant les murs de sa banque inquiet pour son pognon, comme la vieille paysanne du XIXe siècle qui planquait ses billets et les adorait au point de laisser crever ses poules. Les chiffres sont des artifices, des excellents signaux pour rationaliser la gestion et la conduite des affaires personnelles et économiques, mais ce sont aussi des pièges pour l’esprit. La nature est si belle, sachons la contempler, sourire à la marchande des quatre saisons, pour une révolution des quatre saisons !
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