Où sont les flammes ?
Sur un titre légèrement modifié de Patrick Juvet retentit cette question : « Où sont les flammes ? » Non pas les flammes des bûchers, des autodafés, des incendies criminels de forêt ou de banlieue, mais les flammes qui animaient les passions, les rêves, les utopies ?
Se peut-il que le matérialisme ait tout étouffé ? Que le rouleau-compresseur ait tout aplani, formaté ? Que tous les rêves aient été captés pour prendre une direction unique : celle de l’argent et du pouvoir ?
La jeunesse a-t-elle encore le droit de rêver ?
Non, en a décidé Sarkozy en déclarant qu’il faudrait "liquider Mai-68". Mais de fait, la jeunesse ne rêvait déjà plus beaucoup, enfermée dans ses préoccupations matérielles immédiates de plus en plus pesantes : quête d’emploi, de logement. Une fois l’autonomie acquise, voilà qu’on l’empêche aussitôt de penser par le faix d’un loyer prohibitif qui ponctionne la majeure partie du salaire si rudement gagné, voilà qu’on lui présente le spectre de la rue où croupissent de plus en plus de travailleurs. Si le jeune obtient un emploi, ce sera pour être baladé de stage en stage, de contrat aidé en intérim. Comme voulez-vous qu’une telle précarité lui laisse le loisir d’imaginer l’avenir ? Et pour l’argent qu’il reste, on le lui prend par des surtaxes : crédits, assurance automobile, produits culturels et informatiques..."l’impôt sur la jeunesse" !
Le rêve interdit :
Que vous soyez jeune ou vieux, vous aurez toujours le droit de rêver, mais dans le sens indiqué seulement : vous avez le droit de rêver virtuel en trois dimensions (la quatrième vous est refusée), vous avez le droit de rêver aussi aux croisières dorées, aux parachutes dorés, aux stars dorées. Vous avez le droit, et même on vous y encourage, de rêver que vous deviendrez vous-même vedette ou milliardaire. On entretient le bûcher des vanités pour cela... mais vous pouvez toujours rêver ! Message unique : "Achetez people, rêvez people, votez people !" Quand Lennon chantait Power to the people, cela n’était pas exactement le message qu’il voulait passer. Lennon parlons-en, lui savait rêver, ainsi que Martin Luther King. Mais les temps sont durs, très durs même. Au pays de la démocratie, dans la belle Amérique, la chanson Imagine fut censurée, interdite sur les ondes juste après le 11-Septembre.
Comme John Lennon, comme Martin Luther King, faisons un rêve, celui d’une société meilleure où l’on ne termine pas sa vie dans la pauvreté, où l’on ne débute pas sa jeunesse par la précarité et la menace maintenue du chômage, de la rue, de la discrimination, d’un monde où le modèle idéal ne pratique pas le racisme anti-jeune, anti-gros, anti-vieux, anti-pauvre, anti-différent... Rêvons qu’il est encore possible de faire barrage au cynisme, au spectacle des puissants, à leurs rêves truqués ! Rêvons que l’on peut encore agir pour que notre société soit plus juste, pour que dans ce monde d’extrême opulence chaque être humain puisse garder sa dignité en disposant décemment d’un toit et de quoi se nourrir mais aussi - est-ce trop demander ? - qu’il puisse conserver un peu de loisir pour s’engager dans ses passions. Rêvons d’une société non dominée par le seul "travaillez plus !"(et plus longtemps...), une société inhumaine dans laquelle l’être est tenu, quadrillé, quantifié !
Il est de toute première urgence de rallumer la flamme, cette flamme que l’on se passe de génération en génération et qui ne doit pas s’éteindre, que l’on nomme "espoir" ! Et puisque, selon la tradition, en France tout commence et finit par des chansons, concluons ce billet par Allumez le feu ! Mais est-ce une conclusion ou bien une ouverture ?
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