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Accueil du site > Tribune Libre > Où sont passées les missions du Médiateur de la République ?

Où sont passées les missions du Médiateur de la République ?

Alors que le Défenseur des Droits va célébrer son deuxième anniversaire, il apparait au travers d'une réclamation que la création de cette nouvelle Autorité Administrative Indépendante pour se substituer à quatre institutions a été imparfaite.

A une réclamation dans le domaine d’attribution de l’ex Médiateur de la République, le Défenseur des Droits formule une réponse à travers le prisme réducteur de la discrimination.

 

Une réclamation dans la compétence de l’ex Médiateur de la République

En résumé, la réclamation portait sur un dysfonctionnement de deux administrations (Inspection du travail et Agence Régionale de Santé) et un manquement aux principes du service public :

  • principe de continuité pour l’inspection du travail
  • principe d’égalité par l’Agence régional de Santé

Il était également relevé que l’Inspection du Travail n’avait pas tiré les conséquences de la séparation des pouvoirs dans une prise de décision ignorant sciemment des éléments qui devaient être pris en considération dans la décision, le ministère ayant entériné cette position en opportunité alors que, sans être exhaustif :

Lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, alors même qu’une demande de résiliation du contrat de travail a été introduite préalablement devant le juge judiciaire, les manquements invoqués par le salarié dans sa demande doivent être nécessairement contrôlés par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation :

  • Cf. Cass. Soc. 29 septembre 2010- N° 09-41.127 Bull Civ. V n° 201 
  • Cf. Cass. Soc. 28 septembre 2011 N° 10-10.445 

Deux jurisprudences récentes de la Cour de cassation sont venues rappeler les conséquences d’une inaptitude liée à un harcèlement moral dénoncé par lettre recommandé sans réaction de la direction. Dans la première décision en particulier (n°11-22553), la Cour de Cassation a indiqué que l'employeur n'avait pas répondu au courrier de la salariée, qu'il cherchait à la déstabiliser par des réflexions désobligeantes, par des pressions permanentes devant les clients, que la salariée avait été en arrêt maladie pour un état anxio-dépressif, etc. Les courriers non contestés - que l’inspection du travail a eu en copie, comme tous les autres courriers non contestés - exposent bien la responsabilité de l’employeur dans l’inaptitude :

  • Cf. Cass soc 17 octobre 2012 n°11-22553
  • Cf. Cass soc 17 octobre 2012 n°11-18884

A aucun moment le médecin du travail ne s’est prononcé sur la possibilité d’une formation, ce qui aurait du être fait en vertu de l’article L 1226-10 du Code du Travail écrit au présent de l’indicatif ayant en droit valeur d’impératif (…formule des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté), l’établissement ayant plus de 50 salariés. La lettre de licenciement est muette sur ce point de même que les décisions administratives d’autorisation de licenciement

L’avis d’inaptitude avait été contesté dans le recours hiérarchique. A l’époque aucun délai légal n’existait pour contester l’avis d’inaptitude et les avis d’inaptitude ne mentionnent aucun délai opposable. Le médecin inspecteur du travail aurait dû être vu ce qui n’a pas été le cas.

En outre ni l’Inspection du Travail ni la tutelle (DDASS et ARH devenues ARS) n’avaient tiré les conséquences de l’article 40 du Code de Procédure Pénale écrit au présent de l’indicatif ayant en droit valeur d’impératif alors que leur était signalé avant l’accident du travail de la discrimination, du harcèlement, de l’entrave et de la corruption au sens d’abus d’un pouvoir reçu en délégation à des fins personnelles :

Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1.

Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Seul le Parquet à l’article 40-1 est « juge de l’opportunité ».

Enfin, la DDASS et l'ARH, soi-disant non compétentes sur une question de droit du travail, n'avaient pas tiré les conséquences de article 20 de la loi 2000-321 du 12 avril 2000 :

Lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé.

Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'autorité initialement saisie.

Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite d'acceptation ne court qu'à compter de la date de réception de la demande par l'autorité compétente.

Dans tous les cas, l'accusé de réception est délivré par l'autorité compétente.

Il est résulté de tous ces dysfonctionnements un AT, 13 mois d’arrêt de travail, une inaptitude et un licenciement douteux avec une administration du travail qui s’est défaussée y compris après l’alternance avec un courrier au ministre Sapin qui n'a pas (ou son cabinet) répondu pour exprimer ne serait-ce que de la compassion à la victime des administrations.

 

Une réponse sous le prisme réducteur de la discrimination au sens large

La réponse du Défenseur des Droits a été adressée et confirmée par le « collège chargé de la lutte contre les discrimination et de la promotion de l’égalité » ne reconnaissant pas de discrimination, qui n’était pas l’objet principal de la demande.

En pratique de manière caricaturale il semble quand on est un homme blanc d’âge moyen, catholique, hétérosexuel, sans handicap visible, il est difficile de faire valoir que l’on est discriminé car on n’a pas le « profil type » souvent avéré du discriminé et surtout il apparaît ainsi que le champ d’action de l’ex Médiateur de la République dans les litiges avec l’administration n’est pas repris par le Défenseur des Droits qui limite son intervention aux questions de discriminations directes ou indirectes dans les relations avec l’administration.

Cela apparaît d’ailleurs nettement à l’examen des libellés des collèges de la nouvelle autorité Administrative Indépendante (art. 11 et suivants de la Loi Organique N°2011-333 du 29 mars 2011) :

  • Collège lutte contre les discriminations (ex HALDE)
  • Collège déontologie de la sécurité (ex Commission nationale de déontologie de la sécurité)
  • Collège droits de l’enfant (ex Défenseur des enfants)
  • Collège conjoint

 

Il n’y a pas de collège reprenant explicitement le champ d’intervention du Médiateur de la République (il aurait dû y avoir un collège « Relations avec les administrations »), ce qui interpelle le législateur alors que l’on célébrera bientôt les deux années d’existence de la nouvelle institution dont on voit les limites dans la défense de l’Etat de droit

En particulier

Améliorer les relations entre le citoyen et l’administration par la médiation.

En aidant les personnes physiques ou morales qui contestent une décision, un comportement de l'administration française ou d’une délégation de service public, il recherche un règlement amiable, au cas par cas et en équité, entre les deux parties. L’institution se veut être ainsi une passerelle afin de rétablir la confiance entre les administrés et l’administration.

La médiation s’impose aujourd’hui comme une méthode originale et efficace de règlements des conflits : plutôt que par la contrainte qui heurterait les services et irait à l’encontre de l’objectif recherché, c’est par la concertation qu’entend agir le Médiateur de la République au travers de « recommandations » et de « propositions ». 
Toutefois, s’il ne parvient pas à une solution acceptée avec l’Administration, il dispose de pouvoirs particuliers : 

un pouvoir disciplinaire de substitution  : 
il peut engager une procédure disciplinaire à l’encontre d’un agent manifestement fautif si l’autorité compétente refuse de le sanctionner. 

 

Au total, cette situation de vide juridique par rapport aux missions essentielles de médiation de l’ex Médiateur de la république est particulièrement préoccupante et interpelle la Représentation Nationale, car elle peut laisser craindre un développement des extrémismes si de telles réponses non pertinentes sont apportées par cette autorité administrative indépendante aux dysfonctionnements des services de l'Etat.


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2 réactions à cet article    


  • sirocco sirocco 2 mars 2013 14:08

    En marge de cet article, rappelons brièvement un épisode du passé de notre actuel « Défenseur des Droits », Dominique BAUDIS. 

    En 2003, deux prostituées se livrent à des révélations sur l’existence de séances sado-maso agrémentées de tortures, viols et éventuellement mort suivie de disparition de personnes mineures, auxquelles participeraient des membres de la bonne société toulousaine.
    Parmi ces membres figurent, toujours selon les prostituées qui disent avoir participé aux séances en question, le substitut Marc BOURRAGUE, le procureur général Jean VOLFF et... Dominique BAUDIS, maire de Toulouse. Nous sommes là dans une des composantes de l’importante affaire Alègre que je ne résumerai pas ici, d’autant plus que rien n’a été vraiment éclairci dans ce volumineux dossier judiciaire.

    Rappelons simplement que, dès les accusations portées, Volff s’est opposé à l’ouverture d’une information que réclamait le substitut François Heinisch ! Curieuse attitude de la part d’un haut représentant du parquet... Très vite par la suite, Volff qui appartenait à une vieille famille juive a été sorti de ce guêpier par Chirac et mis à l’abri par une nomination à la Cour de cassation, échappant ainsi à toute enquête.

    De toute façon, il n’y a pas eu de véritable enquête. Je résume : le gendarme Roussel, qui avait réuni des éléments troublants sur le sujet, a été placé d’office en retraite. Les magistrats du parquet de Toulouse ont été remplacés par d’autres plus dociles. Le principal témoin des scènes incriminées (« Jamel ») a été retrouvé « suicidé » dans une clinique ( !! ) Les prostituées accusatrices ont été poursuivies et très probablement menacées de mort ce qui les a décidées à déclarer qu’elles avaient menti, tandis que le milieu du journalisme français tout entier s’est employé à protéger Dominique BAUDIS en assénant qu’il n’était que la malheureuse victime d’accusations calomnieuses, puis à redorer son blason. Quelques années plus tard, BAUDIS devenait notre « Défenseur des Droits »... Ne trouvez-vous pas que parfois, les histoires finissent bien en France ?


    • sirocco sirocco 2 mars 2013 21:21

      En fait, les prostituées n’ont pas déclaré qu’elles avaient menti mais la justice ayant donné d’elles une image d’affabulatrices, elles ont beaucoup perdu de leur volonté et de leur force de conviction dans leurs accusations. Ce qui semble évident, c’est qu’elles ont eu très peur et ont sans doute préféré écoper d’une légère condamnation pour calomnie plutôt que de connaître le même sort que « Jamel ».

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