Pamela Geller, la couche de trop

L'image a fait depuis le tour du monde et scandalisé tout le monde Tout le monde, sauf deux personnes. La première étant Rick Perry, gouverneur du Texas (l'Etat devient une référence en matière d'imbécillité !) un autre candidat à la présidence US, qui avait surtout démontré jusqu'ici une bêtise incommensurable et un vide sidéral de pensée (être incapable de retenir trois idées, comme visible ici). Son seul argument ? La jeunesse des soldats : "ces gosses ont fait une erreur, cela ne fait aucun doute. Ils n'auraient pas dû le faire. C'est mal. Mais, qualifier cela d'acte criminel, franchement, c'est trop", a-t-il déclaré dimanche sur CNN." Des "gosses" qui tuent, a-t-il oublié de préciser en comparant ces militaires à des petits voleurs de supérette. Combien de "gosses" ont-il pu tuer, ces "gamins, de cela Perry ne nous parlera pas. Nisoor ne lui rappelle rien. Le viol et l'assassinat d'Abeer Qassim Al-Janabi non plus. Comme excuse, nous dit "Challenges", "L'ancien pilote de l'US Air Force a en outre évoqué l'existence d'une photographie montrant le général Patton urinant dans le Rhin pendant la Seconde Guerre mondiale." La photo existe bel et bien, et elle fait même partie d'un texte dans ses mémoires, où il se compare à Guillaume le Conquérant... Patton était outrancier, ça n'est une découverte pour personne. Il avait promis de "pisser dans le Rhin", et il l'a fait, immortalisé même par une photographie. L'idée semblait tout autre, Patton marquant son territoire comme les animaux le font, il ne semblait pas ce jour là y avoir la même dégradation du sentiment de respect dû aux morts, en aucun cas. L'homme, miné par une prestation calamiteuse où il avait été incapable de se rappeler d'une troisième idée, s'est depuis retiré pour courrir soutenir Gingrich, le grand ami de Pamela.

Pour Pamela la tigresse du net islamophobe, c'était tout différent. Elle revenait sur le même thème, mais comme à son habitude, sans étayer davantage son propos, toujours à l'emporte pièce. "Aurait-on réagi si des marines avaient uriné sur des soldats nazis morts pendant la seconde guerre mondiale ?", débute sa diatribe, assimilant, comme elle le fait depuis le début sur son blog les talibans aux nazis, ce fameux "nazislamisme" dont se targue les militants d'extréme droite sur tous les sites internet, une envolée comme elle en a coutume, mais qui très vite, sombre dans le une couche supplémentaire d'abjection et de provocation "j'aime ces marines. Peut-être [que leur attitude témoigne] d'une interprétation infidèle du rituel islamique consistant à laver et à préparer le corps avant l'enterrement"  : il y a de quoi laisser bouche bée. Tout le monde a condamné cet acte, qui ne peut que fabriquer une surenchère guerrière, dont on vient de voir le résultat. Flatter l'irresponsablité, c'est applaudir les irresponsables et leur donner un blanc seing pour d'autres exactions : Pamela Geller n'a pas correspondu assidûment pendant trois années avec Andreas Breivik pour rien (j'y reviendrai bientôt). Le marine qui avait violé la petite "Abeer Qassim Al-Janabi" avant de la tuer, avait fini par dire que pour lui, les "irakiens n'étaient pas des êtres humains".... Et on voudrait que Breivik exprime un quelconque remords ? En le considérant comme fou puisqu'il dit ne pas en éprouver ? Un des violeurs de la petite irakienne héritera de 110 ans de prison en 2007, ses prédécesseurs de 20 à 100.

Acte inconséquent suivi d'un commentaire irresponsable : on a bien eu les deux ce jour-là. "Mais l'impact politique des images est d'autant plus fort que leur portée symbolique est lourde. Humiliant et obscène, le film "rouvre de vieilles blessures concernant les mauvais traitements infligés par l'armée américaine aux civils et aux 'ennemis combattants' capturés", note le Christian Science Monitor. Comme les photographies prises à Abou Ghraib ou à Guantanamo (nous n'avons toujours pas pu voir à ce jour le dernier lot de photos d'Abou Grhaib, interdit de visionnage par Obama, on se doute bien de pourquoi !), il ravive la mémoire des nombreux scandales qui ont jalonné les guerres d'Irak et d'Afghanistan depuis 2002. "Indignée par le concert de condamnations qui ont suivi la diffusion des images, la blogueuse américaine Pamela Geller est l'une des rares à afficher sur son site Internet son soutien aux soldats incriminés" continue le magazine. Mais on le sait, sa folie guerrière n'a aucune limite. Elle se heurte néanmoins aux soldats eux-mêmes, ou plutôt les vétérans de l'intervention en Afghanistan, bien plus à-mêmes de comprendre ce que ce genre d'acte et de propos provoquera indubitablement. "Volontairement provocatrice, la remarque indigne l'ancien vétéran Jon Soltz. Sur le Huffington Post, cet ancien de la guerre d'Irak dénonce des images qui"sapent tout ce que [lui] et ceux qui ont servi avec [lui ont] essayé de faire". "Des commentaires comme [celui de Pamela Geller] ne vont pas seulement à l'encontre de ce que défend notre armée, estime-t-il, ils mettent un peu plus en danger nos troupes sur le terrain. Cela prouve simplement que certains à droite ne comprennent rien à notre mission en Afghanistan." L'homme a raison : on ne "pacifie" pas de la sorte en entretenant une haine sur place. Mettant en danger les soldats, souligne l'homme de terrain, car susceptibles de provoquer une vengeance. Nous y sommes, hélas, aujourd'hui.

Une haine, qui, si elle perdure, rend impossible ce qui est aujourd'hui tenté. A savoir l'organisation d'une armée démocratique, chose difficile dans un pays de mafieux et de trafiquants de pavot comme l'est encore l'Afghanistan, malgré les dénégations outragées d'Hamid Karzaï, dont le frère revolvérisé a été longtemps l'un des piliers du trafic. La semaine même où la furie pro-israélienne commettait sa saillie, une enquête inquiétante était dévoilée dans la presse US. Celle de la recrudescence des meurtres de soldats américains par des enrôlés de l'armée de Karzaï. Qui pouvaient aussi découvir le net, et découvrir en même ce qui y traîne sur leur pays, où le peu de considérations qu'ont les amércains en général pour leur pays, ses habitants, et leur religion. Une pratique très inquiétante, car les cas se sont multipliés cette année, obligeant le Pentagone à faire une mise au point à ce propos. Révélant un profond malaise, celui consistant à devoir avouer que les soldats américains se faisaient aussi tuer par ceux à qui ils venaient d'offrir armes et formation pour le faire. Après les distributions non contôlées d'armes aux milices en Iraq, décidées par le général Petraeus, voilà q'un deuxième talon d'Achille apparraissait dans la cuirasse du Pentagone. "Des forces de la coalition américaine et des autres forces présentes ici ont été tuées en nombre croissant par les soldats afghans, alors qu'ils se battent pour les former, dans les attaques motivées par l'animosité profonde supposée entre les forces alliées, selon des officiers américains et afghans, à l' annonce d'un rapport de la coalition. En dix ans de guerre en Afghanistan, le rapport indique clairement que ces assassinats sont devenus le symptôme le plus visible d'un malaise beaucoup plus profond dont souffre l'effort de guerre : le mépris de chaque côté est valable pour l'un comme pour l'autre, sans parler des talibans. La mauvaise volonté et la méfiance sont profondément ancrées parmi les civils et les militaires, des deux côtés, ce qui soulève des questions sur le futur rôle des Etats-Unis et ses alliés peuvent s'attendre à jouer en Afghanistan." C'était bien une constatation d'échec, montrant que l'espoir de former des soldats ou des policiers de cette façon demeurait impossible. Surtout si entre temps, rien n'était fait pour endiguer le gouffre intellectuel entre eux, dont l'obstacle de la langue, qui aura ruiné en grande partie les relations entre eux depuis toujours : les américains instruisant en américain, sans faire aucun effort de langage. Attitude génératrice, on le sait, de frustration et de ressentiment (c'est la première chose que reprochent, paradoxalement, les extrémistes de droite aux émigrés "de ne pas faire l'effort de parler comme nous" !). 

Or aujourd'hui que quatre soldats français aguerris, tous formateurs de cette armée afghane qui se défie de ceux qui leur apprennent comment combattre les talibans ont perdu la vie, de la même façon qu'un bon nombre de soldats américains, le feu attisé par la furie de Floride sonne encore plus à nos oreilles : elle qui a soutenu ouvertement Breivik, le tueur d'Oslo, et en partie aussi, aujourd'hui, responsable par ses écrits d'irresponsable de la mort de nos soldats, en entretenant une haine qui n'a aucun sens et qui ne peut conduire obligatoirement qu'à des représailles dans le genre, comme le souligne le Marines interviewé. J'accuse aujourd'hui Pamela Geller, et toute la clique qui orbite autour de ses écrits d'être en partie responsable de la mort de nos soldats, dont plusieurs étaient chefs de famille. Cela ne peut plus durer, ces assassinats : on ne peut former un individu au maniement d'une arme pour que le lendemain il vous tire dans le dos, manipulé par des personnes sans cervelle !

On ne peut plus accepter les appels à la haine et au meurtre entretenus par des gens comme Pamela Geller, qui a trouvé en France le soutien de sites internets dont j'ai à plusieurs reprises déjà dénoncé les dérives. Notamment Riposte Laïque, qui a offert à Pamela Geller et Robert Spencer une tribune sans fin pour exprimer leur discours de haine islamophobe. Le site de Christine Tasin, Pascal Hilout et Pierre Cassen n'a eu en effet de cesse d'offrir une tribune à Pamela Geller, en faisant par exemple de la publicité pour sa venue à Strasbourg, comme en ce 2 juillet 2011, un rassemblement prévu présenté ainsi par l'ineffable Christine Tasin : 

-Pamela Geller, journaliste (juive) américaine, auteur du livre « La Présidence post-américaine : la guerre de l’administration Obama contre l’Amérique » et du livre à paraître prochainement « Arrêtez l’islamisation de l’Amérique, Un guide pratique pour la Résistance » ;

-Robert Spencer, spécialiste de renommée internationale de l’islam, auteur notamment du « Guide poliquement incorrect de l’islam » traduit en français sur le site : http://www.gpii.precaution.ch/

-Anders Gravers, président de SIOE stop à l’islamisation de l’Europe,

Riposte Laïque se situant ainsi directement dans la promotion des écrits de Pamela Geller et de Robert Spencer. Mieux encore, puisque le site avait offert une véritable tribune aux deux premiers le 15 août 2011 pour leur offrir sur un plateau une tentative de se disculper des liens étroits que la première, surtout, avait entretenus avec l'assassin norvégien (trois années de correspondance où Breivik la tenait au courant de ses préparatifs, qu'elle saluait à chaque fois). Ils y écrivaient tout deux "En premier lieu, clamer que nous sommes lancés dans une focalisation de haine et une diabolisation d’un groupe est faux. " ce qui, aujourd'hui, après les déclarations sur les jeunes soldats américains sonne particumièrement... faux. Deux individus bien retords, capables sans vergogne de ne rien dire des liens étroits qu'ils entretrenaient avec l'assassin pour se draper de vertu et invoquer aussitôt la célèbre liberté de tout dire si chère à l'extrême droite pour y glisser subrepticement ses pires thèses négationnistes : "enfin, les arguments qui ont été utilisés pour nous blâmer pour les attaques de Norvège pourraient être utilisés contre n’importe qui de n’importe quelle opinion idéologique et frapper au cœur même de la liberté d’expression. Avec leur logique, personne ne devrait critiquer quoi que ce soit de peur que quelque personne diabolique interprète mal une critique et commette un acte de violence à cause d’elle". Sur Breivik, Geller avait eu ce commentaire : "Breivik a ciblé les futurs dirigeants de la partie responsable de l'invasion de la Norvège par des musulmans qui refusent de s'assimiler, qui commettent des violences contre les indigènes majeurs norvégiens, y compris les viols collectifs violents, en toute impunité, et qui vivent au chômage ... tout se fait sans le consentement des Norvégiens". Autrement dit, celle qu'héberge Riposte Laïque avait applaudi aux assassinats des 77 jeunes norvégiens !

C'était bien la justification de pouvoir dire n'importe quoi, y compris des propos qui le lendemain même allait voir un soldat aghan tuer quatre soldats français, outré de ce qu'il avait pu voir, appuyé par ce que ces deux monstres irresponsables avaient pu écrire. Riposte Laïque, en août dernier devenant lui-même totamement irresponsable, en acceptant de publier les textes de personnes de cet acabit. Oui, il y a bien des responsables aux quatre derniers soldats français morts, et ils ne sont pas nécessairement à chercher du côté de l'armée française seule ou du chef de l'Etat. Le climat de haine islamophobe attisé par les écrits incendiaires de Pamela Geller, relayés par son antenne française qu'est Riposte Laïque y est pour beaucoup. Ce n'est pas le décolleté de Christine Tasin qui pourra cacher la réalité : Riposte Laïque est bien le porte-parole d'une pensée provocatrice ne pouvant qu'attiser les excès en tout genre, comme celui d'applaudir le génocidaire Mladic, une tension pouvant mener jusqu'aux assassinats de représailles. Au moment où l'heure serait à l'apaisement, avec un leader extrémiste volatilisé, voilà que l'on jette des braises sur du bois sec. Et qu'on en paie en retour le tarif fort.

Pamela Geller, présentée ainsi par Corinne Lesne, correspondante du Monde aux States : "La blogueuse Pamela Geller, qui avait dénoncé la mosquée [de Ground zero à New York, ancien lieu du World Trade Center détruit par les attentats du 11 Septembre] pendant des mois avant que le débat ne démarre, est devenue une célébrité du circuit islamophobe. Elle donne des conférences. Son blog ('Stop islamization of America') a été catalogué fin février parmi les sites qui 'encouragent la haine par le Southern Poverty Law Center, l'association qui recense les extrémistes depuis quarante ans. Elle s'en est déclarée 'honorée'" Des promoteurs de haine, donc qui avaient trouvé en France un soutien pas vraiment inattendu en la personne de Fabrice Robert, qui n'aurait pas voulu rater l'occasion d'associer son discours à celui de Pamela Geller. Le chef du bloc identitaire qui ajoutait à la liste sur son blog Roberta Moore, présentée comme je cite la "représentante de la « section juive » de l’English Defence League", dont les liens avec les néo-nazis (et les nazis véritables) ne sont plus à démontrer. (la manifestation promise étant finalement annulée). Riposte Laïque fait bien le lit des jeunes exaltés, ceux qui, aux Etats-Unis, sont venus sur Internet de façon anonyme saluer Pamela Geller : "Mais comme le relève Steve Clemons dans The Atlantic, la réaction de la blogueuse controversée fait écho à de nombreux commentaires enthousiastes publiés au bas des vidéos reprenant la scène sur YouTube. "Beaucoup auraient souhaité faire partie du groupe [de marines], observe le chroniqueur. De nombreux soldats viennent de coins aux Etats-Unis où ce type de comportement est la norme. Qu'on l'admette ou non, ce que ces militaires ont fait "nous" représente aujourd'hui." A savoir l'inculture crasse de l"américain moyen, nourri de télévision comme seule source d'information, et où FoxNews, la filiale du groupe de Robert Murdoch, sorte de tabloïd télévisé, qui remue tous les jours la même boue conservatrice pro-guerre. 

Tirer les sentiments humains vers le bas, a toujours été le propre des mouvements fascisants : s'appuyer sur les plus faibles d'esprit, en leur proposant une vue biaisée des choses pour mieux les enrôler. Les discours inconsidérés et enflammés de Christine Tasin et de Pamela Geller ont donc une lourde responsabilité : ils arment psychologiquement aujourd'hui les assassins de nos soldats en Afghanistan, qui n'ont certes pas mérité d'être tués par ceux qu'ils étaient venus apprendre à se sortir des griffes des talibans. Morts en tentant de les sauver, parce que des illuminés, à l'autre bout, n'ont même pas pris conscience de la portée de leur propos. Aujourd'hui, des familles peuvent en vouloir au Président, à l'Armée, mais elles peuvent aussi légitimement en vouloir également à ces irresponsables faiseurs de haine. Oui, il existe des responsables à ces morts inutiles. Ce ne sont pas forcément ceux montrés tout de suite du doigt.

PS : dimanche, dans l'après midi, on avait confirmation de ce que je venais d'écrire.