Panique à Solferino, le PS va disparaître, BHL aussi

L’actualité politique a été très riche pour le Parti socialiste ces derniers jours. Après la passe d’arme entre Manuel Valls et la première secrétaire Martine Aubry, voici que Julien Dray, qui a réussi sa vie puisqu’il a des montres Rolex, remet les pendules à l’heure. Dans la foulée, le philosophe BHL suggère que le PS doit être dissout vu son état cadavérique. BHL se dit de gauche. On peut lui faire confiance. Il est persuadé d’être de gauche. Un peu comme le patron exploitant ses ouvriers se disait catholique et humaniste à la fin du 19ème siècle. Tandis que son épouse participait aux bonnes œuvres à cette époque où on ne pouvait aller faire le pitre chez Jean-Pierre pour répondre à dix questions à la con et empocher une coquette somme pour l’association de son choix. Les mœurs et les cultures ont terriblement changé depuis. Zola n’en reviendrait pas.
Revenons à BHL qui dans son interview donné au JDD, explique que le Parti socialiste qui fut celui de Jaurès et de Blum n’existe plus. Ce raccourci n’est pas fait pour éclaircir la situation actuelle. Cet amalgame est impardonnable de la part d’un philosophe intronisé comme porte parole de l’intelligentsia germanopratine de gauche. Jaurès et Blum n’étaient pas au PS mais à la SFIO. Certes, le PS se réclame de cet héritage historique mais après la guerre, les choses ont tellement changé que la SFIO a fini par se perdre dans les jeux funestes de partis pendant la Quatrième République, tandis que la Cinquième fut écrasée par De Gaulle. Le Général régnait sans partage, tout au plus un Parti communiste jaugé assez fort, mais ne pesant tout au plus qu’un quart de l’électorat. Pas de quoi troubler le cours assuré du gaullisme. La France au faîte des Trente glorieuses, puissance nucléaire, avec sa SNCF et son EDF, l’ORTF obéissante. La France doublant allègrement une Angleterre empêtrée dans son passé. Tout se passait tranquillement pour ce pouvoir ayant réussi la recette d’Auguste Comte dont la devise ne figure pas dans la République française mais le Brésil. Ordre et progrès. Les ouvriers à l’usine, les cadres pour les diriger, l’Etat pour administrer et madame avec ses ustensiles Moulinex attendant que son époux entre pour lui faire à bouffer. Paisible France mais c’était sans compter un bouillonnement social, planétaire, dont mai 68 fut une expression typiquement française.
C’est donc dans ce contexte, marqué par des élans populaires, des mouvements sociaux, des émancipations, des nouvelles formes culturelles, des progrès matériels, bref, un désir de nouvelle société dixit Chaban, que le PS est né sous sa forme actuelle. En 1971. Suite au congrès d’Epinay. Un PS mené par un chef charismatique. Mitterrand. Auteur du reste d’un coup de Jarnac en 1965, réussissant à pousser le Général au second tour, puis réunissant 45 % d’électeurs de gauche. L’Histoire était en marche. Si le Parti socialiste est arrivé au pouvoir en 1981, c’est qu’il était porté par une société aux aspirations nouvelles, un peuple marqué par un désir d’émancipation. Bref, la nouvelle société ne sera pas accomplie par Chaban, le résistant, le fidèle gaulliste, mais par Giscard le centriste puis Mitterrand le socialiste. Une élection, c’est la rencontre d’un homme et d’un peuple reprenait Villepin. C’est aussi la fraternité entre un parti et un peuple.
Si c’est un Parti historique qui se délite, alors ce n’est pas celui de Blum mais bien celui de Mitterrand. Il ne faudrait pas l’oublier. Et la situation du PS n’a rien à voir avec celle du PC en 1977, avant l’absorption mitterrandienne. Encore une mauvaise analyse de BHL dont on attend avec impatience qu’il disparaisse des médias. Ou qu’il prenne un autre nom. Le PS est plus comme la SFIO dans les années 1960. A cette époque, De Gaulle dominait, avec la complicité de divers courants, PC, radicaux, etc. Bref, De Gaulle avait réalisé une sorte de synthèse, un peu à la manière de Sarkozy. Il paraissait indéboulonnable. Tout comme du reste ses héritiers gaullistes. Pompidou, Peyrefitte… et un jeune loup au destin déjà pressenti, un certain Jacques Chirac. Mais l’Histoire avait décidé de tourner le dos aux gaullistes. Si bien que cette formation s’est retrouvée en tenaille entre les libéraux centristes et les socialistes, autrement dit, entre Giscard et Mitterrand.
Pour finir, on tracera un parallèle qui semble plus approprié pour saisir l’état du PS dans le contexte de son histoire et de l’Histoire. Chirac, rappelons-le, était en porte-à-faux dès 1974, notamment suite à la loi Veil. Donc un déphasage avec la société, comme peut l’être le PS actuellement. Chirac décida de dissoudre l’UDR pour créer le RPR en 1976. Il mettra 20 ans pour accéder à la magistrature suprême. L’UDR, c’était la formation dominante entre 1967 et 1974. Auparavant, c’était l’UNR, depuis 1958 et avant, le RPF. L’UNR avait pour mission de défendre l’action du Général de Gaulle (ce qui rappellera étrangement l’UMP formaté pour défendre un seul homme) Ces retours sur l’Histoire semblent placer la situation du PS en 2009 comme équivalente à celle de l’UDR en 1976. Deux héritages, respectivement Mitterrand et De Gaulle. Deux points communs, la gestion correcte et progressiste de la France. L’UDR a été stoppé par la crise des seventies. Le PS est maintenant stoppé*** par la crise de la mondialisation et du capitalisme. Chirac en 1976 avait sans doute perçu la réaction anti seventies de dessiner (parallélisme avec la réaction américaine, spécifiquement culturelle, avec Reagan, puis accomplie par Bush). Si Le PS est dans cet état là, c’est qu’il ne capte pas un renouveau des aspirations, tout au plus un anti-sarkozysme, mais tellement primaire qu’on ne peut bâtir un projet. Pourtant il existe quelques forces progressistes, une cinquième colonne de mai. Il se peut alors que le PS n’écoute pas la société. Alors que BHL s’écoute lui-même un peu trop, livrant une piètre analyse de la situation.
(Mais si on affine le schéma, on peut penser que le PS est dans la situation de l’UDR depuis pas mal de temps. L’échec de Jospin en 2002 est à comparer avec celui de Chirac en 1974. On pourrait même faire remonter la crise du PS en 1993. Et si la cohabitation de 1986 entre Chirac et Mitterrand témoignait de l’ascension du RPR qu’on connut, la cohabitation de 1996 avec Jospin fut sans doute un prodrome du marasme socialiste dont on voit l’étendue du mal en 2009)
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