Par le Peuple et pour le Peuple
« La cupidité détruit la bienséance » - Proverbe algérien -
« Par le Peuple et pour le Peuple », telle est la devise de la jeune république algérienne démocratique et populaire RADP qui, a vu a près de soixante ans d’indépendance, le passage de trois étapes charnières, aussi déterminantes que particulières pour le peuple algérien. Des étapes qui ont étés marquées par, la joie de la liberté retrouvée, suivie par les larmes et le sang de la décennie noire, et enfin par la mainmise d’une oligarchie, aussi méprisante qu’écrasante, sur un peuple qu’on croyait résigner à tout jamais.
A l’annonce de l’indépendance de l’Algérie, le peuple algérien était sorti pour manifester sa joie dans une liesse de folie sans pareille, dans la mesure où sortir de 132 ans d’un joug colonial et recouvrir sa liberté était presque incroyable. L’armée des frontières était entrée au pays, conquérante, en destituant ceux qui étaient sur le terrain, les réels combattants, les Moudjahidines, et c’est ce même peuple qui les a acclamé tout au long de leur entrée dans la capitale Alger.
Une prise du pouvoir par feu le président H. Boumedienne a vite fait de marquer de son empreinte la gouvernance du pays, en prenant les règnes de la jeune RADP, dans un engagement révolutionnaire au sein d’un socialisme spécifique, propre à l’Algérie. Il faut reconnaitre que sous la présidence de ce dernier, quels que soient les reproches qu’on pouvait lui adressé, il n’en demeure pas moins que le peuple vivait correctement, et surtout égalitairement. C’est encore ce même peuple qui a manifesté sa douleur à la mort de celui-ci, tant ils lui étaient reconnaissant dans ses prises de position, aussi bien nationalement qu’internationalement. Boumedienne était proche du peuple, il avait de la considération pour les universitaires et intellectuels, c’est en cela qu’il a su les fédérer autour de lui.
Pour l’anecdote, l’homme par son charisme, avait même inspiré le grand cinéaste allemand W. Herzog pour le rôle d’Aguirre, auquel il voulait l’attribuer, dans le film ‘’Aguirre ou la colère de Dieu’’, interprété par Klaus Kinski.
L’arrivée au pouvoir du défunt président Chadli Bendjedid, en remplacement de Boumedienne fut une parenthèse ou la brèche par laquelle les généraux ont commencé à montrer des ambitions de pouvoir absolu. Bendjedid, comme son nom l’indique (renouveau en arabe), en moderniste qu’il était, un tantinet naïf (raison pour laquelle il a été choisi d’ailleurs), voulait le changement, il fut l’initiateur du multipartisme, sous les conseils du général ‘’Larbi Belkheir’’ dit ‘’Le Cardinal’’, un homme de l’ombre très énigmatique, derrière toutes les intrigues que l’Algérie subira.
Ce dernier, avec un conclave de généraux ont poussé le président Bendjedid à la création d’un parti islamiste (le FIS), et ce, de manière anticonstitutionnelle, sachant très bien qu’il allait supplanter le parti au pouvoir (le FLN). Ce qui devait arriver arriva, et ce fut le FIS qui gagna les élections pour la présidentielle. Pour un choc qui n’en était pas un, il fut plutôt bien calculé. Les généraux de la promotion ‘’Lacoste’’ (il faut bien le préciser), ont fait d’une pierre deux coups, ils ont évincé Bendjedid, en le poussant à la sortie, et annulé la victoire du FIS, ce qui aura déclenché la décennie noire (1991-2002), de triste mémoire, avec son lot de malheurs, on comptabilisera la mort de près de 200.000 algériens.
On a même entendu dire par un certain général, qu’il était prêt à tuer trois millions d’algériens pour soi-disant sauver la nation de l’islamisme archaïque, avec les armes fournis par les wahhabites saoudiens (les seuls fournisseurs en armes, puisque l’occident en a fait un blocus total).
A cette époque, le monde entier avait le regard tourné vers l’Algérie et son expérience du multipartisme, particulièrement les pays arabes et du tiers–monde, ils suivaient en direct les évènements qui s’y déroulés, au point de ne plus voir clair sur la situation, doutant même du rôle réel de l’armée, d’où la sortie de la formule « Qui tue qui ? », certains pays occidentaux avaient même pointé le doigt vers ces derniers. Cette situation dramatique et désastreuse ne pouvait continuer, elle était devenue intenable pour les généraux, ils se devaient de trouver une issue de sortie, et ils l’ont trouvé en la personne de Abdelaziz Bouteflika, et ce, non sans condition.
Bouteflika, le petit secrétaire de Boumedienne, un inconnu du peuple algérien, d’un niveau du secondaire, devenu par la force des circonstances (la majorité des algériens étaient analphabètes) le plus jeune ministre au monde (ministre de la jeunesse et des sports à 25 ans). L’homme avait pris du galon à force de contacts avec les grands, d’autant plus qu’il était sous la coupe d’un Boumedienne, craint et respecté, il s’était forgé le caractère d’un dandy narcissique séducteur au fil du temps. Sa célébrité avait dépassé les frontières lors de l’attaque du siège de l’OPEP à Vienne, le 21 décembre 1975, par le redoutable Carlos, il avait été désigné comme seul interlocuteur valable aux négociations, du fait de la notoriété de l’Algérie, considérée en ce temps la ‘’Mecque des révolutionnaires’’.
A la mort de Boumedienne (Décembre 1978), Bouteflika avait perdu son protecteur, il fut éjecté du pouvoir pour de multiples raisons, dont les plus importantes sont la jalousie (jalousé et pour cause) et le détournement d’argent vers la Suisse, pour lequel il sera condamné par la cour des comptes (un premier arrêt prononcé le 8 août 1982, suivi d’un arrêt définitif le 8 août 1983). Aux yeux de cette instance judiciaire, il a bien détourné des sommes importantes de 1965 à 1978, pour la somme dont la contre-valeur en dinars représente 58 868 679, 85 DA. L’accusation était lourde et passible de condamnation à mort, il en échappera pour s’être engagé à rembourser depuis la Suisse, mais en vérité il n’a fait que fuir la justice et gagner du temps, il ne remboursera jamais la totalité de la somme.
Cet épisode de la vie de Bouteflika est intéressant, dans la mesure où il nous donne la vraie nature de personnage, très sûr de sa personne et sans scrupules. Il explique en lui-même les accointances et l’état d’esprit des généraux avec cet homme, une fois qu’ils se sont rendus compte de leur condamnation auprès de l’opinion internationale, ou la suspicion de leur implication dans le désastre de la décennie noire était engagée, ils voulaient se racheter une virginité en la personne de Bouteflika, encore respecté de par le monde.
Bouteflika était revenu au pays en sauveur, surtout pour la jeunesse (75% de la population algérienne) dont ils ne connaissent rien de lui. Il fut acclamé et adulé comme personne, pourvu que les larmes et le sang cessent, pour se faire, il exigera les pleins pouvoir (non pas le 3/4 comme il disait, mais la totalité), et c’est en cela que l’on comprend la subtilité et l’expérience acquise en politique de cet homme, malin et rusé, il bernera tout son monde, généraux compris.
Dès son arrivée au pouvoir, il met nombre de généraux à la retraite, il évince tous ceux qui pouvaient le gêner, il envoi le Cardinal (Larbi Belkheir) au Maroc au titre d’ambassadeur, histoire de l’écarter, il nomme d’autres généraux et walis. Lui qui était écarté du parti FLN, il devient président d’honneur, puis président tout court du parti (assise du pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie), il favorisera une oligarchie de chefs d’entreprises (venue de nul part), dont l’avènement du golden boy Abdelmoumen Khalifa en est le déclencheur, de la rapine et du détournement à grande échelle.
N’est-ce pas là une manière de se disculper, en enfonçant tout le monde dans le même moule de l’avidité pour l’argent, comme une porte ouverte pour la corruption, devenue une Culture, lui qui n’a jamais accepté sa condamnation par la cour des comptes.
Bouteflika est arrivé à détourner la constitution pour la faire sienne, en s’arrogeant le droit de la violer à mainte reprises, alors que tout changement devait se faire sous référendum. En vérité, il voulait être président à vie, au grand dam de ses sujets.
Le peuple dans tout ça ! Eh bien, il a fini par comprendre la machination infernale de ce président grabataire, après un temps relativement long, mais comme on dit ‘’il n’est jamais trop tard pour se réveiller’’, il a fallu l’arrogance de certains apparatchiks, se croyant tout permis, ils ont trait la vache à lait qu’est l’Algérie a n’en plus finir, sans se soucier aucunement du peuple, pour que l’agacement arrive a stimuler la rancœur et le ras-le-bol. Il s’est soulevé comme un seul homme, prenant à court le système, lequel ne s’est jamais attendu à un tel soulèvement, une révolte qui a surpris le monde entier par sa spontanéité, surtout par son organisation, sa discipline et son pacifisme. Cette dernière est entrée de plein pied dans l’histoire, elle en fera certainement des émules.
Bouteflika, l’enfant de Tlemcen, une ville réputée pour ses critères de la bienséance et sa culture andalouse, a vite fait de devenir cupide, due aux faveurs, aux facilités et commodités du pouvoir, il en a perdu toutes les qualités dont est affublée cette belle région.
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