Après "Reviens Voltaire, ils sont devenus fous", Val sort de la réserve qu'il s'était imposé à la direction de France Inter et récidive en tirant à bout portant sur Rousseau et le "sociologisme". Contre un monde auquel il reproche de nier les réalités, il propose une alternative emplie d'idéalisme. Une démonstration pour le moins paradoxale...
Philippe Val est de retour et sa colère est à la mesure d'un silence qui aura duré plusieurs années. Mais qui sont ces détracteurs qui l'accusent d'être passé avec armes et bagages de l'extrême gauche à la social démocratie, voire à la droite de Sarkozy ? Qui sont-ils pour lui donner des leçons sinon les héritiers du père de tous les totalitarismes que fut Rousseau, des marxistes qui n'osent plus s'assumer ouvertement - à l'exception, bien entendu, d'Alain Badiou -, des crypto-communistes que les horreurs du stalinisme et la chute du Mur ont disqualifié, de pseudo-scientifiques qui continuent d'idéaliser le peuple, de nier la liberté, de déresponsabiliser l'individu et d'entretenir un climat permanent de haine sociale ? Assez ! s'exclame Val. Ouvrons les yeux ! Cette intelligentsia-là monopolise indument le débat public, elle fait le pari de l'inculture, de la paresse intellectuelle et de cette mémoire de poisson rouge propre aux médias. Ce n'est pas dans de lâches démissions face aux intégrismes religieux ou de stériles oppositions entre "dominants" et "dominés" que peut résider un avenir meilleur mais dans l'amour retrouvé du beau, du vrai et du juste, de la culture, de la civilisation et de la véritable philosophie des Lumières. Pas celle de Rousseau évidemment mais celle de Voltaire et de Diderot.
Retour aux bons vieux clivages
Et Val de nous enjoindre à renouer avec les bons vieux fondamentaux politiques. La droite doit s'assumer à droite, la gauche renouer avec la modernité. Car si trahison il y a - et elle ne fait aucun doute pour l'essayiste - elle est à chercher du côté d'une classe politique qui, sous l'effet de la culpabilisation entretenue par les "sociologistes", a renoncé à ses idéaux d'origine. Pour retrouver une légitimité et une lisibilité, chaque bord doit s'atteindre à retrouver son idéal-type, renouer avec son essence profonde. La droite devrait être conservatrice dans le domaine des moeurs, hostile à l'intégration européenne et attachée à la souveraineté nationale. Quant à la gauche, il lui faudrait au contraire se battre pour les libertés individuelles, l'établissement d'une puissance européenne unie et une vision de la justice sociale validée par les urnes (non par les lubies de quelques experts irresponsables et imprégnés de marxisme). Ainsi restructurée et mise d'équerre, la démocratie sera en mesure de permettre à chacun de s'épanouir selon ses possibilités et d'offrir le débat pacifié que le XXIe siècle est en droit d'attendre. En prend-on le chemin ? Rien n'est moins sûr. Car si le communisme a pris un coup de vieux, le monde, lui, a gagné en complexité. Le terrorisme n'est pas une guerre comme les autres, l'Europe ne séduit plus, les inégalités s'accroissent de nouveau... Mais pour Val peu importe. C'est au nom de la réalité des faits qu'il nous dessine son monde idéal. Suprême paradoxe d'un homme assumant difficilement ses contradictions. Mais n'est-ce pas le propre d'une génération Mitterrand qui peine toujours à faire le lien entre ses espoirs de jeunesse et ce qu'elle est devenue ?
Franck Gintrand