Paradoxes politiques ?
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Le premier geste de Nicolas
Sarkozy fut de se rendre à une stèle, posée au bois de Boulogne à Paris en l’honneur de jeunes
résistants fusillés. Comme tout au long de sa campagne,
il ne manqua pas d’y rendre hommage à Guy Môquet, jeune
militant communiste, lui aussi exécuté par les Allemands.
En cet instant, difficile de
ne pas penser aussi au groupe Manouchian de l’Affiche rouge, comme
à d’autres étrangers qui donnèrent leur vie ou
leur jeunesse pour la libération de la France. Immigrés,
juifs, ouvriers, communistes, socialistes, pour beaucoup parlant mal
le français ou logés dans des taudis :
probablement, nombre d’entre eux eurent été recalés
si à l’époque on leur avait imposé un contrat
d’intégration.
En fait et à l’extrême,
le sacrifice de ces résistants étrangers traduit
l’unique critère « d’identité
nationale » : la volonté ou le fait,
indépendamment de son origine ou de son mode de vie, d’être
citoyen. C’est-à-dire d’appartenir à une communauté
de destin, de valeurs. En l’occurrence : la liberté,
l’égalité, la fraternité.
Supposant une adhésion
individuelle et volontaire, aucun ministère, aucun Etat ne
saurait donc prédéfinir qui est digne ou indigne
d’être français. D’ailleurs, qui des émules
contemporains de la petite France antisémite et xénophobe,
délatrice et collaboratrice ou ceux de Manouchian seraient les
plus à mêmes d’être français ?
Egalement difficile de ne pas
se rappeler la contribution apportée par les « Indigènes »
à la libération de la France. Cette réalité
historique, popularisée il y a un an par le film, contraste
avec la volonté de nier toute « repentance ».
« Repentance ».
Avec démagogie et dédain, ce terme désigne la
dette de la France envers les peuples des ex-colonies. Il prétend
ainsi exonérer notre responsabilité quant aux conflits
et à la misère y sévissant. Au néocolonialisme
ultralibéral, s’ajoutent rejet et mépris de la part
des pays occidentaux, réunis prochainement en G8.
Darfour, Iran, Colombie, Liban, etc... Collant aux éphémères humeurs de l’opinion publique et des projecteurs médiatiques, les discours politiques ne trouvent pas de qualificatifs suffisamment forts pour en décrire l’horreur, le chaos insécuritaire ou l’absence de démocratie. Hypocrite et paradoxale attention, comme naguère à propos de l’Afghanistan, de la Serbie, de l’Irak, etc.
Ainsi, la France a été
récemment condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, pour bafouer, entre autres, son devoir de
protection. Pourtant né des leçons tirées des
horreurs de la Seconde Guerre mondiale, le droit d’asile,
version européenne, se restreint constamment, ne laissant
que très peu de chances aux Darfouri, aux Colombiens, aux Iraniens, aux Libanais, venus tout simplement chercher la paix, la
sécurité, la liberté.
Toujours à propos de la
Résistance, difficile enfin d’oublier Lucie Aubrac, décédée
récemment. Les engagements de cette combattante inlassable
des droits de l’homme étaient marqués par le désir
exigeant de fraternité, de tolérance, de justice, de
progrès démocratique et social, d’émancipation,
d’universalité. Ces idéaux ont profondément
marqué l’époque de la libération.
Leur générosité
tranche avec le énième durcissement législatif à
l’encontre des étrangers, annoncé par Brice
Hortefeux, nouveau ministre de l’Immigration, de l’Intégration,
de « l’Identité nationale » et du Codéveloppement.
Depuis 1986, la classe politique,
amalgamant insécurité, clichés racistes et
immigration, semble en demander toujours plus. En substance, elle
proclame « Votez pour nous, nous serons fermes avec les
étrangers, une bonne fois pour toutes, et les problèmes
d’emploi, de logement, de la sécurité sociale, de
terrorisme, d’insécurité seront réglés ».
Revendiquer pendant vingt ans les mêmes recettes
restrictives revient bien, selon le bon sens, à en constater
l’échec. Voire leurs vices. En effet, précarisant
les étrangers, elles favorisent les passeurs, les exploiteurs
de main-d’œuvre clandestine, et autres économies
parallèles.
Elles remettent aussi en cause le
droit de vivre tranquillement en famille, le droit de vivre
honnêtement de son travail. Force est alors de constater un
décalage supplémentaire entre, d’un côté,
les conséquences de ces lois et, de l’autre les valeurs
familiales, laborieuses que sacralise le nouveau président.
Habillés des paillettes du
cérémonial, nourris des nouveaux gourous de la
communication, les lapsus volontaires, les paradoxes assumés
du nouveau pouvoir élyséen à l’égard
des symboles ne sauraient en évacuer ni la force, ni le sens.
Monsieur le Président, vous invoquez l’esprit de la Résistance. Chiche ! Comptez sur nous pour le faire vivre, pour le rappeler, tant aux responsables politiques qu’aux citoyens. C’est, certainement et effectivement, cela la grandeur de la France.
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