• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Parler véritablement de la recherche

Parler véritablement de la recherche

En parlant ces temps-ci de la recherche, les mots réformes, évaluations sont beaucoup entendus. Or, à aucun moment, on ne parle de la recherche. Pourtant, la recherche est importante, intéressante, passionnante. Ne la voir qu’à travers ces mots est très simplificateur.

La recherche est avant tout une manière de faire progresser la connaissance. Elle est une recherche de la vérité. Bien sûr, cette définition est idyllique, c’est malgré tout son but ultime. La recherche scientifique a généralement pour but l’explication de phénomènes, les mathématiques la formalisation, la démonstration de résultats ou de théorèmes, les sciences humaines la compréhension de la société à travers l’histoire, la philosophie, la sociologie. Il existe ainsi de nombreuses disciplines dans la recherche, avec chacune leur spécificité, leurs enjeux et leurs nécessités. Il serait impossible d’appliquer un même réforme à l’ensemble de ses différents domaines.

Lorsque l’on parle de recherche, différents aspects peuvent être discutés : de la recherche scientifique, des lieux de recherche : centre ou université, recherche publique ou privée, des métiers de la recherche (thésards, chercheurs, maîtres de conférence, professeurs d’université), de la production scientifique, de son mode de financement, de son indépendance ou de ses retombées dans la société ? Et l’on pourrait probablement continuer longuement cette liste.

Le chercheur n’a pas pour vocation à se justifier perpétuellement. Son sujet de recherche est complexe et difficile à expliquer avec des mots de tout les jours. Ça n’est pour rien que le chercheur a passé une thèse de doctorat à bac + 8. Ses travaux ne peuvent être maîtrisés aisément. Quand on demande au chercheur : À quoi ces recherches servent-elles ? Pourquoi ? Quelle est l’utilité de votre recherche ?, il est possible de comprendre qu’il ait du mal à répondre ou qu’il puisse se trouver gêné de devoir défendre son utilité. Pour expliquer ses recherches et pour pouvoir les comprendre, il faut un minimum de connaissances sur le sujet traité. Or, avant même que l’on ait cherché à comprendre l’objet de ses recherches, on lui demande des explications non sur la nature de son travail, mais sur ses conséquences, son utilité et même sa rentabilité. Son métier n’est pas de se défendre et s’il commence à expliquer son travail, bien peu le comprendront ou même chercheront à le comprendre.

ll n’est pas possible de demander une rentabilité immédiate à la recherche. La rapidité accompagne la modernité : un monde qui s’accélère, où tout doit aller plus vite, où l’on veut diminuer les temps de production. Seulement cette accélération est une conséquence du progrès technique. Elle n’est pas la condition qui le favorise. On ne peut demander continuellement de produire plus et de plus en plus vite, d’obtenir de plus en plus de résultats, qui imposeraient en même temps de trouver plus. Une course aux résultats, aux brevets fait perdre de vue le résultat visé. Le but ne serait-il que faire mieux que les autres ? Si les américains déposent énormément de brevets, dépêchons nous alors d’en déposer autant. Cette course effrénée nous fait perdre de vue les enjeux réels et les objectifs visés.

Si elle peut se comprendre dans le cadre d’une politique industrielle liée à la concurrence, il est impensable, voire dangereux, de l’appliquer au monde de la recherche. La logique de l’entreprise ne peut s’appliquer au monde de la recherche. Tout travail scientifique qui se veut sérieux a besoin de temps pour l’explication, la justification, la compréhension. Les travaux en entreprise sont souvent liés à des contrats qui doivent être finalisés en un temps défini à l’avance. Il est donc normal de planifier les tâches pour arriver à l’objectif en temps voulu. S’il serait aberrant de ne pas savoir dans combien de temps peut être finalisé un travail d’ingénierie ou un travail technique, il n’en va pas de même pour un travail de recherche. Qui peut dire dans combien de temps telle ou telle recherche aboutira ? Un point important est donc à souligner : le travail technique ou d’ingénierie n’est pas le travail du chercheur, même s’il on entend très régulièrement l’expression recherche et développement qui peut semer la confusion.

Aujourd’hui, une grande partie de la recherche est financée à l’aide de groupe de recherche, où participent les centres de recherche et les industriels. La recherche qui se retrouve avec peu de financement reçoit alors le financement de ces industriels qui leur demandent de résoudre des problèmes importants pour eux. L’argent versée, absolument nécessaire pour le centre de recherche, ne représente pas une somme considérable pour l’entreprise, et, il faut le dire, cette somme est, la plupart du temps, bien moins importante que celle qui serait nécessaire pour payer des ingénieurs ou d’autres industriels pour faire le même travail. Les industriels se retrouvent ainsi dans une situation où ils peuvent sous-traiter des centres de recherche pour effectuer des travaux d’ingénierie. La conséquence est que le chercheur se retrouve à faire un travail d’ingénieur. Il est alors étonnant que les ingénieurs ne défendent pas leur travail qui est donné à d’autre. Le travail de l’ingénieur se trouve par conséquent dévalorisé, alors qu’il se trouve être en réalité important et nécessaire. L’ingénieur est en effet quelqu’un de très pragmatique, disposant d’une grande connaissance de son métier. Ingénieur et chercheur font chacun leur travail qui peut être complémentaire, l’un avec sa vison pratique, l’autre avec sa vison scientifique, qui peut être plus théorique. Ils ne seront donc en aucun cas interchangeables.

L’État est dans son rôle lorsqu’il donne les axes de recherche qui lui semblent prioritaires. En même temps, son rôle est d’assurer que la recherche soit indépendante, en particulier indépendante des entreprises et de leur intérêts commerciaux. Les chercheurs sont les premiers à être conscients des difficultés existant dans la recherche. Cependant, il est difficile pour eux d’accepter des réformes venant de dirigeants qui ne semblent pas comprendre leur domaine. Réformer quelque d’aussi complexe que la recherche demande du temps, de la compréhension et une grande concertation avec les chercheurs.


Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (7 votes)




Réagissez à l'article

3 réactions à cet article    


  • xray 7 mars 2009 16:43

     

    Les découvreurs ont autre chose à penser que de défiler entre l’Opéra et la Madelaine pour réclamer davantages de moyens. 


    Les supermarchés de la bonne conscience
    http://echofrance36.wordpress.com/2008/10/26/les-supermarches-de-la-bonne-conscience/ 

    L’IMPOSTURE DU SIDA
    http://echofrance36.wordpress.com/2008/10/24/le-sida/


     



     


    • Sav 7 mars 2009 17:59

      Pourquoi mettre 2 liens qui référent chacun à des insanités ? Etes-vous à l’origine de ces insanités ? 


    • timiota 8 mars 2009 00:41

      Bonjour

      Pas faux, mais un peu bisounours, votre texte.

      On peut prétendre N fois le contraire ;

      Le travail "appliqué" est source de bonne recherche fondamentale ;

      — les savants de la renaissance et du XVI XVII travaillaient pour les militaires (prévoir les trajectoires des boulets, voir loin : optique)

      — La thermodynamique est poussée par les Watt et successeurs, pour comprendre les moteurs thermiques (Carnot en France ...)
      Dans les années 1900 1940 ca se calme un peu, sauf la radio (progrès de Marconi), la télé.
      Quoique les anglais font les premiers computers (avant ceux des EU) sans le dire (Colossus)

      Puis, beaucoup de savoir sortira par exemple du "radiation lab" du MIT, réuni pour cause de guerre / radar

      La microélectronique (Fairchild, un outsider à l’époque) , qui conduira à poser les questions de minaiturisations, et conduira Feynman à prononcer sa fameuse conférence "there’s plenty of room at the bottom" (pleine d’une belle inspirationd ’ingénieur,d’ailleurs cette conférence), sur le codage jusque sur un atome.

      plus récemment  : Beaucoup d’optoélectronique

      — Les puits quantiques à Bell Labs (Tsang, Esaki) (votre lecteur CD DVD) et bcp d’autres choses (fibres..)


      — les transistors à un électron (labos Philips, pour simplifier beaucoup)


      — en chimie et matériaux, 3M et Corning sont des boites très très innovantes.

      — Bio : c’est plus compliqué de donner un exemple, je l’admets, entre autres parce qu’il y a toujours eu bcp de médecin publics, beaucoup plus que d" ’ingénieurs publics"


      — - l’indépendance des intérêts commerciaux.
      Je ne suis pas convaincu que l’indépendance des intérêts commerciaux soit la véritable et profonde pierre d’achoppement. (Même si c’est dix fois vrai dans certains endroits et à certains moments) : Dans un monde qui aura une culture différente (l’après subprime ?), la vertu du long-termisme peut revenir aux entreprises, si on peut croire en un capitalisme refondé.
      La dimension essentielle de la recherche vivante est plutôt la capacité à communiquer les savoirs et coopérer entre pairs. La vertu du système, (quand la perversion des Editeurs et des facteurs h n’est pas encore trop grande) est que même si vous vous crêpez le chignon avec votre voisin de labo, ou idem entre l’équipe de Lille ou Paris contre celle de Marseille ou de Nantes, etc., la divulgation de vos créations est nénamoins aujourd’hui accessible partout, du Mexique à l’Iran, et aussi bien sûr en Chine.

      Pour que cette vertu soit lourdement contrecarrée, il faut une grosse dose de "sophisme" (art de parler pour ne rien dire, dans une apparence raisonneuse), c’est à dire la capacité de parler de choses non démenties par l’expérience pendant DES ANNEES, car un chercheur, c’est pas comme SEGUELA et sa rolex à 50 ans  : deux épisodes réussis de 3 ou 5 ans dans une carrière de 35 an, c’est déjà bien. Il faut vraiment des discours merdiques pendant 20 ans pour assécher un chercheur. 

      C’est peut être ce que fait la théorie des cordes pour une majorité de chercheurs du domaine (je dois lire Lee Smolyn un jour), ou encore ce que fais l’abus de synchrotron (qui génère bcp de résultats mais peu d’idées d’innovation, il y participe par ses résultats par exemle sur les protéines). 

      Disons que le biais d’un mauvais système , ingénieur ou chercheur, est de maintenir l’individu très en deça de son potentiel. Mais là, on touche à un fondement quasi culturel : comment ma charge de singularité (ma capacité à apporter du nouveau en comprenant ce qu’on fait les autres : "nains sur les épaules des géants", mais au sens des idées) est-elle fécondée, fertile, comment donne-t-elle lieu à "protention" (envie de continuer) et rétention (engrangement du savoir fertile) chez d’autres cerveaux, eux aussi proche de l’overflow quotidiennement ? 

      A cette logique scientifique se rajoute la subtilité de discerner l’utile, et l’utile sur le marché, assez loin de l’utile qu’on s’imagine "en général".

      Enfin, dernier grand biais, j’ai comme vous l’avez vu fait la part belle aux hardware, il y a un risque que ce soit de l’arrière garde et que le futur soit très software (regardez les posts un peu caricaturaux de Max Bruxman sur AV). Mais l’éveil écologique étant ce qu’il est, il reste un peu de place pour interroger dans ses constituants le monde de matière et de vie qui nous entoure.

      Bref, je crains que le débat sur ce point ne concerne pas le grand public d’aujourd’hui. On peut rêver qu’il concerne celui de demain.


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

jerom


Voir ses articles






Les thématiques de l'article


Palmarès