PAS DE PANIQUE
Nous sommes dans un passage délicat. Il faut en convenir. Les difficultés sont considérables. Nul ne peut le nier. La conjoncture défavorable, l’accumulation des obstacles incitent au pessimisme. Je me permets de rappeler à ceux qui l’auraient oublié que l’humanité a déjà essuyé des moments difficiles et qu’elle s’en est toujours relevée.
Le plus célèbre reste le déluge. Noé et les siens ont su rebondir, en ont tiré des bénéfices. Je ne ferai pas le jeu de Dieudonné et n’en dirai pas plus.
Les catastrophes naturelles, artificielles, économiques, guerrières se sont succédées dès que l’eau se fut évaporée sans interruption et à des intervalles suffisamment rapprochés pour que certains eussent survécu à plusieurs.
Me considérant encore comme français, l’Europe étant par trop décevante, je me bornerai aux passages délicats que notre cher, grand et vieux pays a surmontés avec panache pour illustrer mon propos qui, comme vous l’avez deviné, tend à relativiser l’horreur dans laquelle nous nous débattons : je m’excuse auprès de mes lecteurs qui n’ont pas la chance de partager notre francitude, le petit accès de chauvinisme franchouillard sera passager, rassurez-vous, I am sorry, извините, Entschuldigung.
Ils trouveront dans leurs beaux livres d’histoire des avanies du même calibre et peut-être même d’un diamètre supérieur et surmonter avec profit et honneur. Félicitations.
Nous n’insisterons pas sur toutes les avanies que les mérovingiens, les carolingiens et même les capétiens firent subir aux successeurs des gaulois.
La première croisade fut une opération française ordonnée par Urbain II, pape français et prêché par Pierre l’Ermite. Vous vous en souvenez car vous êtes de l’époque où l’Histoire avait droit d'école. Ce fut une hécatombe et la plupart des croisés moururent avant d’atteindre la terre promise. Combien de litres de larmes furent versés dans les donjons et les chaumières mais quelles retombées par la suite. La langue et la civilisation française acquirent dans le proche orient une position privilégiée. Les rapports entre les Infidèles et les Croisés devinrent meilleurs qu’on ne l’eût pu imaginer. Les deux civilisations se pénétrèrent, etc. (pour plus de détails vous vous reporterez à l’Histoire de la France d’André Maurois page 62 dans mon édition).
Donc on a avec la première croisade, mal préparée et très coûteuse l’exemple qu’une aventure menée par des chefs incompétents avec un résultat peu concluant finit par se révéler une bonne affaire.
Je ne parlerai pas des produits dérivés qui n’ont jamais cessé d’être commercialisés : croisés de plomb, Puy du Fou, films, livres, essor touristique de Malte, etc.
La guerre de cent ans ne fut plaisante pour personne, le moral fut très bas pendant presque tout le temps. Les batailles succédaient aux batailles, les défaites aux défaites, les famines aux épidémies de tous germes. La France avait presque cessé d’exister en tant que pays libre. Un régent anglais gouvernait à Paris. Et puis ce fut la résurrection, Jeanne d’Arc, Charles VII, couronné à Rouen, l’anglais bouté, la France relevée, Charles VII le faible devint l’un des plus puissants souverains européens et l’arbitre de l’Europe (dixit André Maurois). Quel success story ! Quel retournement, quelle remontée de l’enfer. Rien de comparable avec ce que vous vivons et ce qui a été possible au 15ème siècle, ne le serait pas au 21 ? Il suffirait d’une bergerette !
Sautons quelques siècles et arrêtons-nous un instant à la chouannerie, la guerre civile. L’Ouest à feu et à sang et voyez-le aujourd’hui : Angers, la Baule, Niort, des villes plantureuses, heureuses, le maire de Nantes régente Paris. Rappelez-vous Waterloo, Sedan, Rethondes, la honte, l’ennemi aux Champs Élysées et puis le retour des beaux jours, de la liberté. Il suffit d’attendre, de résister, de se redresser.
On a l’habitude des minables, des capables leur succèdent toujours, les déficits n’existent que pour être comblés, les trous ont la vocation d’être bouchés, le printemps suit toujours l’hiver, le beau temps le mauvais. Ne croyez pas les pessimistes, ce sont les déçus de toujours, des masochistes. Regardez-vous dans la glace : vous avez fière allure. Vous m’impressionneriez, si j’étais vous. Vous êtes du genre décidé, vous l’avez souvent montré. Vous n’allez pas vous dégonfler, vous démonter, déserter. La panique va trouver à qui parler !
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