Le spirituel aux pieds sur terre avait pris le dessus et le pas sur les infos. Il y avait du monde à Paris. Ils ont « marché pour l'enfant », disent-ils. Pour eux, ils ont connu l'enfer du trottoir.
Qu'il y ait beaucoup de marcheurs, on s'en était douté un peu avec Paulette. On le vérifia très vite au marché. Là on a vraiment compris ce qu'est le manque à gagner pour des commerçants. Les travées étaient vides : les catholiques n'étaient pas là. Ils avaient dû tous prendre des cars pour se rendre dans la capitale. On ne saura jamais si des places distinctes hétéro/homosexuels étaient prévues, mais ceci ne nous regarde pas.
Nous, nous n'y sommes pas allés, à Paris. Il faut dire qu'avec Paulette, nous ne sommes pas très catholiques. Ça n'empêche, on a assez de jugeote pour comprendre les problèmes de société.
Chez nous, où ça sent encore la soupe mais pas le «
bébé dormant », tout se passait bien. Le Jurançon était frais et vif, avec un nez qui offrait une douce caresse de parfums exotiques et d'agrumes, mêlée à de belles notes de fruits pulpeux. Paulette était à température ambiante.
Mais quand on a vu la banderole « Tous nés d'un homme et une femme », notre sang n'a fait qu'un tour.
« - Ah ! Les cons ! » s'est écriée Paulette. « Ils vont droit au schisme ! ».
J'ai vite compris ce qu'elle voulait dire : Jésus, il comptait pour du beurre ?
Elle avait raison de s'étouffer : Jésus-Christ, le fils unique de leur Seigneur était né de la vierge Marie.
Jésus fut un homme conçu par le Saint-Esprit qui lui ne l'était pas. C'était comme ça depuis que le monde est monde et il n'y a pas de raison que ça change, même sous Hollande, qui jusque là avait plutôt tendance à ne pas faire de miracles, sauf pour le Medef qui est assis à sa droite.
On voudrait pas se mêler, mais non, nous ne sommes pas tous nés d'un homme et une femme. On notera en passant que Dieu, qui a crée le monde à partir de rien, n'a crée l'homme et la femme que très tard, quand il s’aperçut que ça lui ferait de la main d’œuvre payée pas cher en créant des inégalités et la flexisécurité. Sapin et Parisot comprennent bien, eux.
Donc, on résuma : un homme et une femme, pas toujours. Marie elle même en atteste, qui s'est posée la question en temps réel quand l'ange vint lui annoncer qu'elle allait se faire avoir : « “
Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais point d’homme ? ” (
Luc 1, 34) ».
Il faut dire à sa décharge que Meetic et Attractive Word n’existaient pas à l'époque pour les célibataires exigeants. Pour le coup, entre Marie et l'Autre, il est écrit que le Verbe s'était fait chair. Ce qui ne voulait pas dire que ça s'était fait avec la bouche. Quoi que.
En tout cas, le Verbe s'est fait Homme. Comme quoi il n'y avait pas loin de la coupe aux lèvres. Il fallait rétablir la Vérité.
C'était parti. A cause de
Monseigneur 23 et de
Frigide Barjot, le débat était lancé avec Paulette. Notre couple adjura les catholiques de continuer de croire et de ne pas mélanger la politique au spirituel, d'autant que l'ange répondit à Marie qui se demandait comment elle se ferait engrosser que “
L’Esprit Saint viendra sur toi ” (
Luc 1, 35). Ou c'était du pipeau ou on touchait déjà à la procréation médicalement assistée. C'était quand même simple à comprendre et il n'y a aucune raison deux mille ans plus tard de tout remettre en cause : il faut que les catholiques appliquent aux autres ce qui est arrivé à leur
Jésus, qui a été conçu en Marie sans relations sexuelles, mais par le don de l’Esprit Saint “car rien n’est impossible à Dieu”. L'incident devrait se clore très vite, sauf à allumer des bûchers.
On s'est dit que c'était dommage de tout casser. Les catholiques devaient à tout prix se souvenir que le premier homme et la première femme avaient été créés bons, quelle que soit leur tendance sexuelle. Et qu'ils avaient été crées libres.
On avançait dans le débat. Mais les signes de fatigue se firent sentir.
« Tu sais que l'homme ne peut vivre sans amour ? » interrogea Paulette, après avoir fumé un joint.
Il ne fallait pas être devin pour comprendre où elle voulait en venir. Pendant que je me déshabillais, alors que je me disais que les catholiques étaient un peu salauds avec Hollande qui le même jour faisait
bombarder des islamistes au Mali, j'entendis vaguement que Paulette me disait «
prends-moi toute, ceci est mon corps livré pour toi ». (
Matthieu 26:26-28 ; Luc 22:14-20 ; Jean 15:8-17 )
Léon