Paypal : trois pas en avant, trois pas en arrière
Paypal, le prestataire de services financiers américain essentiel au fonctionnement du commerce électronique, souhaite contribuer activement à l’éradication des discours de haine et de discrimination envers les personnes ou groupes en raison du sexe, de la race, du genre, de la religion, de l’orientation sexuelle, etc. Le 7 octobre, le Daily Wire informait qu’une nouvelle « politique d’utilisation acceptable » entrerait en vigueur le 3 novembre prochain[1]. Elle donnerait à Paypal un pouvoir discrétionnaire de prélever sur les comptes de ses clients une amende de 2 500 $ par occurrence d’un discours de haine, ou qui ferait la promotion de toute information erronée qui présenterait un risque envers la sécurité ou le bien-être des utilisateurs. Sollicité par Daily Wire, Paypal n’avait pas donné d’éclaircissement sur l’étendue de ces infractions.
Bien sûr, une bronca électronique a suivi, avec des annonces de boycott individuel. En effet, un bouquiniste en ligne qui vendrait un exemplaire d’une œuvre antisémite (non rééditée) de Louis-Ferdinand Céline peut-il s’exposer à un tel risque financier ?
Un embryon d’article avait été rédigé par votre serviteur pour célébrer l’hubris de Paypal, et s’interroger sur de nombreux sujets. Jusqu’à quand les actionnaires, clients, fournisseurs, employés toléreront que ces grandes entreprises se livrent à cette mascarade, cette surenchère de communautarisme délétère ? Pourquoi les pouvoirs régaliens occidentaux laissent-ils une pseudo-justice privée les supplanter, et jusqu’à quand ? La société se porte-t-elle mieux avec des procès médiatiques ou sur les réseaux sociaux, avec emporte-pièce et bouc émissaire facile garantis ? Comment confier des fonds à un prestataire financier[2] qui se réserve le droit arbitraire de vous ponctionner si votre opinion à l’heur de lui déplaire ? Les grandes entreprises ne sont-elles pas, au même titre que les états, des menaces pour la liberté d’opinion et d’expression ? Ces interrogations restent valables.
Le 8 octobre, un porte-parole de Paypal a annoncé que cette publication d’une nouvelle politique d’utilisation acceptable était une erreur, qu’elle était nulle et non avenue[3]. Elle est remplacée sur leur site par une page blanche. La société présente ses excuses. Il semblerait que la probabilité d’un bankrun[4] ait été jugée assez élevée pour que cette volte-face urgente soit indispensable à la survie de l’entreprise. Pour plagier un président hongrois, ils ne se sont pas tiré dans le pied, mais dans le poumon. Et cela m’oblige à revoir ma copie !
Aux questionnements précédents s’en ajoutent d’autres, très sérieux. Comment est-il possible qu’une gouvernance aussi déplorable ait permis la diffusion d’un serment d’allégeance à la doxa woke aussi grotesque et suicidaire ? Comment la direction d’une entreprise multinationale, ultra-sensible comme ses semblables à chaque virgule d’un communiqué de presse, a pu s’aveugler à ce point sur l’acceptation présumée tacite d’un tel coup de force ? Quelle arrogance leur a permis de se croire capable d’imposer leurs nouvelles tables de la loi ?
Deux conclusions.
Le NASDAQ dira sous peu l’ampleur de la correction que doit subir Paypal. Un Wall street walk[5] de grande ampleur pourrait massacrer le cours de son action. Si cela pouvait faire réfléchir les états-majors de ces entreprises sur l’opportunité de se soumettre au wokisme en général …
Apple, un des chantres de la modernité, de la mode et du progrès, a eu pour génial slogan publicitaire en 1997 « Think different », pensez autrement. Aujourd’hui, avec les autres GAMAM[6], les médias et la finance ainsi que les très grandes entreprises occidentales, la promotion d’une certaine conformité avec une doxa ambiante est unanime, ainsi que la censure larvée de toute opinion dissidente. Comment ne pas s’esbaudir devant un tel paradoxe, ou une telle hypocrisie ? Ne convient-il pas de leur rappeler que la pensée, même disruptive ou complexe, ne pourra jamais être confondue avec la conformité ?
[1] https://www.dailywire.com/news/new-paypal-policy-lets-company-pull-2500-from-users-accounts-if-they-promote-misinformation
[2] Rappel : l’étymologie de finance, c’est le latin fides, la confiance
[3] https://www.dailywire.com/news/paypal-reverses-plan-to-fine-users-2500-for-misinformation-after-daily-wire-report
[4] Une panique bancaire causée par la demande massive de retrait des fonds à vue par les créanciers / clients d’une banque
[5] La cession par un investisseur de tous les titres (actions, obligation) émis par une entreprise ou dont ils seraient le sous-jacent (options).
[6] Facebook est devenu Meta
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