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Penser le monde au temps du Coronavirus (2) - A l’alarme, citoyens : la démocratie en danger !

PENSER LE MONDE AU TEMPS DU CORONAVIRUS

(CHRONIQUE 2, LE 20 AVRIL 2020)

A L’ALARME, CITOYENS : LA DEMOCRATIE EN DANGER !

C’est une époque aussi sombre que douloureuse, où les morts se comptent quotidiennement par dizaines de milliers, et souvent dans une effroyable solitude, voire un cruel anonymat, celle de ces tristes jours : l’épuisant et long confinement dû à ce tragique fléau planétaire qu’est le coronavirus ajoute désormais l’ennui le plus terne, guettant parfois jusqu’aux âmes les plus solaires, au désespoir le plus lancinant quant à l’avenir, sinon de l’humanité en elle-même, du moins de nos sociétés dites modernes.

LE PLUS LOURD FARDEAU, C’EST D’EXISTER SANS VIVRE

Maudit printemps, pourtant synonyme de renaissance à la vie en temps normal, que ce mois d’avril, et peut-être même de mai, 2020 ! Jamais, à l’aune de ce mortel ennui, où le poids de l’existence paraît plus pesant que l’air de la vie, le grand Victor Hugo n’a semblé avoir autant raison lorsqu’il affirmait, dans « Les Châtiments » (IV, 9), que « le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre. ». A méditer, plus que jamais !

MORTELLE CIVILISATION

Ainsi, il y a trois semaines déjà, le 26 mars dernier, écrivais-je le premier chapitre, intitulé « Mortelle Civilisation », d’une série de chroniques destinées à tenter en toute humilité, et pour ma modeste part, de « Penser le monde au temps du Coronavirus ». Cette réflexion, qui avait comme point de départ une célèbre phrase – « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » – de Paul Valéry en ce magnifique texte qu’est « La Crise de l’Esprit » (paru, au lendemain de la Première Guerre mondiale, en 1918), fut alors publiée dans quelques-uns des meilleurs médias de l’Europe francophone. En voici, pour mémoire et à toutes fins utiles, le lien électronique : https://plus.lesoir.be/290155/article/2020-03-26/penser-le-monde-au-temps-du-coronavirus

Je ne reviendrai donc pas ici sur son contenu, sinon, à l’obscure lumière (l’oxymore est ici de mise) de ce dramatique temps du Coronavirus précisément, pour répéter, avec l’admirable Valéry toujours, qu’ « une civilisation a la même fragilité qu’une vie ». Notre prétendu « modèle social », et a fortiori ses dérives économiques, funestes conséquences d’un libéralisme mal compris, est manifestement, en ces temps aux rumeurs d’apocalypse, à bout de souffle : un minuscule mais surpuissant virus peut en effet détruire, ou presque, sinon une civilisation tout entière, du moins une partie – la moins glorieuse et la plus criminelle lorsque le spirituel se voit occulté par le matériel – de sa culture !

UN TOTALITARISME QUI NE DIT PAS SON NOM : SECURITE COLLECTIVE OU LIBERTE INDIVIDUELLE ?

C’est ainsi, ajoutais-je littéralement en mon article précédent, que « notre monde contemporain se veut tellement réglé, formaté, normatif, surveillé, réglementé, telle une parfaite machine à fabriquer un totalitarisme qui s’ignore, un fascisme qui ne dit pas son nom, qu’il a fini, au comble d’un paradoxe aussi vertigineux que compréhensible, par se dérégler, se détraquer, sans plus de limites pour le contenir dans la sphère de la raison, du simple bon sens. Conclusion ? Nous en payons aujourd’hui, hélas, le lourd et tragique tribut ! »

D’où, urgente, cette autre question, que ce nouveau confinement, justifié ou non qu’il soit et même nécessaire ou non qu’il soit, ne peut manquer de poser à tout individu épris de liberté, ce bien inextinguible pour toute démocratie correctement entendue : faut-il donner raison à l’autorité scientifique aussi bien qu’à l’avis médical, et par voie de conséquence à nos dirigeants politiques, lorsque, pour garantir la sécurité collective face à cette immense crise sanitaire, elles entendent aliéner, sans plus jamais rien demander au peuple de surcroît, la liberté individuelle ?

A tout un chacun, certes, le droit d’opiner ! Je sais en outre combien, sur cette épineuse mais ô combien vitale question de la santé du monde, le débat est houleux. Comment toutefois, face à ce terrible mais juste dilemme, ne pas prendre en considération, lorsque l’on a dénoncé, comme on l’a fait plus haut, les dangers d’un fascisme qui ne dit pas son nom, ce que vient de déclarer, dans un récent entretien, mon ami André Comte-Sponville, fin connaisseur des plus grands philosophes (et de l’extraordinaire « Ethique » de Spinoza en particulier) : « J’aime mieux attraper le Covid-19 dans un pays libre qu’y échapper dans un Etat totalitaire. » ! 

BIG BROTHER ET LE MEILLEUR DES MONDES : PERIL EN LA DEMEURE DEMOCRATIQUE

La question, sans que je souscrive nécessairement à la réponse donnée par Comte-Sponville (car l’on pourrait tout aussi aisément inverser l’interrogation : faut-il prendre le risque insensé, afin de préserver sa liberté, de contaminer autrui ?), mérite, assurément, d’être posée. D’autant que, sous couvert donc de santé collective et moyennant apparemment le plus noble des alibis moraux, ce sont de plus en plus souvent de simples instances administratives, voire judiciaires ou même policières, qui, sans plus prendre désormais la peine de consulter sur ce point pourtant fondamental le parlement, ni même quel que mandataire politique que ce soit, prennent pour tout le monde, et parfois de manière totalement arbitraire, d’aussi importantes décisions, allant jusqu’à multiplier, pour qui se rendrait « coupable » de tel ou tel « délit » (lequel n’est par ailleurs inscrit en aucune loi constitutionnelle ni code pénal), les amendes et autres sanctions, ou, pis encore, à imposer, de façon tout aussi aléatoire, leurs tarifs. Le coronavirus, prétexte tout trouvé malgré l’importance du danger (que personne, à l’évidence, ne nie ici), a, en l’occurrence, bon dos pour remplir, et le plus souvent au détriment des classes les plus défavorisées, les caisses de l’Etat, si ce n’est celles des villes ou des communes ! 

QUAND LA TYRANNIE S’AVANCE MASQUEE : LE « DISCOURS SUR LA SERVITUDE VOLONTAIRE  »

Quant à vouloir « tracer » (le déjà tristement célèbre « tracking » d’après confinement), via on ne sait quelle obscure application sur smartphone, les potentiels malades, ou simplement susceptibles d’être contaminés ou d’infecter leurs voisins, au flagrant mépris de tout respect de la vie privée comme de toute dignité humaine, voilà une idée à laquelle, en cet inepte, aseptisé « Meilleur des Mondes » à la Aldous Huxley, même les pires dictatures du passé, du communisme au nazisme, n’avaient encore osé songer en leurs délires les plus périlleux ou loufoques. Orwell et son Big Brother du déjà lointain et daté « 1984 » sont là, et sans pour autant verser dans les irrationnels pièges d’une théorie complotiste de mauvais aloi, carrément dépassés, rétrogrades : « old fashioned » et même « has been » ! 

D’où, au vu de cette tyrannie qui s’avance masquée (c’est le cas de le dire aujourd’hui, sans vouloir faire de mauvais jeux de mots mais paraphrasant plutôt ici la fameuse formule de Descartes en une lettre adressée au père Mersenne), ce cri d’alarme ! Allons-nous accepter passivement, sans résister ni broncher, dociles comme les moutons de Panurge du vieux mais sage Rabelais, pareille tentation totalitaire ? Ne pas se révolter un tant soit peu, mais courageusement, de manière adulte et responsable, face à pareil abus de pouvoir serait donner implicitement raison, pour notre plus grand malheur – pire encore que cette terrible menace du coronavirus – à cet autre grand penseur, ami du sceptique mais lucide Montaigne, qu’était Etienne de La Boétie lorsqu’il discourait, pour mieux la condamner du haut de sa libre mais intelligente critique, sur la « servitude volontaire  », cet insidieux mais mortifère poison, à coup sûr, de toute saine démocratie, correctement entendue. 

A l’alarme, citoyens !

DANIEL SALVATORE SCHIFFER*

*Philosophe, auteur, notamment, de « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » et « Philosophie du dandysme – Une esthétique de l’âme et du corps » (publiés tous deux aux Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron (publiés tous deux chez Gallimard – Folio Biographies), « Traité de la mort sublime – L’art de mourir de Socrate à David Bowie (Alma Editeur), « Divin Vinci – Léonard de Vinci, l’Ange incarné » et « Gratia Mundi – Raphaël, la Grâce de l’Art » (publiés tous deux aux Editions Erick Bonnier).


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9 réactions à cet article    


  • François Vesin François Vesin 20 avril 2020 17:31

    « C’est une époque aussi sombre que douloureuse, où les morts

    se comptent quotidiennement par dizaines de milliers  »

    .

    Quelle culture ! A quoi bon évoquer La Boétie sans le citer ?

    « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres »

    Le mal des élites semble synthétisé dans votre texte : « y a plein de morts-

    ça fait peur— y a plus de printemps— y a des méchants partout, on vous

    l’avait bien dit— on va vous traquer, vous spolier, vous asservir, etc. »

    .

    Le mal qui accable nos compatriotes tient pour beaucoup dans ce dévoiement

    des élites  des politiciens qui ne s’identifient plus au peuple, des médecins

    devenus technocrates, des policiers devenus miliciens, des journalistes devenus

    bonimenteurs et surtout menteurs aux ordres, des philosophes type BHL qui en

    appellent au meurtre des élites devenues l’horizon indépassable d’elles-mêmes.

    .

    « L’alarme » !! Nos concitoyens l’ont actionnée maintes fois et à chaque fois

    les élites les ont méprisés. Ils votent contre l’U.E des néolibéraux, on leur

    impose Lisbonne. Ils enfilent un gilet jaune pour donner de la visibilité à

    leur misère, on leur tire dans les yeux...etc. « La tyrannie » ne s’avance pas,

    elle s’est installée et l’heure n’est plus aux commentaires, mais d’aider, selon

    sa conscience, ses compétences et ses moyens et... d’éteindre sa TV.


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 20 avril 2020 17:32

      Bravo Daniel, 

      une voix de plus, après celle de Comte-Sponville, quelques autres, et la mienne qui ne compte guère, n’ayant pas accès au médias de grande diffusion mais ce n’est pas faute d’avoir essayé


      • Emohtaryp Emohtaryp 21 avril 2020 15:01

        @Bernard Dugué

        Vous êtes un peu grillé, Bernard, en 2017 vous essayâtes de nous vendre du macron dans vos colonnes.....C’est vrai ou c’est faux ??? Il suffit juste d’aller consulter vos « archives »....

        Cela démontre d’une part qu’il n’y a guère d’intuition dans vos raisonnements et que vous pensez essentiellement avec votre cerveau gauche en rejetant la gnose...

        La science actuelle est handicapée à cause de cela, il lui manque un cerveau, celui de l’artiste... !

        Conclusion ? L’excés de rationnel conduit directement à l’irrationnel.....

        A question of balance !

        https://www.youtube.com/playlist?list=PL8a8cutYP7fqMLW7WyhtF919aexQRIYDk


      • BA 20 avril 2020 23:27

        Selon Clarivate, le vaccin contre le coronavirus sera prêt dans cinq ans.


        Coronavirus : pourquoi le vaccin pour tous n’est pas pour demain.


        Le délai de 12 à 18 mois évoqué initialement semble trop optimiste au regard du temps de développement et des besoins en capacités de production. Et une chose est certaine : il faudra plus d’un fabricant pour répondre à la demande mondiale.


        Alors qu’on s’interroge sur le pouvoir d’immunisation des anticorps fabriqués par les personnes infectées par le virus, un vaccin « qui ferait mieux que la nature » apparaît de plus en plus comme la protection idéale face à un Sars-CoV2 qui semble avoir plus d’un tour dans son sac. 


        Pour autant, les experts s’affrontent sur l’horizon de temps auquel il pourrait être effectivement disponible. Un délai de 12 à 18 mois a été largement mentionné, mais, la semaine passée, le cabinet d’analyse américain Clarivate estimait pour sa part, en se fondant sur le « Big Data » et l’intelligence artificielle, qu’il faudrait attendre 5 ans pour que les vaccins, aujourd’hui les plus avancés au Etats-Unis, c’est-à-dire ceux des biotechs Moderna (en Phase II) et Inovio (Phase I) soient pleinement autorisés, en supposant naturellement qu’ils franchissent toutes les étapes sans encombre. 


        https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/coronavirus-le-vaccin-pour-tous-nest-pas-pour-demain-1196532


        • sls0 sls0 21 avril 2020 01:56

          Une simple spéculation sur les céréales fait 20 millions de morts. Petit joueur le covid 19.

          Ceux qui crèvent de faim c’est encore plus dans l’anonymat.

          C’est un article occidento-centré, je vis dans un pays en voie de développement, dans l’applatissement de la courbe de l’épidémie ils mettent 10 jours facile à la France avec son budget santé 20 fois plus élevé.

          Pas de confinement* chez moi, une distanciation sociale et des moyens de protection disponibles suffisent.

          Ce que je vois en Europe c’est que le peuple et les forces de l’ordre on leur fait faire ce qu’on veut. Ils sont prêts pour une dictature.

          Des flics chez moi qui feraient chier pour une autorisation de circuler se prendraient le barrio sur le dos.

          Ca sort de dictature ici, les flics passent doucement du statut de cancrelat au statut de saint Bernard comme en Europe. On écrase plus facilement un cancrelat qu’un saint Bernard. En France après un an de matraquage de gilets jaunes et foutre des amendes aux promeneurs solitaires, le statut de cancrelat leur pend au nez. Ils ne risquent pas grand chose, l’homme écrase le cancrelat, pas le morpion.

          Daniel Savatore pleure sur un monde mort dans les années 80, avant le peuple se battait pour avoir plus, après il ne se défendait plus trop quand on lui enlevait.

          *Quand un chef d’urgence dit que le lieu préféré de la transmission c’est la cellule familiale, j’ai des doutes sur l’efficacité du confinement.

          https://www.esanum.fr/today/posts/covid-19-a-chaque-jour-ses-reponses-par-le-pr-adnet-faq-n26-17-avril


          • Zolko Zolko 22 avril 2020 00:15

            @sls0

            Des flics chez moi qui feraient chier pour une autorisation de circuler se prendraient le barrio sur le dos.

             
            oui, triste pays qu’est devenue la France, où les gens acceptent l’enfermement arbitraire sans broncher. Et essayez seulement de douter et vous êtes déjà accusé d’être le prochain Hitler ... alors que ce sont les « libéraux » qui nous privent de liberté. La guerre c’est la paix, la prison c’est la liberté, bientôt la dictature c’est la démocratie.

          • Durand Durand 21 avril 2020 13:49

            @Daniel Salvatore Schiffer

            « Orwell et son Big Brother du déjà lointain et daté « 1984 » sont là, et sans pour autant verser dans les irrationnels pièges d’une théorie complotiste de mauvais aloi, carrément dépassés, rétrogrades : « old fashioned » et même « has been » ! »

            A elle seule, cette pensée nous rapproche... Et puisqu’il est question de Big Broter, permettez que j’illustre vos propos et les miens d’une citation de celui que certains ont appelé notre Orwel national...

            « Les gouvernements prétendent convaincre les peuples qu’ils sont ingouvernables et, pour les rendre gouvernables, ils ne songent qu’à renforcer la puissance, déjà énorme, de l’État. Mais ce n’est pas l’État qu’ils renforcent, c’est l’administration, qui deviendra bientôt cette équipe de techniciens tout-puissants, incontrôlables, irresponsables, instrument nécessaire de la prochaine, de la très prochaine dictature universelle. Il n’est d’État que dans un pays libre. Un pays libre est un pays qui compte une certaine proportion d’hommes libres. C’est ce nombre plus ou moins grand d’hommes libres qui fait la légitimité, la dignité, l’honneur de l’État. [...] L’État n’est rien s’il n’a son compte d’hommes libres capables non seulement de le servir, mais de le penser, de se faire de lui une idée juste et claire, acceptable par tous. Il faut donc refaire des hommes libres. Français, ô Français, si vous saviez ce que le monde attend de vous ! »

            Georges Bernano, Français, si vous saviez... (recueil d’articles parus entre 1945 et 1948)

            ..


            • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 21 avril 2020 14:00

              @Durand

              Voui ...Bernanos une honnêteté intellectuelle dans les écrits et les actes.


            • abymes 21 avril 2020 20:53

              ...........et la burka, j’ai le droit de la porter ?

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