Penser le « wokisme » (1) : Définition, homogénéité du mouvement
Cette nouvelle série d'articles propose un bilan de la pensée postmoderne, dans ses théories générales comme dans son processus historique et social. Ce premier article fait une présentation générale du problème : désignation sous le mot "wokisme", conflits actuels, théorie d'origine, diversité des courants, hypothèses de réflexion.
Le contexte
Dans le contexte d’union de la gauche, certains acteurs ont su désigner le problème essentiel des luttes à venir : la réconciliation de cette gauche avec les classes populaires, notamment rurales, et globalement avec ceux que l’on appelle « les fâchés pas fachos ». Devons-nous le rappeler, cette catégorie constitue la grande majorité de la classe prolétaire, la masse productive du pays, et devrait donc être composée des sujets de la lutte politique progressiste, révolutionnaire ou réformiste radicale, au lieu de quoi elle tend vers la pensée réactionnaire. Le Monde Renversé dans lequel nous vivons désormais est parvenu à son point ultime où la classe opprimée a plus de rancœur envers ceux qui, dans la classe oppressante, veulent les émanciper qu’envers ceux qui veulent les oppresser plus encore.
La gauche bourgeoise intellectuelle et politique (GBIP) semble se réveiller un peu. L’union des partis s’est à peu près faite pour le scrutin des législatives, et les intellectuels, qui saluent l’union, se sont remis à soutenir des candidats. Soit. Mais si l’électorat populaire est parti à l’extrême droite, l’intérêt stratégique de l’union ne saute pas aux yeux. Techniquement, si un électeur ne vote ni pour les roses, ni pour les rouges, mais pour les noirs, on ne voit pas en quoi l’union des roses et des rouges lui ferait changer d’avis. Bien sûr, une alliance autour de propositions radicales peut le séduire, mais l’effet reste indirect, et le travail qu’on se propose d’effectuer s’annonce fort difficile puisqu’il s’agit de retourner clairement une opinion.
Lorsque nous nous réconcilions avec quelqu’un, nous prenons normalement le parti d’accepter une part des reproches de l’autre, et de nous excuser, en échange de quoi, nous nous attendons à le voir faire de même. On négocie, on fait des compromis, pour parler dans un langage un peu libéral. Mais la gauche intellectuelle et politique ne semble pas du tout encline à traiter de ce que les classes populaires lui reprochent.
Et que lui reprochent-elles ? Le problème est qu’il n’y a pas d’étude neutre sur le sujet. Les chercheurs de gauche auront tendance à dire que la rupture entre prolétaires et bourgeois de gauche a commencé avec la trahison de Mitterrand, et a augmenté avec les privatisations orchestrées par Jospin. Les instituts d’observation politique, généralement de droite, diront, pour leur part, que la gauche n’a pas pris en compte le fait que les prolétaires étaient préoccupés par l’immigration.
Tout cela n’est que très partiellement recevable. Les trahisons du PS sont des évènements importants, mais ils n’expliquent pas la persistance de la haine contre la gauche bourgeoise. L’immigration reste très limitée en France, et ce n’est toujours qu’à la faveur d’hystéries journalistiques que les prolétaires finissent par s’en inquiéter. C’est en fait prendre les membres des classes populaires pour des abrutis sans notion du temps ni des responsabilités que de croire qu’elles détestent la gauche pour les vieilles trahisons de Mitterrand et de Jospin, ou pour une immigration dont cette gauche n’est pas responsable.
Les raisons de la haine des bourgeois, et tout particulièrement des bourgeois de gauche, s’expliquent pourtant très facilement. Un axiome de notre temps dit : pour un prolétaire, le bourgeois de gauche est un bobo. Une fois ceci établi, tout est dit : les classes populaires reprochent à la gauche de gentrifier leurs quartiers et leurs campagnes, et de vouloir leur imposer son idéologie « wokiste ». Ce n’est pas plus compliqué que cela, et tout le monde le sait.
Nous n’allons pas traiter ici de la gentrification en général, mais plutôt de ce qui, aujourd’hui, est considéré comme l’idéologie des bobos, c’est-à-dire le « wokisme »1, dont nous pouvons déjà dire que ce n’est que le nom « internet » du post-modernisme. Beaucoup de critiques ont été faites sur ce sujet, tant à droite qu’à gauche2, mais elles sont souvent trop émotives, trop impliquées et trop bourgeoises pour saisir les enjeux réels de la question. Elles rejettent souvent en bloc, se perçoivent comme des résistances, et oublient la dynamique historique à l’œuvre, à tel point qu’elles se discréditent souvent elles-mêmes. Nous préférons ancrer notre réflexion critique dans l’Histoire et considérer que le post-modernisme est le caractère d’une phase historique, que, en tant que telle, il se diffuse dans la société, et que la position de rejet est inutile pour elle-même puisqu’elle participe du phénomène. Sans forcément reprendre son contenu, nous nous accordons avec Jean-François Lyotard sur l’idée que « post-moderne » est le nom d’une condition historique.
L’ambition générale de notre réflexion est de proposer des pistes de déconstruction de la pensée post-moderne, en vue d’un dépassement. À son point ultime, nous voulons déconstruire la déconstruction. Nous proposons une série de textes sur des thématiques propres à sa théorie, au phénomène et à son rejet.
Le présent et premier article porte sur la question de l’unité de la tendance woke.
D’usage, la gauche refuse l’unité que le mot lui confère. Elle le qualifie de « fourre-tout », et dénonce l’ambition perfide de mettre des « choses très différentes dans le même panier », de créer un ennemi facile à repérer et à dénigrer3. L’argument est risible et se mord la queue, puisqu’il mobilise l’idée qu’il y a une volonté de dénigrer, sans être précis sur ceux qui portent cette volonté, et dont on se doute qu’ils ne ne sont finalement que des « réactionnaires », des gens d’« extrême droite », termes non moins fourres-tout… Surtout, cet argument méconnaît, ou plutôt fait semblant de méconnaître les idées et l’Histoire de la pensée postmoderne, sous le prétexte que c’est un ennemi qui la désigne. Dans la mesure où ce sont souvent des intellectuels agréés4, la plupart du temps post-modernes, qui énoncent cet argument, on ne peut que s’étonner. Il était tout à fait possible de retourner complètement la situation en se réappropriant le mot, et en démontrant comment, de toutes façons, tout le monde est woke d’une manière ou d’une autre. Pourquoi la GBIP ne l’a-t-elle pas fait ? Là est certainement le vrai mystère.
Définitions
Unité d’un mouvement
Commençons par nous interroger d’une façon générale sur ce que signifie l’unité d’un mouvement de pensée. Notre question générale peut se formuler ainsi : « Le "wokisme" est-il un mouvement au même titre que l’on dit cela du libéralisme, du communisme, du royalisme, ou même du surréalisme, de l’impressionnisme, etc. ? », et il faut donc se demander ce qui fait, ce qui caractérise l’unité de ces mouvements admis par tous, pour voir si nous pouvons la retrouver dans le « wokisme ».
Mais, de fait, le libéralisme n’est pas un mouvement complètement uni. Ricardo diffère de Smith, Keynes a fait sa carrière en s’opposant à Say, et Hayek en s’opposant à Keynes. On connaît les guerres internes des socialistes, des communistes, des anarchistes, et même des trotskistes entre eux. Aussi, beaucoup d’artistes, comme Raymond Queneau, ont fait comme les surréalistes en refusant toujours d’y être associés. L’unité que l’on confère, de commun accord, aux mouvements de pensée officiels, n’est donc déjà pas très solide. Et on peut pousser plus loin l’argument en disant qu’au sein de l’œuvre d’une autrice ou d’un auteur, il y a souvent plusieurs périodes. On parle de « premier » et de « deuxième » Wittgenstein5.
Si la pensée d’un auteur n’est pas complètement unie, alors on voit mal comment un ensemble d’auteurs pourraient produire une pensée unie. L’unité réelle d’une pensée, et a fortiori d’un mouvement, n’existe pas. Elle est toujours une construction. Celle de l’auteur qui construit sa pensée en essayant d’être cohérent, celle du lecteur qui veut retrouver l’unité du texte de l’auteur, mais aussi celle de l’Historien des idées, qui construit des corpus, et analyse les similitudes, les différences et les influences entre les auteurs. Dire qu’il existe un mouvement de pensée, en désignant un ensemble d’auteurs comme faisant partie de ce mouvement, c’est construire leur unité en mettant en lumière leurs ressemblances fondamentales. On ouvre un débat, on désigne des caractéristiques communes, et on propose à un auditoire de reconnaître cette unité. Dans le cadre de la critique du mot « woke », il est frappant que la GBIP ne questionne jamais les points communs mis en avant par la partie adverse, et rejette toujours dogmatiquement cette unité.
On a tendance à vouloir définir l’unité d’un mouvement de pensée par sa cohérence : le libéralisme est globalement cohérent. Mais, comme nous le voyons, nous nous sentons obligés d’y ajouter un modérateur pour qu’il ne soit pas pris dans son sens le plus plein. C’est pourquoi nous lui préférerons la sémantique, moins stricte, de l’homogénéité : nous pouvons parler de libéralisme parce qu’il y a une homogénéité entre les pensées de Smith, de Ricardo, de Say, de Keynes, de Hayek, et que cette homogénéité exclut la pensée de Marx ou de Proudhon. Une pensée tend vers la cohérence sans pour autant l’atteindre : il peut toujours y avoir, ça ou là, quelques grumeaux.
Dès lors, nous devons nous interroger sur l’homogénéité du « wokisme ».
Définitions
Et si nous proposons de mettre un signe d’équivalence entre « wokisme » et post-modernisme, il nous faut maintenant les définir. Commençons par le second.
Il me semble que la façon la plus neutre de définir ce qui unit les auteurs post-modernes est de dire qu’ils produisent tous des critiques radicales du modernisme, entendu comme les pensées de l’Humanisme, de la Renaissance, des Lumières surtout, et de la science établie à partir du dix-neuvième siècle. Globalement, ils questionnent les valeurs des Lumières comme le progressisme, le rationalisme, ou encore et surtout l’universalisme. Il faut ajouter qu’ils se distinguent de penseurs comme Nietzsche, Schopenhauer, ou même de Heidegger en ce qu’ils ne font plus de métaphysique6, de théorie abstraite positive, de système philosophique, et qu’ils fondent leurs réflexions principalement sur des études empiriques. Nous exposerons le corpus du post-modernisme dans un autre texte, mais pour citer aux lectrices et lecteurs profanes quelques auteurs classiques du mouvement, nous pouvons donner Michel Foucault, Jacques Derrida pour la France, Thomas Kuhn, Edward Saïd, Judith Butler pour les États-Unis, ainsi que tout le mouvement des Studies : Sciences Studies, Cultural Studies, Post-Colonial Studies, Gender Studies…
Maintenant reprenons brièvement, pour la énième fois, la chronologie du mot « woke ».
Selon Mame-Fatou Niang7, le terme a émergé au dix-neuvième siècle dans l’argot afro-american (connu sous le nom novlangue de African-american Vernacular English, ou AAV) pour désigner un état de conscience social qui n'est pas dupe de ce qui est dit et prétendu officiellement. Il ne vise pas simplement le racisme, mais toutes les formes d’injustices sociales. Simplement, dans la mesure où le terme évolue dans le milieu afro-américain, au tournant de l’abolition de l’esclavage, cette question y est prépondérante. Au cours des années soixante du vingtième siècle, le terme connaît un renouveau dans le mouvement des Civil Rights aux États-Unis – notamment au tournant de l’abolition de la ségrégation. Est woke celui qui cesse de croire aux discours qui cherchent à l’enfumer, et par cela d’être une victime pour devenir résistant. Le terme a décliné au cours des années quatre-vingt, puis quatre-vingt-dix, c’est-à-dire avec la révolution conservatrice et les années Clinton. Il est réapparu à l’occasion du mouvement Occupy Wall Street, en 2011, pour sortir en partie du contexte du racisme et désigner une conscience politique incrédule plus générale. Et il a repris un élan en 2014 dans le sillage de Black Lives Matter. On note que les premières utilisations péjoratives du mot apparaissent vers 2018 pour dénoncer le « woke washing », c’est-à-dire la publicité qui utilise les codes anti-racistes pour vendre des marchandises. Mais sa médiatisation massive, et son internationalisation, est surtout due à l’utilisation haineuse du mot par les réactionnaires, en particulier sur internet. L’image de l’éveil de conscience n’étant pas très loin de celle, plus ridicule, du « mec qui débarque », il est aisé de comprendre pourquoi ce mot, à la sonorité amusante, a pu avoir autant de succès chez les fachos, et supplanter finalement l’« islamo-gauchiste », dont l’apparence scientifique a dû lasser. Avec les médias bolloréens, le terme s’est diffusé sur les plateaux télévisés, pour finir jusque dans la bouche de certains ministres. Une large part de la gauche, elle-même désignée péjorativement par ce mot, conteste son utilisation, mais certains l’utilisent pour aller plus vite dans leurs discours, et il est possible que, à terme, la connotation négative s’atténue vivement.
À son émergence, le mot ne désigne pas le post-modernisme, mais un état de conscience sociale, notamment sur le phénomène du racisme. Pour autant, nous pouvons déjà y percevoir un point commun essentiel. Ce qui fait la critique politique à l’origine du post-modernisme, que l’on trouve déjà chez Hannah Arendt, c’est l’idée que les structures de justice proposées, puis mises en place par les Lumières, ont un manque d’efficacité, voire d’utilité très problématique : les grandes valeurs de liberté, d’union entre les peuples, d’humain universel n’ont empêché ni la colonisation, ni les massacres génocidaires ; au contraire, elles ont participé de leurs justifications. En soulignant le décalage entre les avancées juridiques positives et la dure réalité du racisme au quotidien, le mot « woke » désigne le même problème structurel que le post-modernisme, même s’il s'est d'abord diffusé dans un milieu où la discrimination raciale était prépondérante.
En revanche, nous devons dire que, dans la récupération du mot par les énervés d’internet, ce qui est désigné n’est pas tant la conscience d’un décalage entre l’officiel et la réalité que le fait de participer à des luttes anti-discriminations de toutes sortes, d’être engagé pour la défense de toutes les minorités – et accessoirement d’être vegan. En fait, si les énervés d’internet accordaient à « woke » la définition qui insiste sur la conscience, ils se définiraient eux-mêmes comme tels, puisque les réactionnaires, par définition, refusent les discours officiels. Le fait est absurde, mais bien réel : l’image de la pilule rouge qui éveille la conscience à la réalité, venue du célèbre film Matrix, est actuellement une marotte très répandue chez les anti-wokistes, dans ce que l’on appelle la « fachosphère »8. Nous traiterons, dans un autre article, du fait que la critique des Lumières s’est d’abord développée dans la pensée réactionnaire, qu’elle en constitue même la base, et que, par conséquent, la pensée réactionnaire a en partie influencé le post-modernisme. Mais pour l’heure, comprenons que c’est probablement à cause de cela, c’est-à-dire par crainte d’être comparée à l’extrême droite, que la gauche ne souligne jamais que les « fachos » sont eux-mêmes des « wokes » à leur manière.
Il y a, bien sûr, une différence fondamentale, et la définition que les réactionnaires donnent du mot « wokiste » le montre bien. Alors que les nationalistes « s’éveillent », prennent conscience du phénomène de l’immigration, et des « mensonges du gouvernement » à cet égard, la gauche prend conscience du phénomène du racisme, c’est-à-dire de l’opposé. Tout de même. Pour autant, les wokes ne rejetteront pas vraiment la définition proposée par les réactionnaires – dans sa version neutre. Il est indéniable que les postmodernes actuels se distinguent principalement par leur engagement dans les luttes contre les discriminations et pour l’émancipation des minorités.
Globalement, on voit bien que woke et post-moderne désignent la même chose, mais selon des points de vue différents. « Woke » se réfère davantage à des pratiques : celles des Civil Rights, celles d’OWS, mais aussi celles des luttes contre les discriminations ; « postmoderne » à du théorique : les autrices et auteurs, la critique radicale des Institutions, la saisie du mouvement historique. Aussi, le mouvement des Civil Rights, nous le verrons, est encore, pour bonne part, une lutte moderniste, c’est-à-dire fondée sur les valeurs des Lumières, notamment l’universalisme des Droits de l’Homme : ce qui est demandé c’est l’application véritable du modernisme. Mais, dans le cadre d’une prise de conscience de l’inadéquation entre l’officiel et le réel, il montre aussi finalement la naissance de la pratique post-moderne.
Oppositions internes
Du point de vue formel des définitions, post-moderne et « wokisme » désignent des idées et des pratiques précises, en excluent d’autres, et ne peuvent être qualifiés de « fourre-tout » sans une bonne dose de mauvaise foi. Il est vrai que des personnes qui s’inscrivent dans ce courant ne s’entendent pas, et sont parfois opposés sur des points. Mais c’est aussi le cas des libéraux, des marxistes, des fascistes…
Le vrai débat : recherche de l’alliance
En fait, la question de l’unité de la pensée post-moderne est un vrai débat universitaire. Et, aujourd’hui, l’essentiel de ce débat vise bien moins à prouver que ces auteurs sont incompatibles que, au contraire, de les articuler, de réconcilier ce qui semble fâché. Les recherches post-modernes actuelles ont en fait bien plus le défaut de mélanger tous les auteurs post-modernes dans des sortes de foutoirs écœurants que celui de les distinguer à outrance9. Et va-z-y que Foucault, c’est de la déconstruction, que Derrida refuse les universaux, que Bourdieu est philosophe, que Arendt c’est déjà postmoderne… À la fin des années soixante-dix, l’exportation des post-modernes français sur le sol américain, sous le célèbre nom de French Theory, avait déjà donné lieu à des simplifications excessives, et des libertés d’interprétations qui permettaient de nombreux amalgames. À partir des années deux-mille, l’importation en France des Studies, elles-mêmes inspirées par l’approximative French Theory, a, depuis lors, nettement augmenté les mélanges hétéroclites les plus incohérents.
Il y a là finalement un comble de mauvaise foi à refuser l’unité d’un postmodernisme qui fait déjà lui-même bien trop comme s’il était unifié. Les réelles questions que posent la comparaison des textes post-modernes portent sur la possibilité d’associer des méthodes, des disciplines, et donc sur la construction même de l’unité. Les penseurs post-modernes se reconnaissent comme unis dans la critique radicale du rationalisme des Lumières, et de l’universalisme des institutions modernes. Ils diffèrent surtout sur leurs approches de la critique, sur l’intensité de celle-ci, et sur les domaines empiriques sur lesquels ils la développent. Et leur projet porte sur une alliance, une forme d’unité, même s’ils ont un blocage superstitieux infantile sur ce mot.
Car comme au sein de n’importe quel mouvement, il existe des querelles, dont certaines peuvent être parfois très violentes. Si on s’intéresse à la part « woke » du post-modernisme, ses pratiques et ses luttes de terrain, les oppositions apparaissent de façon très évidente. Assez étrangement, pour ne pas dire par lâcheté, les post-modernes n’abordent jamais de front ces querelles lorsqu’ils cherchent à prouver qu’il n’y a pas d’unité dans le « wokisme ». Ils savent pourtant qu’elles existent.
Entre féminisme et antiracisme
Il y a, surtout, un point, un nœud particulièrement fécond en conflit. Le sujet est assez tabou, mais il faut le briser : poussées de façon indépendante, la lutte pour la défense des minorités culturelles et celle pour les minorités de genre finissent par entrer en opposition. Ce conflit existe depuis longtemps. Aux États-Unis, dans le contexte des luttes pour les droits civils, le womanism prôné par les Black Panthers n’a, semble-t-il, pas empêché les problèmes de sexisme puisque c’est en partie en scission des BP que le black feminism a émergé. Récemment, la fausse affaire de la jeune homosexuelle Mila, insultée en série après des propos malheureux sur l’Islam, a donné l’impression d’une incompatibilité des deux discours. Sur le terrain, il semble que luttes des genres et luttes des races connaissent des points de désaccord irréductibles.
Il existe d’autres oppositions mais aucune n’est aussi parlante que celle-ci, aucune ne met autant dans l’embarras les défenseurs de la pensée postmoderne. Il existe aussi d’autres conflits que l’on définit à tort comme interne au « wokisme », comme celle de l’affaire J.K. Rawlings : ce sont généralement des oppositions internes au mouvement raciste ou au mouvement féministe, mais qui confrontent alors clairement modernisme, celui de Rawlings par exemple, et post-modernisme.
Entrons dans le détail du problème.
Déjà, remarquons que nos exemples sont différents. Dans le premier cas, l’émergence du black feminism résulte d’un problème de sexisme interne aux BP, le diagnostic étant alors que le sexisme de la société se reproduit jusque dans les milieux éveillés. Il n’y a en fait pas d’opposition véritable : les black feminists ne rejettent pas les BP, mais les complètent, dans le constat qu’à elles seules, les BP ne parviennent pas à lutter efficacement contre le sexisme et la misogynie. Dans le second cas, de l’affaire Mila, l’opposition est plus réelle. Nous mettons de côté l’origine concrète du conflit, qui est simplement une dispute d’adolescents sans intérêt, pour nous concentrer sur ce qui a été médiatisé. On l’a bien compris, la droite, du PS à Cnews, s’est emparée de l’évènement dans le but de déstabiliser les défenseurs du post-modernisme. Il faut bien saisir leur lecture du conflit : deux identités incompatibles s’opposent, l’identité de genre lesbien et l’identité culturelle musulmane. Si, pour le coup, l’histoire réelle de l’affaire Mila n’est pas vraiment l’illustration de cette confrontation conceptuelle, elle existe réellement, et elle s’exprime très souvent dans les milieux de la bourgeoisie radicale de gauche, comme dans les milieux populaires.
De fait, l’islam, comme toutes les religions monothéistes, condamne l’homosexualité. Tout ce qui n’est pas dans la norme hétéro-binaire est a priori incompatible avec l’identité culturelle musulmane. Si l’Islam a historiquement été bien plus tolérante sur le sujet que le christianisme10, le développement moderne et notamment la chute du christianisme a inversé le rapport, et les musulmans apparaissent aujourd’hui généralement plus intolérants sur le sujet que les français aux racines chrétiennes.
Mais la confrontation conceptuelle est aussi due à l’histoire particulière des luttes des genres. L’hétéronorme binaire a été historiquement scellée dans les Institutions et dans les mœurs par le prisme des monothéismes, à partir de la fin de l’Antiquité. Et d’une façon plus générale encore, les monothéismes, et le christianisme bien plus que les autres, ont développé une répression particulière sur toutes les pratiques sexuelles ne menant pas à la reproduction. La lutte pour la liberté sexuelle n’a pu s’opérer qu’en confrontation avec la religion, et aujourd’hui encore, c’est principalement dans un esprit chrétien qu’elle est limitée, discriminée.
Pour la plupart des musulmans français, l’existence de couples homosexuels ne choque pas, tant que leur « expression » demeure dans le cercle privé. Ce qui fait les positions conflictuelles, ce sont généralement l’expression publique et la revendication, que ce soit par le prisme d’un personnage de télévision, d’une série, ou d’une vidéo sur internet. Dans la mesure où la lutte des genres passe nécessairement par des prises de position publique, et notamment contre l’hétéronorme binaire des religions, les querelles sont inévitables.
Il est vrai qu’une majorité des intellectuelles féministes post-modernes françaises sont aujourd’hui tout à fait tolérantes envers une religion qu’elles estiment discriminée sur notre territoire, et ne cherchant pas conflit, ne se font pas trop emmerder en retour. Mais il existe aussi des courants, plus minoritaires qui, dans le projet d’éveiller la société à la plus grande tolérance, font la publicité relativement ouverte de toutes les pratiques sexuelles, invitent toute personne à tout essayer, ou du moins à ne fermer la porte à aucune possibilité, et considèrent discriminant la notion de préférence sexuelle11. Cette position, assez radicale, crée des tensions, même au sein des activistes postmodernes, dont certain.e.s y voient une incitation indirecte à l’agression, ou du moins une forme de pression sociale. Ce qui est certain, c’est qu’elle entre en contradiction forte avec l’identité culturelle musulmane, mais aussi toutes les cultures qui ne sont pas en phase avec la libération sexuelle.
Le phénomène n’est pas très connu en France, mais il existe aussi, en retour, des critiques postmodernes qui défendent des logiques et des pratiques religieuses antérieures à la modernité. Si, à l’origine, ce mouvement est né de la critique de l’orientalisme, son état actuel m’amène à trouver plus juste de le désigner comme une critique de la sécularisation. Nous pouvons le définir selon sa méthodologie générale qui consiste à comparer Histoire de la modernité en Occident et en Orient, à trouver ce qui, en Orient, a bloqué les procédures de libération qui ont pourtant fonctionné en Occident, et à défendre certaines pratiques religieuses anciennes, comme des résistances inédites à l’hégémonie occidentale. Les Subalterne Studies indiennes sont pionnières du mouvement, l’anthropologue américain Talal Asad sa grande figure actuelle. Un des buts de cette pensée est de démontrer la légitimité de pratiques qui échappent aux conceptions rationalistes de la pensée occidentales : en ayant retranché strictement le religieux à la sphère limitée de l’intime, la philosophie moderne s’est rendue aveugle à certaines bonnes alternatives. À terme, la critique de la sécularisation amène à concevoir les démocraties occidentales comme de simples sociétés chrétiennes modernisées (illusoirement émancipées du religieux) qui bloquent, par leur domination, l’émancipation des sociétés orientales. C’est dans ce registre, et uniquement ce registre, que nous pouvons parler d’une forme d’islamo-gauchisme : l’idée qu’un Islam modernisé ou « déconstruit de son influence occidentale » par une pensée de gauche post-moderne peut, mieux que le christianisme modernisé, répondre aux défis de l’avenir. Ce courant est très minoritaire dans le mouvement postmoderne, et il est pratiquement inexistant en France12.
À l’heure actuelle, le sujet qui crée le plus de débat est celui du droit au blasphème et par extension, la liberté d’expression. Assez curieusement, je n’ai pas trouvé (après, je n'ai pas cherché pendant des années), au sein de ce mouvement, de texte sérieux remettant en cause l’émancipation sexuelle occidentale. Et même : Talal Asad a travaillé avec Judith Butler qui est pourtant une figure absolue du féminisme postmoderne. Mais parallèlement, on ne trouve aucun texte partant d’une critique de la sécularisation dans un cadre musulman qui propose une sérieuse libération du statut des femmes ou des « minorités sexuelles ». Comme nous l’avons dit, il y a une certaine précaution entre les intellectuels des deux tendances. Pour autant, on imagine assez facilement ce que la critique de la sécularisation pourrait développer sur le féminisme, et la question de la liberté sexuelle : l’influence historique du capitalisme, l’individualisme qui le caractérise, la question de la consommation sexuelle, ses conséquences sur la natalité… De toutes façons, si la liberté d’expression est remise en cause alors que l’émancipation sexuelle passe par une expression publique, le conflit semble inévitable.
À titre anecdotique, je voulais souligner que la modélisation la plus développée d’une société islamo-gauchiste est certainement la société fictive des Fremen dans le classique de Franck Herbert Dune.
La question de l’Histoire
Développées indépendamment, les différentes branche de la critique post-moderne finissent par s’opposer. Tel que nous l’avons exposé, il y a deux types d’oppositions. La première est critique : le féminisme postmoderne critique la culture musulmane, l’analyse postmoderne de la sécularisation critique le féminisme. Si la critique de la sécularisation n’aboutit pas nécessairement à une société Fremen, une société qui a assimilé une critique de l’émancipation sexuelle ne semble pas faire place aux luttes LGBTQ+. De même, une société poly-émancipée sexuellement n’a pas de place pour les familles musulmanes. Dans leurs utopies, les deux s’excluent.
Simplement, c’est le sort de tout mouvement de pensée et de ses réalisations. Keynes et Hayek sont très opposés, et ne peuvent cohabiter, mais ils sortent tous deux de l’école de John Locke, de David Hume, et d’Adam Smith. Maurras et De la Roque ne sont d’accord sur rien, mais ils sont tous deux des racistes autoritaires. Le projet d’émancipation sexuelle, comme celui du « post-orientalisme » trouvent leurs racines dans les Studies, et la French Theory.
Et puis, la pensée post-moderne, nous l’avons dit, est aujourd’hui dans le débat de la construction de son unité. Historiquement, il semble qu’elle arrive à terme de sa phase de déconstruction. La notion d’intersectionnalité, conçue à la fin des années quatre-vingt, a été, en quelque sorte, un appel précurseur à l’alliance, avant même que les conflits ne deviennent trop importants, même si cela ne les a pas empêché. Les précautions que prennent les tendances les unes à l’égard des autres sont significatives. Devant l’évidence des querelles de terrain, les milieux intellectuels commencent s’intéresser à la question de la construction dans le multiple, dans le divers.
Pour la réponse elle-même, la question de l’homogénéité du postmodernisme, du « wokisme », n’est pas très pertinente : il existe un mouvement que l’on peut appeler ainsi, il a été reconnu par tous, et les grandes questions qui l’animent actuellement concernent la coordination de ses différentes sections. Nous l’avions pratiquement réglée dès notre introduction, mais nous nous sommes efforcés de broder. Elle nous a surtout permis de définir dans le détail ce que nous appelons par « wokisme », et de construire un concept du postmoderne que nous allons utiliser dans nos prochains textes.
Aussi, nous avons vu comment, dans ses développements théoriques poussés, les diverses luttes postmodernes finissent par entrer en contradiction. Comme beaucoup de critiques, on peut y voir l’impasse du post-modernisme. En restant à l’écart de la construction de normes universelles qui permettraient d’accorder les différentes minorités, les postmodernes ne peuvent régler les conflits inter-minorités, et finissent bloqués, mis en position de pat. Cette analyse, assez radicale, est difficile à contredire, mais elle garde une vision limitée du postmodernisme, qu’elle traite comme s’il ne s’agissait que d’une joute de salon, d’une mode qui aurait fini par trouver son terme dans une contradiction de règles.
Si, au contraire, nous pensons que la pensée postmoderne est associée à des transformations historiques, et qu’il faut la prendre comme un mouvement interne à l’Histoire de l’Occident voire du monde, alors nous pouvons penser que ce que nous appelons postmodernisme n’est que le début d’une tendance plus large, début marqué par ses offensives critiques radicales. En un sens, l’Histoire du modernisme a débuté par une phase semblable : l’Humanisme. Dans son Éloge de la Folie, Erasme opère comme une déconstruction en règle de la notion de Raison. Son ami Thomas More propose, pour sa part, certes, une Utopie, mais ce serait un affront de dire que cet homme, qui a fini décapité en place publique, n’était pas critique de son temps. Leur ennemi intellectuel, Martin Luther, a dépouillé la pensée chrétienne de toutes ses fioritures et cancel le Pape lui-même. Machiavel a déconstruit la pensée politique de sa bien-pensance scolastique de l’époque. Rabelais, enfin, a déboulonné tout ce qu’il pouvait de la société médiévale. Aussi, la querelle fondamentale entre Erasme et Luther, sur la question du libre-arbitre, peut se comparer à celle de la lutte des genres et de la lutte des races : elle était insoluble, elle a été dépassée. Après l’Humanisme, l’Occident est entré progressivement dans la période des Lumières, et du développement des Sciences empiriques pour construire de nouveaux paradigmes, et de nouvelles tendances idéologiques. Nous pouvons croire que la critique postmoderne ne peut se perpétuer à l’infini, et qu’elle a un terme historique comparable à celui de l’Humanisme, et une suite, comparable aux Lumières.
Le mot « wokisme » et la stratégie du déni
Que dire maintenant des faux innocents qui s’obstinent à affirmer qu’il n’y a pas d’unité et que « wokisme » est un terme fourre-tout ? Si le mot « wokisme » est péjoratif, il constitue une attaque, et le refus du mot est une défense. Comme nous l’avons évoqué, il s’agit en fait de la situation exactement inverse de celle qui voit la gauche désigner une « extrême droite » qui s’empresse alors de refuser ce terme, péjoratif… Le postmodernisme tend à déconstruire tous les mots qui se présentent, mais dans ce cas, nous pouvons dire qu’il s’agit d’abord d’un réflexe d’intellectuel entré en dispute. C’est en outre un procédé rhétorique courant, que l’on pourrait croire sorti du célèbre Art d’avoir toujours raison, qui permet de noyer l’adversaire sous des questionnements qui le forcent à définir tout, prouver tout, à tel point qu’il ne peut plus avancer, et que même, il recule. Or, Schopenhauer dit lui-même que nous utilisons la plupart des procédés rhétoriques de dispute qu’il expose dans son livre sans même nous en rendre compte, intuitivement, lorsque nous nous sentons intellectuellement menacé13.
La bataille contre le mot « wokisme » est déjà perdue. Pour l’endiguer, il aurait fallu s’intéresser à sa croissance dans les forums suprémacistes aux États-Unis dès son émergence. Pour le coup, les postmodernes ont un train de retard, et organisent leur défense dans la panique. Alors que, depuis ses débuts, le postmodernisme avait relativement échappé aux attaques des réactionnaires, il a été pris de court dans les dernières années.
Et il est vrai que l’offensive anti-woke est très brutale. Nous devons notamment parler de ce Modus Operandi, particulièrement lâche et violent, qui consiste à citer des auteurs quasiment inconnus, ou des internautes modestes, pour les démolir sur des plateaux télévisés de grande écoute. La pensée postmoderne étant diffusée principalement par des canaux universitaires ou alternatifs, beaucoup de gens l’ont en fait découverte par ses détracteurs dans les médias Mainstream, et donc de façon extrêmement négative. Dans ces conditions, la stratégie qui consiste à refuser le mot « wokisme » sonne tout à fait comme une solution choisie rapidement avec un espoir très incertain qu’elle ait un effet. Et puisque les postmodernes sont en retard sur l’état de la guerre, ils ne se rendent pas compte que cette stratégie ne sert plus à rien.
Aussi, il faut comprendre pourquoi « wokisme » a marché au point de supplanter le lourd « islamo-gauchisme ». Déjà, il est difficile de dire qu’une militante LGBTQ+ est islamo-gauchiste, notamment quand on veut montrer que les musulmans sont homophobes. Il fallait un mot qui permette d’englober plus de choses. Le mot « woke », bien qu’ayant surtout évolué dans des milieux anti-racistes, est très vague, et peut désigner les autres domaines de la pensée post-moderne. Et puis, étant un emprunt, il est plus difficile à rejeter. Enfin, le suffixe -isme, qui sied aux doctrines et aux idéologies, porte une charge ironique plus intéressante que dans « islamo-gauchisme », parce que cela donne un composition nouvelle, et surtout, parce qu’il y a une vulgarité qui rend la cible vulgaire. « Wokisme », c’est rigolo à prononcer, et ça évoque plein d’images moqueuses.
Mais surtout, porter l’état « woke » à la forme idéologique est un pied de nez particulier, que les énervés qui ont lancé la mode (US, sous la forme « wokeism »14) n’ont d’ailleurs probablement pas perçu. En effet, si la pensée postmoderne se caractérise par sa critique des universalismes, et donc des idéologies cachées dans les sciences, c’est comme une gifle qu’elle prend à se voir érigée en idéologie. Et par nature, la pensée postmoderne ne peut pas vraiment critiquer cela sans se renier : si des gens des classes populaires, qui n’ont pas fait d’études, perçoivent déjà qu’il y a une communauté de pensée, c’est qu’il y a bien une construction idéologique.
Le mot tape juste, plus juste encore que ceux qui l’ont lancé ne pouvaient l’imaginer. C’est un coup de poing « qui vaut mieux que les beaux discours », et ceux qui le refusent sont en fait sous le choc, balbutient des choses insensées, et ne peuvent qu’avoir des réflexes intellectuels maladroits. Mais face à cette charge, il y a une bien meilleure défense, dont on entend parler à l’école, lorsque, en étudiant un tout petit peu l’Histoire de la Peinture, on apprend que le mot « impressionniste » était à l’origine péjoratif, utilisé par des journalistes un peu réacs. Plutôt que de dire bêtement que le « wokisme », ça n’existe pas, il est bien plus judicieux de se réapproprier le mot, comme le font déjà pas mal de gens. Il pourrait même être audacieux de renverser la chose jusqu’au bout en se faisant appeler les « Vrais Wokistes », comme ces Levellers qui n’avaient pas peur des mots et qui sont devenus, pendant la Révolution Anglaise de 1640, les True Levellers.
Illustration : montage personnel calqué à partir d'une photo de Rocco Sifredi publiée dans DHnet.be, crédits Reporters
1 J’essaierai de le garder entre guillemets pour atténuer la connotation négative qui lui est encore actuellement associée, mais je tiens à ce mot, et j’expliquerai pourquoi au fur et à mesure.
2 Un exemple type (avec toutes les erreurs classiques) de critique de gauche est La Gauche contre les Lumières ? Stéphanie Rosa. Nous en parlerons plus en détail dans un prochain article.
3 Occurrences significatives dans les médias : Clément Viktorovitch et sa chronique France Info du 19/10/21, François Cusset et l’interview donnée à Là-bas si j’y suis le 02/05/22, et bien sûr, La Panique Woke, d’Alex Mahoudeau. (mai 22, Textuel).
4 En fait, à part les journalistes de gauche qui répètent ce que disent ces intellectuels, je n’ai trouvé que des intellectuels pour nier la réalité du « wokisme ». Obama lui-même la reconnaissait en 2019 déjà : https://www.marianne.net/monde/barack-obama-appelle-les-progressistes-cesser-d-etre-sectaires-et-manicheens.
5 J’aime à dire qu’ils se multiplient au fur et à mesure de sa vie, à tel point que dans les derniers textes (tous apocryphes bien sûr), il y a plusieurs Wittgenstein par phrases. Je rappelle qu’il n’a publié qu’un seul livre de son vivant.
6 À l’exception notable de Gilles Deleuze. Nous avons prévu d’en parler plus en détail dans un autre texte.
7 Universalisme, Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang, Broché 2022.
8 La Youtubeuse zemmourienne la plus active est une certaine Estelle RedPill…
9 Exemple de mélange insensé : Carol Adams, pour Oxkord Union, https://www.youtube.com/watch?v=UiRx62VGl8Q
10 Je donne toujours pour exemple la biographie du grand Casanova et l’épisode de Constantinople, au cours duquel l’auteur se trouve à épier des filles pendant qu’un homme s’occupe de lui. Il parle alors de la tolérance musulmane, et compare avec la répression excessive de la masturbation et des amitiés masculines dans les écoles italiennes.(G. Casanova, Histoire de ma vie, Tome 1, Nrf).
11 Pour une idée du débat, voir la polémique autour de l’expression Cotton Ceiling (Plafond de coton), inventée par l’activiste trans et pronographe Drew Devault. Pour une présentation : http://www.sjwiki.org/wiki/Cotton_ceiling. Pour une critique virulente : https://www.bbc.com/news/uk-england-57853385.
12 Si la critique de la sécularisation connaît un certain succès en Orient, et quelques adeptes dans le monde anglais, l’athéisme est trop ancré dans la logique française pour qu’elle s’y développe vraiment. On verra l’avenir.
13 L’Art d’avoir toujours raison, A. Schopenhauer ; Introduction, 2, La dialectique éristique, et stratagème 29, dispo en wikisource. Il est surprenant que le stratagème ne soit pas ad hoc chez Schopenhauer. Mais c’est, en quelque sorte, la combinaison entre l’exagération (stratagème 23), la diversion (29) et la pression (34).
14 La plus vieille occurrence Mainstream que j’ai trouvée est un article de septembre 2021, dans BusinessDay, « Why Wokeism could end up rulling the world ? » Je doute fort qu’il ait fait le mot. Il faudrait faire une recherche sur les forums nationalistes américains. Wokeness, que l’on traduirait par « wokité » est utilisée en 2018 par le roi Bobo autoproclamé David Brooks (« The problem with Wokeness », dans NY Times).
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