Pentagone et ambassade de Kaboul : le grand retour des deux tristes clowns
Annoncée avant hier et confirmée hier, Obama vient de commettre la pire bourde qu'il puisse faire en nommant le général Petraeus à la tête de la CIA : j'ai déjà relevé ici à plusieurs reprises l'incompétence et les magouilles à répétition de ce chef des armées US, surnommé le "Teflon general", sur lequel tout glisse, et sa façon déprimante d'avoir couvert ou enterré les abus commis sous ses ordres et par parfois des proches de son entourage militaire. Obama a-t-il ainsi cherché à le contrôler, en le nommant à un poste qui rendrait une candidature envisagée à la Maison Blanche périlleuse ? Quitte à la reporter en 2016 ? A-t-il perçu que sa nomination rendrait les relations difficiles avec le Pakistan, qui n'apprécie pas du tout Pretraeus et encore moins l'usage des drones de la CIA, ou les intusions des agents "très spéciaux" envoyés sur place, comme Headley ou Davis ? Petraeus, qui en 2009 donnait deux semaines encore au Pakistan pour ne pas sombrer taliban ? ?? Un Petraeus qui n'a cessé d'évoquer également les liens du Pakistan avec les talibans alors que les gens de la CIA tels que Raymond Davis, et avant lui Michael Headley faisaient de même ???
Parmi les choses louches à reprocher au "Teflon general" , rappelons-le, le trafic d'armes en Irak, les contrats douteux passés pour la livraison de chars à l'armée irakienne avec une firme dont le dirigeant est un républicain mêlé à de sombres histoires, et la mort d'un mercenaire qui avait apporté le contrat juteux des chars à remettre à neuf juste avant de se faire descendre en quittant le bureau de ce même Petraeus (lire ici et là les deux articles à son propos).
Or il n'y a pas que ce général qui vient d'être choisi par Obama, il y a aussi un nouvel ambassadeur, l'actuel ne plaisant pas à sa majesté Karzaï (et à ses gros trafics !). Le second nommé n'est pas un inconnu : c'est Ryan Crocker... ancien ambassadeur en Irak, tiens, quel hasard. Or ces deux-là avaient participé en 2007 à un événement mémorable, où Obama en personne était venu pour leur poser des questions... et les accuser plus ou moins d'être les suppôts d'une politique signée G.W.Bush. Obama l'a-t-il déjà oublié ? La déposition est toujours en ligne, et elle vaut son pesant de mouron : jamais vu pareils deux empotés, incapables d'expliquer clairement leur propre mission et la vision qu'ils avaient de celle-ci.
C'est le Washington Post qui en avait offert le streaming des auditions du général Petraeus, commandant en chef des troupes en Irak et de Ryan Crocker, le nouvel ambassadeur en Irak. Un cas spécial que ce Crocker, qui parle le Persan, et qui avait remis en 2002 à Colin Powell un document de 6 pages recommandant de ne pas y aller, en Irak, car il en avait pressenti les conséquences à long terme : "la note de six pages, intitulée "The Perfect Storm", déclarait que le renversement de Saddam Hussein pourrait déclencher les tensions sectaires et ethniques longtemps refoulées, que la minorité sunnite ne renoncerait pas facilement au pouvoir, et que de puissants voisins tels que l'Iran, la Syrie et l'Arabie saoudite essaierait d'influer sur les événements. Il avertissait également que les États-Unis devraient recommencer à partir de zéro la construction d'un système politique et économique parce que les infrastructures de l'Irak était en lambeaux". On ne pouvait être plus clair : Crocker était clairement CONTRE une intervention en Irak ! Et craignait ce qu'on craint toujours dans le pays !
Passionnante audition donc, en septembre 2007, au beau milieu du conflit, où tous les ténors de la politique américaine , dont les trois candidats à la présidence du moment (Obama, McCain et Clinton) avaient participé, des débats étant menés de main de maître par le sénateur Carl Levin, un démocrate du Michigan à l’humour acerbe, qui n’avait pas été tendre d’emblée avec les deux intervenants. L’homme était celui qu’il fallait pour présider : sénateur depuis des années, il est aussi le responsable de l' "Armed Service Comittee", un organe bipartisan qui a voix consultative sur les problèmes de défense du pays. L’une de ces dernières auditions avait été lors de la nomination de l’amiral Mullen à la tête du "Joint Chief of Staff", organisme qui chapeaute les trois armes représentées aux USA. Lors de cet audition il avait été accompagné de l’amiral John Warner, un républicain, qui, aujourd’hui avait abandonné son habit d’amiral pour le costume de simple sénateur. Et lui aussi n’a pas été tendre avec Petraeus. Levin avait déjà laissé entendre son opinion à plusieurs reprises déjà : En novembre 2006, le sénateur Levin avait déjà laissé entendre de sérieux doutes sur la conduite de la guerre en irak lors d’une autre audition :
"Eh bien, il ya des risques de toute façon. Il y a un grand risque en continuant sur cette voie et ce dont nous sommes sur, c'est que c'est un risque avéré. On s'enfonce de plus en plus profondément dans ce marécage, de plus en plus dans une guerre civile totale, de sorte que l'on voit très visiblement ce que ce statut fabrique, qui nous emmène tout droit dans une guerre civile, si nous ne changeons cette dynamique en Irak ". Déjà en 2006, en effet, Le Sénateur Levin, au Québec, avait été plus cinglant avec l' administration Bush "notre propre administration a maintenant appris à faire face à une réalité qu'elle a jusqu'ici ignorée, le président vient de dire il ya quelques semaines que nous devons absolument gagner en Irak, qui n'est pas la réalité du tout ! Le vice-président a dit la même chose à il y a quelques semaines comme quoi "nous devrions foncer "à pleine vapeur" dans notre politique en Irak,".
" Ce n'est pas être réaliste. Notre politique ne fonctionne pas en Irak. Nous devons changer de cap. Ce martèlement au sujet de "maintenir le cap, maintenir le cap"... et si vous suggérez quelque chose d'autre, vous êtes aussitôt taxé d'antipatriotisme, or cela ne fonctionne plus ainsi, parce que le peuple américain a massivement rejeté ce genre d'approche comme quoi "on doit suivre la droite ligne"... Fin 2009, lors d'un dîner, Levin n'hésitera pas à affirmer que "ce sont les tortures (sous entendu à Guantanamo) qui ont fabriqué des terroristes".
Le NewYorkTimes a mis depuis à disposition l’intégralité des débats, y compris des documents PDF tels que les schémas montrés lors de l’audition ou la déposition de Petraeus. Il va sans dire que je vous recommande vivement d’y jeter un œil, ne serait-ce que pour faire la part de l’information et celle de la propagande de l’équipe dirigeante, en place alors aux USA. Il faut noter tout d’abord l’apparence des débats, calmes et posés, qui n’auront été bouleversés qu’à deux reprises par des cris de personnes vite expulsées, dont une qui criait en particulier "bring them’ home", au moment même ou le général Petraeus demandait un prolongement du maintien des troupes américaines en Irak. Il faut noter aussi l’attitude des deux principaux concernés : un général Petraeus, qui devait d’après certains révéler ce jour une implication fort directe de l’Iran dans l’attaque de la zone verte des derniers jours et qui ne l’avait pas fait, pour des raisons que l’on ignore, faute de preuves suffisantes surtout je pense. Un général voûté, tête baissée et mal à l’aise à lire son texte préparé à l’avance et encore plus mal à l’aise pour répondre aux questions qui fusaient parfois. Mais un général qui s’en sortait mieux en définitive que la pitoyable prestation de l’ambassadeur Ryan Crocker, à la limite de la timidité et surtout encore plus mal à l’aise quand il s’agissait d’aborder le problème politique en Irak, Petraeus se chargeant des questions militaires seules.
Car l’audition avait révélé une chose alarmante : quand bien même des progrès avaient été faits, question sécurité, ce que n’a pas eu de mal a démontrer Petraeus qui ne comptabilisait que le nombre d’explosions ou le nombre de blessés, qui pourtant se révélait terrible en ce mois de mars, rien n’était réglé au niveau politique (et rien n'est toujours réglé sur place !) L’audition avait aussi fait le siège d’un Maliki, jugé par l’ensemble des présents l’homme à changer si on voulait obtenir quelque chose en Irak. Croker, qui avait énoncé que le pays partirait en lambeaux, ne moufte pas un seul mot à l'énoncé des charges, dont celles de.. Barrack Obama contre lui, demandant "davantage de pression sur les irakiens" ! Aujourd'hui encore, Maliki est toujours en place, et n'a toujours pas d'assemblée renouvelée.
Très vite, donc dès la présentation des débats, Levin avait enfoncé le clou : "le gouvernement irakien et ses buraucrates ont gaspillé l’argent qu’on leur a donné. La reconstuction a dévoré plus du 1/4 des budgets pour ne rien faire. Le contribuable américain paye aujourd’hui encore les salaires des employés irakiens. Le gouvernement irakien attend l’argent et ne fait rien. L’armée irakienne est incapable. Le général Odierno l’a dit ; "on est au bord d’une gerre civile et il n’y aura pas de solution militaire à ce conflit." Un ange passe dans la salle, à savoir lequel va répondre le premier. Petraeus se lance alors, demandant illico un prolongement de l’arrêt du retrait des troupes pendant une "période". On le sait, c’est un document secret qui circulait déjà avant cette réunion qui l’affirmait déjà, et que Levin connaissait à coup sûr : les américains avaient décidé de rester, préparant ainsi le terrain pour McCain et mettant des bâtons dans les roues à Obama qui désirait au plus vite partir du bourbier. Levin l’avait bien compris, qui reprenait à la volée le mot de pause ou de respiration ("breath") dans le retrait employé par Petraeus. En insistant pour avoir une date : 45 jours ? Trois mois ? "Combien de temps cela va-il vous prendre, général ?" demandait Levin. Petraeus, du haut de ses 5 étoiles annonçait un timide "45 jours", pour savoir ce qu’il faudra faire après, une fois que la situation sera "stabilisée"... C’est à ce moment qu’un individu se fait expulser en criant "bring them’ home"....
On le voit, Petraeus était alors dans l’embarras, mais pas autant que Crocker, qui allait subir les foudres de plusieurs sénateurs, à propos de la réponse de la police irakienne aux événements du moment de Bagdad et surtout de ceux de Bassorrah. C’est tout d’abord Levin qui demandait si le gouvernement Irakien de Maliki avait bien agi "que la réponse aux attaques de Bassorah a-t-elle bien été planifiée par Maliki ?" ce qu’un Petraeus plus que gêné aux entournures était obligé de renvoyer en louvoyant, ce qui avait eu le ton d’agacer Levin qui alors lui avait demandé d’être plus "direct" ("je voudrais une réponse franche, s'il vous plaît"). Cette fameuse réponse qui finissait par tomber : "ça aurait pu être mieux préparé" avouait Petraeus, qui faisait retomber l’échec du week-end sur une "police jeune" qui "n’avait pas eu le temps de s’entraîner"... etc. Une refrain connu, qui laissait tout le monde dubitatif et surtout un Crocker fort embarrassé devant un sénateur Kennedy (décédé depuis) qui lui demandait si Maliki s’était ou non rendu à Bassorah évaluer l’ennemi, ce que Crocker avait été obligé de reconnaître comme ne l’ayant pas fait.
L’ancien amiral Wagner lui sera encore plus tranchant, en posant à trois reprises de suite à Petraeus la question "est ce que tout ces sacrifices ont amené une Amérique plus sûre ?" ("plus de sécurité dans nos maisons ?").... ce à quoi Pretaeus dira un timide "oui", plutôt tendu, mais sans convaincre du tout son auditoire. Wagner, un républicain dissociant ouvertement cette fois l’intervention en Irak du terrorisme lié au WTC, alors que pour l'équipe Bush les deux avaient toujours été liés (Saddam Hussein ayant eu des liens, pour l'équipe de Bush, avec Ben Laden, ce qui s'est avéré faux... Une première chez un républicain !.
Wagner demandant dans la foulée quels progrès réels ont été faits à propos de la réconciliation nationale, perche reprise à la volée par Lieberman un sénateur indépendant connu pour son franc parler, qui demandait quels progrès politiques réels avaient été faits en Irak depuis les derniers six mois ; "aucun" répondra-t-il lui-même, laissant Crocker tenter d’expliquer que "ça avance, des progrès ont été faits" sans savoir en mettre un seul précisément en évidence autre que de contenir les bases d’Al-Quaeda dans le nord du pays.
Un autre sénateur, Ben Nelson, lui, intervenant à la suite en affirmant qu’un général 4 étoiles avait dit récemment que la "violence décroît mais la politique est en lambeaux" à savoir que l’échec politique était patent, et qu’il ne pouvait y avoir de solution militaire à ce conflit. " tout est un véritable merdier là-bas et le gouvernement est inadéquat" dit-il., en insistant sur la "corruption du régime en place". Un bloggueur, dans le chat qui accompagne les débats résumant très bien la situation : "en ce moment, le général Petraeus explique que la situation politique en Irak est plus éclatée et que le gouvernement irakien est plus dysfonctionnel" .. suivront ensuite d’autres intervenants dont les ténors McCain, Hillary et Obama dont on pourra lire dès le lendemain les interventions dans la presse américaine. Des textes révélant qu'aucun d’entre eux n’avait en fait de solution véritable au bourbier irakien ! Crocker restera même bouche bée après une longue question posée par... Barack Obama en personne, qui lui demandait "que faire maintenant avec cette guerre démarrée sur des mensonges "... Et quand Obama leur demandera quel délai il faut fixer pour quitter l’Irak... pas de réponse, sinon des "euh".. "hem".. et "eh bien"... ceux de Crocker, surtout. Et c'est celui-là qui est censé depuis hier être ambassadeur désormais auprès de la famille Karzaï et de ses trafics avérés ?
Trois années plus tard ; il ressort de ces débats désormais historiques une immense impression de malaise, ni Petraeus ni Crocker n’ayant réussi à convaincre l’auditoire et du bien fondé de l’intervention irakienne et de celle du besoin de rester sur place, qui se résumait alors à un "nous sommes bien obligés, car si l’on part maintenant c’est le chaos", un des intervenants évoquant même le mot de "génocide". Les Etats-unis étaient enferrés dans une situation où il n’y avait aucune autre porte de sortie que de rester le temps qu’il fallait pour que le pays redevienne gouvernable : l’équipe dirigeante, choisie par les américains, qui n’avait toujours pas effectivement voulu d’une réconciliation générale était plus que jamais sur la sellette. Son départ seul pouvait alors garantir le fonctionnement du pays : en faisant davantage monter au pouvoir la frange religieuse, seule capable de maintenir les esprits désormais dans le pays. La seule a décider de la paix ou de la reprise des combats quand bon lui semble.
Ce jour là, on avait en fait assisté à une chose incroyable : les américains eux-même avaient reconnu noir sur blanc que la meilleure façon de s’en sortir était d’accorder le pouvoir à ceux qu’ils étaient censés combattre. On ne le dira jamais assez "la guerre au terrorisme" si chère à l’équipe Bush aura surtout servi à mettre en place des fondamentalistes religieux dangereux. Les Etat-Unis songeant à devoir installer un Khomeiny bis en Irak pour avoir la paix, voilà ce qu'il ressortait des débats lénifiants où Petraeus et Crocker s'étaient montrés tels qu'ils étaient : passifs, à savoir sans avis véritable, penchant toujours dans le sens du pouvoir pour en hériter des bribes : Crocker, en tapant sur la table aurait pu éviter l'invasion en Irak : son rapport de 2002 recommandait de ne pas y aller, car la partition chiites-sunnites-kurdes était au bout de l'intervention qui aurait fait éclater le pays, selon lui. Une partition présentée pendant la campagne électorale par Joe Biden, devenu vice-président !
Au lieu de cela, on avait pu voir deux timorés, sans aucune envergure, préoccupés davantage par leurs médailles ou leurs titres que par l'état d'avancée du pays. A les entendre, on s'apercevait vite qu'ils n'en n'avaient rien à cirer, des Irakiens. Et pas davantage vraiment de leur pays. Ils étaient venu montrer tout l’inverse de ce qu’ils étaient censés venus faire au départ, à savoir expliquer une volonté américaine de faire un Etat qui fonctionne, avec un pays remis en ordre de marche économique. Leur évidente passivité à tous deux, leur manque patent d'engagement pour une cause, est ce qu'annonçait déjà l'impasse politique actuelle du pays, quatre années après ou presque. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de ce conflit qui s’est éternisé de démontrer que l’impréparation des conséquences politiques qui a prévalu à l’invasion du pays a aujourd’hui encore des conséquences terribles qui vont à l’encontre même des raisons données à l’intervention. Si Powell avait suivi les recommandations de 2002 d’un des deux intervenants principaux de cette réunion, on n’en serait pas arrivés là. L’homme le plus mal à l’aise c’était donc bien lui : on lui demandait ce jour-là de soutenir une action qu’il a lui-même le premier dénoncée. Il en ressort une terrible conclusion : l’Irak risquant fort de verser dans le fondamentalisme islamique, et c’est un échec patent pour l’ensemble des démocraties dans le monde. L’histoire retiendra sans doute cette terrible erreur géostratégique des USA, qui a bouleversé les données dans une région du monde où la contagion peut toujours être crainte, malgé les récents événements démocratiques survenus. Comme elle retiendra la tête des deux marionnettes venues vendre un produit périmé auquel ils ne croyaient déjà plus...
En nommant Petraeus à la tête de la CIA, Obama retombe donc dans le côté pervers d'un George Bush ayant nommé pour la première fois un militaire à la tête de l'agence (ce qui avait fait des vagues des deux côtés de l'Assemblée US !). L'homme, Michael Hayden, était tout sauf brillant, mais il avait un avantage certain : il n'était que le bras armé de G.W.Bush pour les coups tordus à réaliser. L'assassinat ciblé, interdit depuis la commission Church de 1976, recommencée pourtant avec les drones survolant le Pakistan. Un procédé qu'Obama a accentué depuis son arrivée. Des tueries à partir de drones armés par les mercenaires de Blackwater et non les gens de l'Army ou de l'USAF. Histoire de s'en laver les mains si besoin en était. Ou des types envoyés auprès des groupes fondamentalistes pour les manipuler ou leur apporter une assistance technique, tel Michael Headley ou Raymond Davis. Des espions véritables, dont certains régulièrement annoncés comme "découverts" (et tués) par les talibans. Trois, en décembre 2008, quatre en mars 2011 (ces derniers sans doute des "locaux" pris pour des espions...). Petraeus, l'homme des coups tordus de trafics d'armes au sein de l'armée US nommé à la tête de la grande spécialiste des trafics en tous genre : avouez qu'à défaut d'un bon choix, c'est au moins l'homme de la question.
Pour Crocker, c'est autre chose : brillant diplomate, mais timoré, il ne doit sa nomination qu'aux heurts répétés entre l'administration et l'ancien ambassadeur le Lt. Gen. Karl W. Eikenberry, qui était militaire en Afghanistan juste avant la déposition de son supérieur, Petraeus sur l'Irak. Une nomination jugée "bizarre" déjà par le Sénat US : encore un militaire bombardé représentant civil ! L'homme avait pourtant très bien cerné son interlocuteur sur place en affirmant que Karzaï était un « personnage faible, paranoïaque, complexé, étranger aux connaissances fondamentales sur la direction d’un état et que son heure de gloire au sein de la communauté internationale est passée“. Un Karzaï jugé "inadéquat" par l'ambassadeur : “Karzaï continue à éviter de prendre la responsabilité de toutes ses fonctions souveraines, que ce soit la défense, le gouvernement ou le développement. Lui et une bonne partie de son entourage ne veulent pas que les Américains partent et ils ne sont que trop contents de nous voir investir davantage” rapportait l’ambassadeur en novembre. "Plutôt que risquer de "s'enfoncer plus profondément" par l'envoi de troupes, les Etats-Unis feraient mieux de financer quelques projets civils phares, donnant un plus grand accès à l'électricité, l'eau et l'éducation, et qui pourraient avoir un meilleur effet sur la stabilité à long terme" plaidait-il. Au passage, l'ambassadeur rappelait qu'une demande de son ambassade pour une augmentation de 2,5 milliards de dollars de son budget de développement avait été rejetée l'été précédent..."
L'éviction d'Eikenberry ressemble surtout à une vengeance tardive du général McCrystal : selon ses supporters, ce sont les "mauvais renseignements" donnés par Eikenberry sur l'état d'avancée de la formation de l'armée afghane qui avaient induit McCrystal en erreur. Or il faut bien avouer que c'était faux : Eikenberry avait fait remarquer que l'équipe de Karzaï faisait tout pour garder les USA le plus longemps possible sur place, alors que le but d'Obama était comme en Irak de se retirer du bourbier... On sait qu'Obama avait viré McCrystal après une interview dans Rolling Stone ou ce dernier avait sévèrement critiqué son président, et ses atermoiements. Selon tous les observateurs, c'est bien Eikenberry qui avait raison, expliquant que la lutte contre une insurrection (COIN) est affaire de patience et ne se règle pas en actes délibérés façon les sbires de la Brigade TF 373 ou des "Stykers" de McCrystal, cet escadron de tueurs déguisés en soldats, recevant selon Der Spiegel leurs ordres directement du Pentagone. Mais du temps, c'est ce que n'a plus aujourd'hui Obama : sorti d'un conflit en laissant derrière lui un pays corrompu sans direction véritable, il s'apprête à faire de même au plus vite dans le second. Histoire de présenter à son électorat deux promesses tenues, à la place d'avoir fermé Guantanamo (qu'il ne peut pas fermer à moins d'avouer que ceux qui y sont encore sont comme les autres qui ont été relâchés, ou presque, ou qu'ils ont avoué sous la torture, ce qui ne tiendra pas deux minutes dans un tribunal civil !).
Crocker va donc aller à Kaboul et remettre très vite un rapport lénifiant comme quoi Karzaï est un gars bien, que son frère n'est pas à la tête du plus grand trafic de drogue du pays, et que les USA peuvent donc plier bagage comme prévu juste avant les élections, qu'Obama est déjà certain de remporter, étant donné l'adversité en face : d'avoir été un jour l'amant de Carla Bruni ne semble pas un gage nécessairement d'intelligence pour devenir président des USA...
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