Péril sur la Couronne d’Espagne ?
Les enjeux dynastiques des maisons royales européennes n'intéressent habituellement que quelques initiés et amateurs de monarchies.
Ce qui se trame sous nos yeux en Italie et en Espagne est plus préoccupant. C'est en effet la première fois que les prétentions contestables d'une branche familiale à un trône aboli peuvent avoir des répercussions puissantes sur la vie d'un Etat, en l'occurence l'Espagne.
On le sait, depuis la Seconde guerre mondiale, la possible restauration monarchique en France et en Italie, mais aussi d'une certaine façon en Espagne, ont aiguisé bien des appétits. S'est alors développé (surtout en France) un mouvement dit "légitimiste" qui s'est spécialisé dans la manipulation de toutes les généalogies royales afin de déterminer le "vrai" successeur de la couronne de France puis d'Italie.
Les traités, actes, pactes, testaments, renonciations, ont perdu à leurs yeux toute valeur. Le raisonnement s'est alors basé uniquement sur la généalogie, c'est-à-dire sur le droit du sang.
Tant que ces divertissements amusaient quelques légitimistes isolés, ce n'était pas bien grave.
Un nouvel événement est toutefois survenu le 21 mai dernier, lorsque Don Pedro di Borbon, dont le père était infant d'Espagne, a réagi très vivement à la décision prise par son cousin italien, et chef de la Maison royale de Bourbon-Siciles, de renoncer à loi semi-salique et d'imposer la primogéniture absolue. Alors que depuis plus de cinquante ans, la branche espagnole se disait la branche aînée de la famille de Bourbon-Siciles, Don Pedro a publiquement et violemment exprimé son désaccord sur cette décision, sa nullité et son rang de chef de famille.
Le problème, c'est qu'avec cette déclaration, Don Pedro ébranle la monarchie espagnole. En effet, le roi Juan Carlos n'a dû son accession au trône qu'à la renonciation successive de deux de ses grands-oncles. Si l'on suit jusqu'au bout le raisonnement de Don Pedro, Juan Carlos n'est donc pas le vrai roi d'Espagne et son fils Philippe VI n'est pas légitime sur le trône d'Espagne !
Nous vivons donc ce moment où les querelles dynastiques sortent des pages People pour rejoindre les pages Politique, ce moment aussi où des positions extrêmement conservatrices voire franchement rétrogrades, mais finalement fictives, viennent heurter de plein fouet le réel.
Le réel est cousu d'Histoire, de droit, de généalogies. Le réel accepte les décisions des hommes et entremêle les dynasties et le cours des événements. Il serait temps que la monarchie espagnole rappelle à l'ordre les membres de sa famille qui en son sein même contestent les piliers fondateurs. Une maison royale ne peut pas aujourd'hui se payer le luxe de contester les règles et le droit. Elle doit vivre dans le réel ou disparaître.
Le Prince Charles de Bourbon-Siciles a réagi fermement aux déclarations de son cousin en rappelant la valeur de ces règles, et la force du droit, auquel précisément il vient de se conformer en appliquant à sa Maison le Traité de Lisbonne (2009) en ses stipulations relatives à la non-discrimination entre hommes et femmes.
Derrière les rêves de grandeur de certains "héritiers" autoproclamés se cache, assez mal il est vrai, le poison de l'usurpation et du complot. Gageons que la Maison d'Espagne saura s'en guérir rapidement.
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