Personne n’a été assassiné lundi matin !
Le directeur de l’Autorité des Marchés Financiers, Jean-Pierre Jouyet, peut y aller : d’autres ont essuyé les plâtres !
C’était le week-end du 19-20 septembre 2009. Le journal Libération tenait son forum annuel à Lyon, sur le thème « 20 ans après la chute du mur ». Au cours d’un des débats sur la crise financière, intervenait le directeur de l’Autorité des Marchés Financiers, Jean-Pierre Jouyet. A cette occasion, des militants de Solidarité & Progrès – le mouvement politique du candidat pour 2012 Jacques Cheminade - posèrent en public la-question-qu’il-ne-fallait-pas-poser : « Concernant le Glass-Steagall Act que vous avez mentionné – la séparation entre banques de dépôts et banques d’affaires – sans lequel tous les plans de renflouements sont voués à l’échec, puisque que l’argent n’est pas transmis à l’économie réelle, c’est une mesure de salut public qui relève du bon sens et sur laquelle je pense que vous serez d’accord. Comme cela n’est pas fait, dites-nous plutôt quelle est la guerre politique qui a lieu sur la question, mettez en lumière pour nous la scène sur laquelle se déroule cette bataille. » Acquiesçant tout le long de la question, M. Jouyet répondit clairement : « A peu près tout le monde est d’accord, sauf toutes les grandes banques françaises, qui ont bâti leur compétitivité internationale sur l’absence de cette distinction. (…) Mais moi, je ne veux pas être assassiné lundi matin ! »
En 2011, deux ans après cet aveu d’oligarchite aigüe, c’est tour à tour un membre dissident du Medef - Eric Verhaege -, l’économiste belge Eric de Keuleneer, professeur à la Solvay Business School de l’Université libre de Bruxelles (ULB) ou encore M. Pierre-Henri Leroy, le président de Proxinvest, société indépendante d’analyse et de conseil politique, qui décident de se rapprocher du mouvement politique de Jacques Cheminade, pour peser sur le cours de l’Histoire en promouvant la mise en banqueroute organisée du système financier et monétaire international, via la procédure Glass-Steagall.
De deux choses l’une : soit ces trois personnes n’ont pas peur des balles… soit il s’est passé quelque chose entre-temps.
Formellement parlant, on peut se douter qu’il se soit passé quelque chose entre-temps, puisque a été introduite au Congrès américain le 14 avril 2011 sous la référence H.R. 1489, “The Return to Prudent Banking Act”, la seule loi au monde capable d’ouvrir la porte à la mise en banqueroute organisée des avoirs spéculatifs mondiaux : la réinstauration du Glass-Steagall Act. Si le Glass-Steagall est réinstauré aux Etats-Unis, c’est la fin du « plus grand et [du] plus influent des paradis fiscaux au monde [qu’]est la City de Londres », comme le souligne la députée islandaise Birgitta Jónsdóttir – et dont Wall Street n’est qu’une succursale. Comment diable se fait-il que l’idée la plus improbable au monde – la mise en banqueroute organisée du système financier et monétaire international – soit devenue probable, puis possible ? A lire les déclarations des trois francophones cités, comment se fait-il que des personnalités qui font partie du système depuis 40 ans, trouvent moins risqué de se rapprocher du cauchemar des intérêts financiers, plutôt que de rester dans leur giron ?
Au risque d’avoir un peu le vertige, prenons conscience que nous vivons la mort de la toute première tentative dans l’histoire de l’humanité – après Babylone, Rome, et Venise - d’imposer une usure financière mondiale, via le premier empire mondial de toute l’Histoire : l’empire britannique basé à La City de Londres.
Y mettre fin ? Combien de commentaire a-t-on pu lire ici, rétorquant à ceux qui se battent pour la réinstauration du Glass-Steagall, que « c’est impossible parce qu’ils sont trop riches et trop forts » ?
Je citerai, pour répondre à ceux-là, les propos tenus par la députée islandaise, Birgitta Jónsdóttir, lors de son interview par le Schiller Institutten, faisant suite à la victoire du peuple islandais par référendum le 9 avril dernier contre l’empire britannique :
« C’est une des choses magnifiques que les gens peuvent apprendre de l’Islande : lorsque le parlement a approuvé le renflouement des créanciers internationaux de la banque Icesave, nous avons lancé une pétition citoyenne signée par 70 000 personnes [soit un quart de la population du pays - ndlr] demandant au Président Grimsson de ne pas promulguer la loi. Lorsque le Président a constaté la rupture entre le Parlement et la Nation, il nous a écoutés et a soumis la décision finale au verdict des urnes.
« Nous espérons que cela inspirera les peuples à travers le monde, comme l’ont fait les Egyptiens et les Tunisiens. C’est un appel aux peuples d’Europe, qui se soulèvent d’ailleurs un peu partout ; mais ces nouvelles ne sont pas très diffusées, il ne faut pas se reposer sur les médias dominants pour se faire une image du monde.
« Les citoyens dans chaque pays doivent trouver des moyens pour mettre la pression car s’il n’y a pas une reprise de contrôle citoyenne, ça ne pourra que se reproduire et empirer, comme on le voit déjà avec la hausse des prix alimentaires et les gens qui se révoltent car ils ne peuvent plus nourrir leur famille.
« On nous a dit que l’Islande sombrerait si nous refusions l’austérité et les renflouements, que nous serions rejetés par l’Europe, mais ce n’est pas arrivé. Les pays d’Europe doivent travailler ensemble, car même si la situation de chacun est différente, le problème de fond reste le même : ce système bancaire est inacceptable ; il détient bien trop de pouvoir et les banques sont bien trop grosses. Il ne faut absolument pas accepter que les structures de la société puissent être détruites pour protéger les intérêts de ceux qui sont coupables de cette crise. On doit s’assurer qu’ils soient punis ; les nations ne doivent plus payer.
« Mais de partout en Europe ces gens continuent d’investir car ils procèdent à travers le système offshore. Je ne le savais pas avant, mais le plus grand et le plus influent des paradis fiscaux au monde est la City de Londres ! Et ce sont les britanniques qui nous ont poursuivis le plus ardemment pour qu’on les renfloue ! Et les gens qui sont responsables de la faillite d’Icesave ont tous leur siège à la City !
« Je pense qu’il faut voir et dire les choses telles qu’elles sont et ne plus avoir peur du politiquement correct et de ce que nous réserve l’avenir. Ils ont recouru à toutes les techniques d’intimidation imaginables contre nous ; alors mon message c’est de ne jamais céder à leur chantage et de ne jamais se soumettre. On avait tout le monde contre nous : le gouvernement, les syndicats, la banque centrale, les médias ; tous nous disaient que si l’on votait non, tout s’effondrerait, que les agences de notation nous descendraient, mais rien de tout cela n’est arrivé. Je suis fière que les gens aient eu le courage de dire non malgré toute cette propagande. Ils l’ont fait parce qu’au fond d’eux, ils savent que ce renflouement était injustifiable. C’est une réalité qui rassemble au delà des clivage politiques et sociaux habituels. Même la population britannique et hollandaise est de notre côté ; nulle part les peuples ne soutiennent les politiques de renflouement. Puis de toute façon, on peut pas payer, alors...
« Il faut s’inspirer de ce qu’ont fait les nations d’Amérique latine pour se sortir des griffes du FMI. Tous les pays d’Europe menacés par le FMI devraient se réunir, au Portugal par exemple.
« Je soutiens totalement le projet de loi Glass-Steagall poussé par LaRouche et introduit au Congrès des Etats-Unis. De toute façon il n’y a pas de grand débat à avoir ; le rétablissement de la séparation entre banque et finance relève du bon sens et doit se faire ici aussi. C’est possible d’y parvenir et de toute façon il n’y a pas d’autre solution pour régler le problème de fond. La situation que vit l’Europe actuellement est le bon moment pour mettre la pression et faire adopter Glass-Steagall.
« Vous savez, les britanniques sont même allés jusqu’à recourir aux lois antiterroristes pour nous menacer : si on ne payait pas, ils nous priveraient d’importer notre nourriture et nos médicaments. On était vraiment dans la peau de David face à Goliath. Ca doit être une motivation pour les autres peuples. Et je ne veux plus jamais entendre dire : ’oui mais ça pourra jamais être comme ça dans mon pays’ ; c’était pas comme ça chez nous non plus, les gens n’avaient jamais montré un tel courage, excepté peut-être pendant la Guerre de la morue. Si on a gagné, vous le pouvez aussi. »
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