Petit manuel pour révolution démocratique (outil stratégique)
Les populations qui s'organisent démocratiquement et qui luttent contre l'oligarchie sont de plus en plus nombreuses. Seulement les différents mouvements oublient de faire une analyse des stratégies qui leur permettront de faire de la révolution une réussite - d'établir une démocratie réelle.
INTRODUCTION
Nous sommes, je pense, tous d'accord pour dire que notre système économico-social ne va pas.
Il ne convient pas, on peut observer partout autour de nous des injustices flagrantes qui ne font que croître. C'est la première phase : « indignons-nous ».
Par contre nous ne sommes pas tous d'accord sur l'interprétation et les remèdes aux problèmes.
Ainsi certains pensent que les choses sont susceptibles de s'arranger par les institutions en place et notamment par les élections ( les réformistes - en général ces gens ne s'investissent pas dans des mouvements populaires démocratiques ), d'autres sont convaincu que le système politique lui-même doit être remis en cause et qu'il ne peut-être que changé de l'extérieur – les révolutionnaires.
QUELS MOUVEMENTS DEMOCRATIQUES ACTUELLEMENT ?
Les récents mouvements populaires dits des « Indignés » et le penchant américain Occupy sont révolutionnaires puisqu'ils remettent en cause la légitimité de nos systèmes politiques ( notamment l'absence de démocratie) et refusent d'y insérer leurs luttes. Il me semble que les Indignés Européens de manière générale critiquent d'abord la délégation du pouvoir et l'oligarchie politique alors que le mouvement américain remet plus en cause les liens entre l'oligarchie économique et le politique.
Les deux critiques se rejoignent mais la critique de la délégation du pouvoir est plus profonde puisqu'elle explique les liens entre les oligarchies. Elle dit que si notre système politique profite a des intérêts privés, c'est par une absence de contrôle populaire (c'est l'absence de contrôle du peuple et les modalités de nos systèmes politiques qui permettent aux capitalistes de s'en emparer (corruption, conflits d'intérêts)).Il y'a la cause – liberté totale des représentants – et la conséquence – corruption et conflits d'intérêts.
Dans d'autres pays (notamment Israël) il apparaît que les mouvements populaires en sont encore au niveau de l'indignation et de demande de justice sociale sans volonté démocratique affirmée. Je ne considère donc pas ces mouvements comme étant révolutionnaires.
QUI A LE POUVOIR, QU'EST-CE QUE LE POUVOIR ?
Le pouvoir politique est LE pouvoir primordial, dans nos sociétés « évoluées ». Il est primordial devant celui de la religion ou de la finance. Beaucoup de gens pensent que ce sont les banquiers et la finance qui ont vraiment le pouvoir, c'est faux.
Le pouvoir est basé sur l'autorité conférée par la confiance – Si un état se retrouve sans confiance et sans légitimité de la part de sa population alors personne n'obéit et l'état n'a plus de pouvoir. Maintenant posez-vous la question : qui a le plus de pouvoir, la finance ou le politique ?
Il est évident que c'est le politique : le politique (même sous le régime actuel qui n'est pas démocratique) est plus légitime tout simplement car il émane – à un certain degré – de la volonté populaire. Imaginez la scène : demain les États se mettent à faire la guerre ( je parie que ça ne se fera pas sous nos régimes) à la finance : les banquiers se rebiffent et mobilisent tout leur pouvoir pour contrer l'état. Le peuple dans sa majorité va-t-il soutenir les banques ou les politiciens ?
Il va bien sûr soutenir le politique car la finance n'a aucune légitimité démocratique.
Voilà pourquoi le politique a le vrai pouvoir, s'il décide quelque chose et qu'il est soutenu par une grande majorité alors rien (pas même l'argent) ne peut l'arrêter.
On peut maintenant comprendre que si la finance et l'économie ont beaucoup de pouvoir (d'influence), c'est à cause des liens entre les élites économiques et les élites politiques. Si les banques ont pu avoir autant de pouvoir jusqu'à nous sembler dépasser le politique, c'est car les politiciens le leur ont permis. Les politiciens ont tout donné aux oligarchies financières et économiques ( c'est normal car à la base les classes politiques et économiques sont identiques – et le sont toujours ). S'ils le veulent, les politiciens peuvent tout reprendre car ils ont le vrai pouvoir. C'est donc évident, les politiciens ne veulent pas reprendre (ou prendre) le pouvoir accordé aux oligarchies.
Le politique fait les règles de la société, il organise la cité. C'est donc la base de l'organisation du pouvoir, c'est le vrai pouvoir (le pouvoir d'attribuer le pouvoir), donc si le peuple désire un changement qui ne vient pas, il faut qu'il ait une tactique pour s'emparer du pouvoir politique.
QUELLES STRATEGIES SONT POSSIBLES ?
Une révolution est véritablement réussie si le pouvoir (politique, donc économique) passe sous le contrôle des révolutionnaires (en l'occurrence ici des vrais démocrates, du peuple qui veut une vraie démocratie). Les révolutionnaires peuvent et doivent peut-être s'attaquer à l'économie pour toucher le politique, mais une révolution ne peut pas se baser seulement sur la remise en cause de l'économique.
Il faut tout d'abord affirmer qu'une révolution ne pourra se faire qu'à partir du moment où le changement est porté par une part assez large de la population. Sans soutien populaire, les revendications ne pourront jamais être concrétisées.
Pour que la révolution puisse émerger, il faut délégitimer le système en place pour qu'il n'ait plus le vrai pouvoir (la confiance du peuple) mais aussi, et ça me semble très important, proposer et construire une alternative concrète qui décrit l'organisation du pouvoir (sinon on reste dans l'imprévu qui peut-être dangereux et repousser beaucoup de personnes).
Les mouvements populaires récents peuvent être qualifiés comme étant démocratiques, ils mettent en avant la démocratie directe et la légitimité populaire, leurs membres ont pour volonté l'établissement d'une vraie démocratie. C'est un programme politique révolutionnaire puisqu'actuellement le peuple n'a pas le pouvoir ( les élections ne sont pas démocratiques – les grecs le savaient bien ).
Concrètement, comment les révolutionnaires peuvent-ils construire la révolution démocratique ?
Les Assemblées Populaires (AP) se multiplient et prennent le pouvoir. Les mouvements populaires se composent d'AP. Ces AP n'ont pour l'instant aucun « pouvoir politique réel », qui est détenu par les institutions. Une forte implication de la population dans les AP pourrait permettre une situation dans laquelle les AP pourraient organiser la révolution. La faculté à faire de la révolution une réussite dépend de la stratégie adoptée par le mouvement
Quelles sont les stratégies possibles ?
Il y-a plusieurs possibilités :
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1. Le mouvement populaire revendique une démocratie spontanée.
Les révolutionnaires refusent de réfléchir à un horizon commun et mettent en avant la spontanéité des mouvements populaires.
- 2. Le mouvement populaire revendique une liste de demandes.
On a aussi pu voir des AP proposer de longues listes de revendications, sur le social et l'économique aussi bien que sur le politique et le sociétal. « revenu universel » « augmentation du salaire minimum » « respect de l'environnement » « prise en compte du vote blanc ». Ces listes de demandes ne forment pas une constitution puisque l'organisation du pouvoir n'y est pas décrite.
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3. Le mouvement populaire revendique une constitution démocratique.
Le mouvement a trouvé une solution de régime politique réellement démocratique (cela implique un consensus autour d'une constitution précise qui définit le fonctionnement d'une nouvelle société). Le mouvement porte une constitution (comment doit s'organiser le pouvoir et la société) qui permettra la démocratie.
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4. Le mouvement populaire met en avant un outil : l'Assemblée Constituante.
Le mouvement ne met pas en avant une constitution mais l'étape qui précède. Le mouvement propose un processus concret qui va permettre l'élaboration d'une constitution démocratique. Pour cela le mouvement doit mettre en avant l'AC avec des conditions, car sans conditions une AC pourrait devenir un outil de l'oligarchie. Il faut donc que le mouvement populaire choisisse les modalités de l'AC.
Ainsi le tirage au sort (il faut en définir les modalités) pourrait permettre une représentation fidèle du peuple, le mouvement peut décider de fixer un délai à l'assemblée afin que celle-ci écrive la constitution. L'assemblée peut-être nationale ou régionale, on peut imaginer par exemple la création de deux AC qui seraient en « concurrence » et s'enrichiraient l'une l'autre, on peut imaginer que l'AC puisse être ouverte à la participation de chacun. Une fois la constitution rédigée on pourrait imaginer la mise en place d'un référendum ou le peuple serait appelé à se prononcer sur chaque article (la constitution est une liste d'articles) pour que le tout soit vraiment démocratique.
LA CONSTITUTION
Dans tous les cas, l'établissement d'un système politique (mode d'organisation) stable sera précédé par l'instauration d'une constitution. Une constitution est un texte qui définit les modalités de la répartition du pouvoir entre les hommes ( qui décide ?comment ? pour qui ? ). Sans constitution, à moins d'une maturité générale et d'une prise de conscience de l'unicité des intérêts particuliers (l'anarchisme), il n'est pas pas envisageable d'imaginer un système politique stable. Si l'on veut une démocratie (une vraie) stable, il faut empêcher les abus et faire respecter le processus qui exprime la souveraineté populaire. Il n'y a pas d'autres méthode que la rédaction d'une constitution.
QUELLE STRATEGIE CHOISIR ?
Il faut d'abord souligner que dans tous les cas suivant le mouvement de contestation et de construction s'organise de manière démocratique par des AP. Dans tous les cas la réussite ne pourra subvenir que par la légitimisation des AP et leur obtention du vrai pouvoir (la confiance des citoyens).
Les possibilités concrètes de révolution par la prise de pouvoir ont chacune des inconvénients et des avantages, je pense cependant que l'Assemblée Constituante est le moyen le plus efficace.
La mise en avant de la souveraineté populaire par l'organisation en Assemblées Populaires n'est peut-être pas suffisant pour s'assurer de la victoire démocratique. La prise de pouvoir par les AP sans stratégie prédéfinie est très floue et très imprévisible ( les AP sont facilement manipulables et instables – voir le devenir des soviets, cela demande un travail très énergique et une participation générale que le peuple ne désire peut-être pas). Ce n'est pas là une vision durable, sans horizon concret les gens risquent de se lasser par la stagnation. Cela ne répond pas concrètement à la question « comment s'en sortir ? », la pratique sans la théorie, sans la stratégie, sans la vision sur le long terme n'est peut-être pas suffisante. De plus cela impose une décentralisation (dissolution du pouvoir national dans de nombreuses AP) qui n'est peut-être pas souhaitable face à la puissance que peuvent déployer les forces antidémocratiques, une décentralisation peut-être pas compatible avec les réseaux et infrastructures existants et une décentralisation peut-être trop novatrice par rapport au certain nationalisme (par habitude plus que par idéologie) fort répandu.
En ce qui concerne la mise en avant de longues listes de revendications, cela peut peut-être rassembler les gens autour d'idées communes ( et du coup aussi diviser les réfractaires ), mais elles ne répondent pas à la question cruciale : que faisons nous concrètement, comment nos revendications vont-elles voir le jour ?
Il est étrangel de faire une liste de revendications - sur la santé, l'école, le travail ou encore l'environnement - si on n'a pas le pouvoir. Cela revient en quelque sorte à écrire des lois sans avoir le pouvoir législatif, et le problème est bien là. Les gens qui écrivent de telles listes pensent-ils que les gouvernements vont les écouter (alors que ce qu'elles contiennent va à l'encontre des intérêts de la classe politique et économique) ? Certainement non, alors pourquoi ne cherchent-ils pas à définir les nouvelles modalités d'organisation du pouvoir qui régiront le société post-révolutionnaire ?
La mise en avant d'une constitution, donc d'un modèle politique démocratique détaillé qui fasse l'unanimité, serait la solution la plus simple et la plus directe. Cependant il reste à trouver cette constitution et à l'imposer. J'encourage les gens à travailler à une constitution démocratique.
L'Assemblée Constituante permet en fait de transférer le travail de construction d'une constitution démocratique à un groupe de personne qui s'y consacreraient à temps plein (imaginer une compensation). Il faut cependant trouver les modalités de l'AC, mais cela me semble beaucoup moins problématique que le sont les modalités de la constitution.
Je pense que nous devons essayer de prévoir le plus de choses possibles afin de maximiser les chances de réussite et de combattre le « on ne sait pas ou on va » qui est le plus souvent nocif. Je ne dis pas qu'il ne faille pas de spontanéité : les étapes d'une révolution le seront sûrement, mais plus une partie importante des protestataires possèderont un objectif et une stratégie clairement définie ( qui doit aussi toujours être remise en cause ), plus la révolution démocratique aura de chances de porter ses fruits.
Il reste cependant un problème relativement important quand à la mise en avant d'une Assemblée Constituante. La revendication d'une AC aux modalités définie ne sera jamais entendue et mise en place par les institutions actuelles, car elle nuit à la classe politico-économique. L'Assemblée Constituante pourra soit se faire avant le renversement de l'État ( comment l'organiser ( et la financer ?) sans avoir le pouvoir économico-métiatico-politique ?), soit se faire une fois que l'État aura été renversé (auquel cas il faut réfléchir à un pouvoir révolutionnaire installé provisoirement le temps que la nouvelle constitution soit prête et mise en place ).
Pour finir il faut affirmer qu'une révolution démocratique ne peut se faire qu'à partir du moment où le changement est porté par une part assez large de la population. Sans soutien populaire, les revendications ne pourront jamais être concrétisées.
ET LES SOULEVEMENTS ARABES ?
Je n'ai pas parlé avant des mouvement démocratiques qui visent à sortir de régimes dictatoriaux, où en tout cas à sortir des régimes encore moins démocratiques que les régimes occidentaux. Je n'en ai pas parlé puisqu'il apparaît que la lutte pour la liberté passe par plusieurs étapes : de la dictature, royaume à l'oligarchie élue ou démocratie représentative à la démocratie réelle. Il semblerait que les élites et oligarchies aient réussi à tromper les protestataires et à mettre en place des régimes à l'occidentale, donc les futurs citoyens, en particuliers des pays arabes, seront confrontés aux mêmes problèmes que les citoyens des pays « démocratiques ». Les protestataires de toutes sortes de régimes sont invités à débattre et à se servir de ce texte pour leur combat démocratique. Et je ne serai que ravis de voir un régime oligarchique pûr se voir transformé sans étape intermédiaire en une réelle démocratie.
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