Peur et autres émotions aux temps du Corona...
...et en temps ordinaires ! Les émotions sont nos amies. Plus exactement, elles sont pour nous des outils. Mais, comme il convient d'utiliser un marteau pour enfoncer un clou, c'est un autre outil qu'il nous faut pour scier une planche ou serrer un boulon. Autrement dit, chaque émotion a sa fonction et, par exemple, il ne faut pas recourir à la peur en l'absence de danger grave et imminent. C'est à un autre outil, en l'occurrence l'inquiétude, qu'il faut recourir. L'inquiétude est l'état de vigilance extrême. Elle est le garant de la très grande prudence.
Pendant la crise du coronavirus, nombre de nos émotions ont été employées à tort et à travers. Par exemple, au moment du départ en masse de Parisiens vers leurs maisons de campagne à l'annonce de la décision de nous confiner. Ce cas typique va nous aider à voir à quel point nos émotions faussent notre jugement. Deux émotions sont ici entrées en jeu : la peur et la jalousie. Ces émotions ont fait dire à beaucoup de gens :
1 - Ils partent se mettre au vert à la campagne, ce sont donc des irresponsables.
2 - Ils sont parisiens et donc contaminés et contagieux.
Or, il s'avère que nos émotions se sont déclenchées sans raison légitime. Il a été montré par la suite que ces personnes sont restées confinées et n'ont pas eu de comportements irresponsables. Par ailleurs, elles n'ont pas créé de foyer épidémiques locaux. Nos émotions (peur, crainte, jalousie, envie) nous ont conduits à opérer des déductions parfaitement fausses du point de vue logique. Elles nous ont aussi poussé à commettre des erreurs inductives : à savoir, que l'on prend un cas pour une généralité.
Les émotions qui se sont manifestées pendant la période difficile que nous venons de connaître sont nombreuses : peur, crainte, inquiétude, envie, jalousie, tristesse, désespoir, colère, pitié, culpabilité, honte, et même la joie. Les émotions sont notre boîte à outils. L'intelligence de émotions dépend du bon usage de cette boîte à outils.
Je rangerai les émotions en trois catégories : les émotions naturelles, les émotions sociales, les émotions très complexes (amour et haine).
I - Les émotions naturelles
Comme je l'ai dit, la peur n'est salvatrice que dans les cas extrêmes ou nous devons agir vite et avec détermination : faire face avec courage, fuir, se cacher. Face à une épidémie au taux faible de mortalité et dont la contagion ne se fait qu'à défaut de précautions toutes simples (les fameux gestes barrières), l'inquiétude devait suffire. Ce point a déjà été expliqué dans un article qui date du 2 mars 2020 : "Le virus de l'inquiétude". J'y explique certaines différences essentielles entre la peur, la crainte et l'inquiétude. Celle-ci est utile pour la gestion des incertitudes et pour faire preuve d'une prudence redoublée.
Certaines émotions sont données par la nature et, par voie de conséquence communes aux êtres humains et aux animaux. Ce sont : la peur (et ses dérivées : crainte, inquiétude), l'envie (curiosité, désir), la répulsion, la tristesse, la joie primaire, la colère (chez l'animal la rage), l'angoisse (chez l'animal angoisse physique uniquement).
Ces émotions ont trois dimensions : certaines nous propulsent vers l'avant (l'envie, la colère), d'autres nous propulsent en arrière (tristesse, peur...). Et enfin, la dernière catégorie nous impose l'inertie, le repos (voir l'hibernation ou la régression momentanée des fonctions vitales) : tristesse, mélancolie.
Pendant la crise de la Covid19, ce sont surtout les émotions de peur qui nous ont animés et quelquefois trompés.
II - Les émotions sociales
Les émotions naturelles sont liées à l'instinct de conservation. Les émotions sociales sont liées aussi à d'autres instinct. Ainsi la jalousie prend sa source dans l'instinct de rivalité qui existe aussi chez de les animaux évolués. L'instinct de domination, présent chez certaines espèces animales, prend la forme de l'envie et de la convoitise dans la société humaine. La colère s'explique aussi par cette agressivité. Ces émotions sociales sont nécessaires en société pour que celle-ci puisse croître et prospérer, fû-ce au prix de conflits internes.
L'animal social qu'est l'homme a développé d'autres émotions : l'admiration, la honte, le rire (forme de joie spécifique), la pitié, la culpabilité, le désespoir, etc. On ne trouve pas ces émotions dans la nature. Si nous les avons créées, c'est par utilité sociale. Mais il revient à chacun de les endiguer et de les employer à bon escient.
La première des passions pour René Descartes est l'admiration. Nous sommes nombreux à avoir éprouvé cette forme d'émotion sociale pour les soignants et autres "premiers de corvée". Il y a peu de temps, au moment des attentats, cette admiration s'était tournée vers les policiers, les gendarmes et les pompiers. Le défaut de l'admiration est qu'elle possède une courte mémoire. Ceux que nous avons vénérés hier sont conspués aujourd'hui ! On peut aussi tomber dans l'excès d'admiration ou en manquer cruellement. C'est donc une émotion qu'il faut gérer avec sagesse, avec la bonne mesure.
Nous avons aussi éprouvé de la colère. Nous devons nous montrer prudents aussi avec cette émotion car elle est souvent le fruit du sentiment d'impuissance ou l'effet retard de la peur : après un grand danger, nous reprenons confiance en la vie et en nous-mêmes. Alors, nous nous en voulons d'avoir eu peur et nous sentons ridicules, nous sentons peu de chose. Notre colère peut se déclencher sans objet précis ou avec exagération. Mais cette colère a une fonction : elle nous libère de la peur et de autres sentiments négatifs pour nous permettre de repartir d'un pas plus serein.
Je ne traiterai pas ici de l'amour et de la haine car ce sont deux passions très complexes. Chacune d'elle est un entrelacs de sentiments et d'émotions diverses et sophistiquées impossible à définir et à classer. Elles consituent à elles deux une troisième catégorie qu'il serait trop long de décrire.
La seule chose que je peux en dire, c'est que la haine ne remplit qu'une fonction néfaste.
L'autre chose que je peux dire est que l'amour a un rôle à jouer. Je dis "rôle" et non "fonction" pour l'amour car l'amour ne se réduit pas à une ou même à deux ou trois fonctions. C'est comme un outil multifonctions mais en bien mieux : avec la vertu en plus. Elle est englobante et infinie.
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