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Accueil du site > Tribune Libre > Peurdurix et Ombelix

Peurdurix et Ombelix

Alors, les cousins, chez vous, ça va... ?

Aujourd'hui,je voudrais lancer une invitation spéciale à suivre la politique québécoise, Venez, cousins, vous ne serez pas déçus. Notre vaudeville est encore plus marrant que le vôtre. Il reste au Québec une touche des "grand espaces" neufs qui permet de manoeuvrer de façon plus fruste et donc plus franche, un rien de "colonial" qui incite y aller sans gêne plus loin dans la collusion, la corruption, la prévarication, le gangstérisme.... et senior moins de pudeur quand il devient opportun de tout avouer. 

Ainsi. à 'l'aune de la Commission Charbonneau, au Québec, les aveux de Cahuzac et les silences de Guéant paraissent de subtils non-dits.... Je vous invite tous a en suivre les péripéties. Ca vaut le détour. Un mélange de Clochemerle et d'Albanie...

Je ne vous y emmènerai pas par la main, je gâterais l'effet de surprise, mais je voudrais tout de même vous préparer mentalement au choc du contact avec la politique quebécoise....

En vous donnant la clef de la psyché duale du Québec contemporain qui sert de contexte à nos déboires. Voici, a la sauce d'un de mes vieux articles et avec un clin d'oeil aux Gaulois... ,

......

À la fin du XXème siècle, l’Amérique au nord du Rio Grande est tout entière soumise à l’hégémonie anglo-saxonne, à l’exception, au Nord-est, d’une vaste taïga, peuplée de caribous, d’autochtones, d’une myriade de métèques et de deux peuples fondateurs, dont "nous-z’autres" qui ne nous en tirerions pas mal si nous n’avions pas à porter continuellement sur le pavois deux clans d’ irrépressibles totons, les Peurdurix et les Ombelix.

Les Peurdurix se sentent tout petits. Ils peuvent avoir le cheveu plat à la Bourassa ou bouclé à la Charest, ils peuvent être riches – style "Conseil du Patronat" – ou misérabilistes genre "ma pension de vieillesse et rien d’autre", mais leur caractéristique essentielle est d’avoir peur. Le plus grand nombre d’entre eux ont surtout peur que l’indépendance leur tombe sur la tête, mais il y a aussi des Peurdurix dont la seule phobie est l’inflation et une minorité non négligeable d’entre eux qui ont peur de parler anglais. Leurs pères ont voté "non" à la conscription puis se sont enrôlés volontaires, ont été pour les curés sous Duplessis… puis pour la révolution pour autant qu’elle soit "tranquille".

Le mot d’ordre des Peurdurix est de passer le risque, la responsabilité et le blâme éventuel aux autres, parce qu’ils ont surtout peur d’eux-mêmes. La majorité d’entre eux sont fédéralistes parce que c’est rassurant, mais il y en a beaucoup au contraire qui sont souverainistes – mais avec association, bien sûr et en souhaitant au fond que ça n’arrrive pas – parce qu’ils ont encore plus besoin d’avoir Ottawa comme bouc émissaire que comme parapluie. Les Peurdurix sont férocement opposés au changement parce que le changement est un risque et qu’ils se sentent trop petits pour courir des risques.

Les Ombelix sont très gros. Ou plutôt, regardant sans cesse leur nombril, ils se voient très gros. Ils sont nés d’une race fière, ils savent que nous avons une culture alors que les anglos sont des Béotiens et que Toronto est une ville ennuyeuse où les bars ferment le dimanche. Riches ou pauvres ils sont convaincus que la Gaspésie est mieux que la Côte-d’Azur, que notre train de vie est bien supérieur à celui des Européens, comme en 1945, que Montréal est la "deuxième ville française du monde" et que le "modèle québécois" est un succès boeuf qui ne doit rien aux modèles scandinaves des années soixante.

Les Ombelix ont l’identification facile. ils sont fiers des succès de Plamondon en France, de Celine Dion aux Etats-Unis et du Cirque du Soleil partout, comme s’il s’agissait là de produits du terroir. La plupart se disent sociaux-démocrates, mais ils sont fiers de Bombardier, de Desmarais et de Québec Inc. La plupart, sont pour l’indépendance, mais on ne manque pas d’Ombelix fédéralistes qui sont bien fiers aussi que l’Unesco dise du Canada que c’est le meilleur pays du monde. Les Ombelix sont férocement opposés au changement parce qu’ils sont gras, qu’ils se croient gros et qu’ils veulent le rester.

De telle sorte que nos Peurdurix – dont la "sage prudence" n’est qu’une profonde lâcheté – et nos Ombelix – dont la complaisante "fierté" repose trop souvent sur une ignorance crasse – constituent, depuis des lustres, une alliance solide contre tout ce qui pourrait être un véritable changement. Au Québec, comme des choeurs de tragédies antiques, on peut toujours s’attendre à ce qu’un "Ne changeons pas, nous sommes parfaits !" vienne donner la réplique à un " Ne changeons pas, c’est dangereux !" .

Quand on écoute les Peurdurix et les Ombelix et que’on regarde leur gesticulation, on ne voit plus la réalité et on perd le sens même du drame. Les Peurdurix et les Ombelix sont des livreurs de chimères, aussi inutiles que des ménhirs et qui pèsent très lourd sur l’avenir d’un peuple.

Car pendant qu’on rêve, le tiers des Gaspésiens n’ont pas de travail, notre niveau de vie est inférieur à celui d’une bonne demi-douzaine de pays d’Europe et il y a pas mal plus de francophones à Kinshasa ou à Casablanca qu’à Montréal. Est-ce qu’il ne serait pas temps de comprendre que nos deux grands ennemis sont la peur et l’arrogance, les deux se prêtant main forte, depuis des décennies, pour nous priver de la lucidité qui nous permettrait de poser le diagnostic de nos problèmes et du courage d’y apporter de vraies solutions ?

On a lu il y a quelques années, dans le journal Le Devoir, des articles dont on souhaitait qu’ils "pensent la nation" québécoise et qu’ils nous proposent un avenir. Je n’ai sauté aucun de ces articles et je n’ai de querelle avec aucun des auteurs, ni aucun des messages qu’on y a livrés… mais je reste sur ma faim. Je vois des rangées de chimères, en enfilades et en cercles, parfois les unes supportant les autres comme des dolmens. Il me semble que notre avenir est plus vaste, plus complexe que l’image qu’en donnent ceux qui le limitent à un débat linguistique et à ses conséquences étroitement politiques.

J’aimerais qu’on se sorte du duo Peurdurix – Ombelix et qu’on passe à autre chose. Je voudrais que, si on a peur, on ait au moins des raisons d’avoir peur et que si l’on est "fier" on nous dise précisément de quoi l’on est fier. Parce que je pense que la peur ça se domine et que la fierté ça doit rester discret. Je pense que le véritable avenir du Québec passe d’abord par une prise de conscience de ce que notre démographie, la géopolitique et le sens que semble se donner l’Histoire contemporaine feront inexorablement du Québec. La lucidité ; c’est ça, la potion magique qui donne le courage et qui fait grandir

Notre avenir, il passe ensuite par l’acceptation de cette réalité et la décision de définir notre évolution en fonction de cette réalité. Sans peur et sans complaisance. Je crois que nous pouvons le faire. Je suis persuadé qu’il y une majorité de Québécois qui ne se pensent pas si petits qu’ils ne puissent survivre, ni si gros qu’ils ne puissent encore grandir. Ils ne demanderaient pas mieux que de travailler simplement, sereinement à devenir "plus" et "mieux" que ce qu’ils sont réellement, comme un arbre qui grandit.

Il n’y a pas de honte à grandir. Est-ce que ceux qui nous gouvernent ne pourraient pas nous proposer un but et nous en montrer le chemin ? Et nous offrir une bonne lampée de cette lucidité qui fait grandir ?

Et en France ? Qui sait si ce n'est pas aussi une certaine lucidité qui serait la clef ? La lucidité de voir que le vrai pouvoir n'est pas à l'Élysée, mais à la Banque et que la vraie question est de le reprendre. Coûte que coûte

 

Pierre JC Allard

 

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16 réactions à cet article    


  • daniel paul 21 mai 2013 10:34

    Salut JC....

    vers la fin tu dis ceci...(tu amical):La lucidité de voir que le vrai pouvoir n’est pas à l’Élysée, mais à la Banque et que la vraie question est de le reprendre. Coûte que coûte

    non le vrai pouvoir est a ceux qui travaillent ensemble pour produire les nécessités vitales...est ma vision....si elle est juste alors la banque n’a pas le pouvoir non plus...d’où l’intérêt de maintenir les gens en conflit les uns par rapport aux autres..ça marche bien depuis un moment déjà !

    Mais tu parles de peur , ça par contre c’est le cas de tout le monde et c’est pour ça que l’humain pète les câbles, selon moi .

    la vie des humains est simple, pour survivre, vivre, tout doit être fait ensemble...alors nous avons réduit le fait de vivre à voler ce même collectif pour assouvir une névrose de posséder et plus,issues elle même de raisons profondes tout le temps ignorées ,car si nous savons un peu de l’extérieur le monde pseudo intérieur est de ignoré ...
     la valeur relative d’un métier ou d’un humain n’est donnée que par l’humain qui gagne.. ..si nous apliquions jusqu’au bout le strategie dominante , il faudrait laisser les bébés se débrouiller tout seul au nom de la compétition....car on en est quasiment là, on le sent que la folie gagne encore du terrain mais elle est difficile à exprimer.....la dernière ligne droite avant la chute.. ??c’est possible mais honnêtement ceci est du domaine de l’inconnu, ce qui est notre probleme:maman l’inconnu me fait peur, moi je dis car je le vois que mentalement nous n’avons jamais quitté l’enfance...mais sujet trop long....quand je regarde devant je ne vois rien, or ayant perdu les 8/10 du cerveau ou plus ou moins donc de toutes façons beaucoup, on a en même temps perdu la partie qui elle savait vivre l’inconnu, qui est la « Source »,qui est le sens ....
    alors il nous reste juste un outil mécanique aléatoire qui de plus est automatique mais sans conscience autre que lui ni de ce qu’il est,la machine, nous , ne sait pas que c’est une machine smiley le monde n’existe pas, les autres non plus et moi même ne suis que concept qui souffre.. je ne regarde que moi même en fait et ça non plus je ne le sais pas.....on a perdu le sens et essayons d’en inventer un...ça ne marche jamais..

    Merci JC..

    swing la bacquaise dans l’fond d’la boite a bois !!

     


    • Fergus Fergus 21 mai 2013 13:17

      Bonjour, Daniel paul.

      PJCA a écrit : « La lucidité de voir que le vrai pouvoir n’est pas à l’Élysée, mais à la Banque et que la vraie question est de le reprendre. Coûte que coûte. »

      Vous écrivez cela : « Non le vrai pouvoir est a ceux qui travaillent ensemble pour produire les nécessités vitales. »

      Pierre Allard (que je salue) a raison car il décrit la réalité de nos sociétés actuellement. Or, l’on ne peut combattre que ce qui est clairement identifié.

      Cela dit, vous avez raison vous-même, à cette différence près que, contrairement à Pierre Allard qui décrit ce qui est, vous décrivez ce qui devrait être. Au final, nous sommes tous du même avis.

       


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 22 mai 2013 00:38

      Merci Fergus


      Et pour que ce qui doit être soit, ne pensons pas faire l’économie d’une révolution, d’une période d’anarchie et d’une dictature avant que ne reprenne la marche en avant. 


      Nous sommes dans le déni. La dernière présidentielle en a fait la preuve. Sortons-en. C’est le temps de l’ablation. 


      PJCA

    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 22 mai 2013 00:43

      @ Daniel Pau


      Il faut revenir a la case départ.


      PJCA

    • Fergus Fergus 22 mai 2013 09:26

      Bonjour, Pierre.

      En écrivant « ne pensons pas faire l’économie d’une révolution, d’une période d’anarchie et d’une dictature avant que ne reprenne la marche en avant », vous mettez le doigt sur un fait d’importance que ne perçoivent que trop rarement tous ceux qui réclament cette révolution en pensant qu’elle suffira à balayer les errements actuels et leurs responsables. On sait que cela fonctionne rarement ainsi, la plupart des révolutions entraînant des reprises en main et la mise en place d’un pouvoir autoritaire, voire totalitaire. La révolution, un concept nécessaire, mais à manier avec lucidité !

      Cordialement.


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 23 mai 2013 08:42

      @ Fergus. 


      C’est qu’on ne veut pas comprendre que les solutions auxquelles on peut penser et les alternatives qui nous apparaissent sont NECESSAIREMENT le produit de la situation actuelle, comme les hommes providentiels qui se proposent sont les créatures de cette situation. Du neuf ne peut naitre que de la « table rase », quand la structure actueller est morte et qu’elle n’est pas encore remplacée. Mais cette table rase ne peut être qu’un état d’anarchie. Transitoire, court on l’espère, mais incontournable.  Il fait accepter cette phase d’anarchie ; le fascisme, vient des mesures désespérées que l’on prend pour l’éviter, mais on ne faie retarder l’échéance. On se conduit comme une chenille qui ferait tout pour devenir une meilleure chenille, sans comprendre qu’elle doit devenir un papillon. Un dur moment et bien frustrant...


       PJCA.



    • Francis, agnotologue JL 21 mai 2013 11:35

      Bonjour PJCA,

      j’ai lu avec intérêt votre texte.

      Vous dites : ’’ceux qui nous gouvernent ne pourraient pas nous proposer un but et nous en montrer le chemin ? Et nous offrir une bonne lampée de cette lucidité qui fait grandir ?’’

      Je crois hélas, que vous ne grandirez pas aussi longtemps que vous direz ’ceux qui nous gouvernent’ au lieu de ’ceux qui gouvernent’ .

      Les gouvernants ne sont pas des gouvernantes : aux gouvernants on demande des comptes ; aux gouvernantes, on rend des comptes. Nuance.


      • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 22 mai 2013 00:22

        Vous avez parfaitement raison... mais je ne changerais pas un iota de mon texte. J’écrivais, il y a bien longtemps : « Tous les prétextes sont bons pour que l’État s’arroge le droit de mettre son nez partout ; de sorte que si les mauvais gouvernements traitent leurs citoyens comme des esclaves, les »bons« gouvernements, traitent bien souvent les leurs comme des enfants » ... et au Québec plus qu’ailleurs. http://www.nouvellesociete.org/120.html


        PJCA

      • Francis, agnotologue JL 22 mai 2013 08:39

        PJCA,

        ce n’est pas que les gouvernements traitent le peuple comme des enfants, c’est que les prétendants au pouvoir diviseront toujours le peuple : c’est une loi de la nature.

        Or, le peuple n’est fort que quand il est uni, et la conscience des masses n’a besoin d’être influencé que dans un sens négatif, comme disait Orwell.

        Aucun pouvoir privé n’a intérêt à changer cet ordre des choses : ce serait aller contre le principe vital qui fait que chaque organisme vivant œuvre à son propre développement : dans un monde dominé par l’argent, la vertu est un handicap.



      • LE CHAT LE CHAT 21 mai 2013 13:20

        le nouveau nom de Cahuzac , c’est fraudlefix ! smiley


        • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 22 mai 2013 01:05

          @ Le Chat


          Nous avons eu, au Québec , un Premier Ministre qui a fait ses débuts chez les scouts sous le nom-totem, de « Belette vibrante ». Ça ne s’invente pas... On pourrait donner un nom en x qui fait image a tous nos politiques. Allouons vite Mollux et Amidulux, la concurrence sera forte...

          PJCA

        • Xenozoid 21 mai 2013 15:57

          le probleme dans tout ca , c’est quon a oublier d’être, la plus grosse faute, c’est de s’être laisser domestiquer sans coups férir, et oui on a laissé le pouvoir grignoter tout,sans rien faire, c’est nous les cons, et c’est pourquoi on a tort, ne cherchons pas a avoir raison,sans action on aura toujours tort


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 22 mai 2013 01:27

            Le problème, est surtout que nos chefs parlent si bien et agissent si mal, qu’on souhaiterait parfois qu’ils en disent plus et en fassent encore moins. J’attend Mélenchon au détour de l’action.... Ou le verra-t-on à Bruxelles sur les traces du Général Boulanger ? 


            PJCA

          • Xenozoid 22 mai 2013 14:15

            JC, désolé , mais qui parle de chefs ?


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 23 mai 2013 09:00

            @ Xenofold

             
            La tendance lourde est heureusement vers la complémentarité et l’autonomie... mais je ne verrai pas le temps du consensus et des hommes libres et égaux. Dans un siècle, peut-être .... De mon vivant, il faudra encore parler de chefs et « faire avec »...

            PJCA

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