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Accueil du site > Tribune Libre > Peut-on en finir avec les impératifs économiques et les indicateurs (...)

Peut-on en finir avec les impératifs économiques et les indicateurs gestionnaires pour mieux vivre sur la planète ?

La question peut bien sembler utopiste. Mais qu'est-ce qui n'était pas hors sol voici même pas deux siècles de toutes les innovations technologiques contemporaines ? Il est clair que les dystopies ont plus de succès. A cela, il y a une explication. 

La gestion des risques occupe une place prépondérante dans les organisations et les institutions. Cependant, cette logique, qui semble incontournable, repose souvent sur une base culturellement craintive. En générant et transmettant de l’effroi, elle s’ancre dans un postulat émotionnel renforcé par l’adoption politique du principe de précaution, un concept qui, bien qu’utile, devient paradoxalement un frein à l’innovation et à la réflexion rationnelle. Pour dépasser ces limites, il est essentiel de comprendre les mécanismes sous-jacents à cette dynamique et de repenser les fondements mêmes de la prévention des risques

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Une culture de la crainte comme fondement

La gestion des risques actuelle s’aligne fréquemment sur une posture de peur anticipée, directement issue des automatismes du cerveau humain. Les recherches en neurosciences montrent que le cerveau, en raison de sa consommation énergétique élevée, privilégie une gestion économique de ses ressources. Ce fonctionnement engendre des raccourcis cognitifs, des croyances et des réactions émotionnelles qui limitent la créativité et la rationalité.

Ainsi, la peur devient une boussole décisionnelle, orientant les pratiques managériales, les politiques publiques et les comportements individuels vers une surenchère, qui peut faire du rajout, de la répétition ou du retrait. Par exemple, le principe de précaution, initialement conçu pour prévenir des catastrophes environnementales et sanitaires, s’est transformé en un frein culturel. On n'investit pas pour résoudre. Pourquoi ? Pour une question de croyance : "on n'y croit pas !" L'application excessive de ce principe fige les initiatives, amplifie les inquiétudes et étouffe les stratégies adaptatives.

Un exemple criant de cette dérive a été observé lors de la gestion du COVID-19, avec des mesures telles que l’autorisation personnelle de sortie de chez soi, illustrant une gestion alarmiste et rigidifiée par la peur.

Le paradoxe du principe de précaution

Le principe de précaution, inscrit dans de nombreux textes juridiques, repose sur l’idée qu’en cas de doute scientifique, il vaut mieux s’abstenir. Cette démarche, bien intentionnée, a cependant glissé vers une approche immobilisante. En mettant l’accent sur les vulnérabilités potentielles, elle favorise une culture de l’abstention plutôt que de l’innovation.

Ce glissement crée un déséquilibre : les opportunités sont occultées au profit des vulnérabilités, et la crainte de l’inconnu prend le pas sur la prise de décision éclairée. Plutôt que de se concentrer sur l’exploration des solutions, cette logique alimente une stagnation culturelle et organisationnelle.

Un modèle émotionnel contre-productif

La logique actuelle de gestion des risques repose sur une hiérarchisation implicite des émotions, où la peur domine comme facteur décisionnel. Cette dynamique ignore plusieurs éléments clés :

  • La diversité des perceptions : Ce qui semble risqué pour une personne peut paraître anodin pour une autre. Les biais émotionnels faussent donc l’évaluation.
  • Les opportunités masquées : Chaque risque porte en lui un potentiel d’apprentissage et de progrès. La sur-focalisation sur l’évitement prive les organisations de ces bénéfices.
  • Les conséquences secondaires de l’évitement : À force de vouloir tout sécuriser, on génère de nouvelles vulnérabilités, telles que l’immobilisme, le blocage de l’innovation ou la perte de compétitivité.

6 idées pratiques pour une prévention rationnelle et équilibrée des risques

Pour dépasser cette culture de la crainte, l’adoption une approche fondée sur l’anticipation réfléchie et l’adaptabilité créative peut changer profondément le référentiel de pensée. Mais, cela implique un changement profond dans les enseignements, les pratiques et tout un ensemble de représentations actuelles :

  1. Réévaluer le principe de précaution : plutôt que de s’en tenir à l’abstention, il faut redonner à ce principe son rôle initial : un outil de vigilance qui équilibre prudence et progrès. Les analyses scientifiques et rationnelles doivent être replacées au cœur des décisions, loin des excès émotionnels. Déclasser la notion de risque comme synonyme de peur Le risque n’est qu’une éventualité, et il doit être traité comme tel. Il s’agit de l’anticiper avec lucidité, sans le dramatiser, pour en faire un objet d’attention créative.

  2. Prioriser les opportunités : plutôt que d’ériger la gestion des risques en dogme, les organisations doivent intégrer la logique d’exploration des bénéfices potentiels associés à chaque situation. Cela transforme la prévention en un levier d’innovation.

  3. Intégrer une dimension pédagogique : les risques doivent être contextualisés, expliqués et partagés de manière transparente. Une régulation collective et proactive des perceptions permet d’éviter les excès émotionnels.

  4. Développer une culture de d'accueil : constater que tous les risques ne peuvent être éliminés est une affaire de logique. Il suffit de se réveiller et, rien avec la conscience incidente, un premier risque s'impose ! Une organisation apprenante met l’accent sur la capacité à réagir et à apprendre des imprévus, plutôt que sur une tentative vaine de tout contrôler.

  5. Revaloriser l’audace et l’innovation : les grandes avancées naissent souvent de prises de risque calculées. Encourager l’expérimentation, même dans des cadres incertains, est un moteur essentiel de transformation.

  6. L’avenir se joue au présent : une vision libératrice. En finir avec cette approche restrictive est essentiel pour mieux vivre sur notre planète. La gestion des risques doit cesser d’être une mécanique de freinage pour devenir un levier de progrès et de créativité collective. En dépassant la logique émotionnelle de la peur et en adoptant une approche rationnelle et anticipative, les organisations peuvent transformer leurs défis en opportunités.

Plutôt que de considérer le risque comme une menace, n'est-il pas temps de le reconnaître comme un défi naturel de l’action humaine, à relever avec audace, lucidité et pragmatisme ? Allez-vous participer à cesser de parler en gestionnaire d'existence, d'émotion, de carrière, de relation, de projet pour contrecarrer ce fatalisme mental qui se justifie toujours comme une évidence pour faire porter à chacun de lourdes chaînes de vie tandis que la vie est un moment de tourisme existentiel…


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12 réactions à cet article    


  • sylvain sylvain 31 décembre 2024 18:15

    Mais c’est que l’anxiete est devenue generale. Deja les pauvres en occident ont acceptes de redevenir miserables, ils ont cesses de se battre, ecrases par des decennies de neo liberalisme ou l’empire et son oligarchie mondialisee les ont ecrases a tous les coups. Leur seul espoir maintenant est que le gros paquet de merde se retrouve sur ceux qui ont la mauvaise culture ou la mauvaise couleur.

    Et puis la troisieme guerre mondiale pointe le bout de son nez un peu partout

    Enfin apres quelques dizainnes ( ou centaines ??) d’annees a penser qu’on faisait progresser l’humain vers une sorte de paradis terrestre via la science et la technique, on commence plus ou moins consciemment a se rendre compte qu’on etait en fait en train de mettre au monde une nouvelle forme de vie qui nous est totalement etrangere.

    Tout ca rend les gens anxieux, une sorte de peur qui ne pousse pas a agir mais a accepter comme une fatalite, une peur de domine. Tu ne peux pas demander a des anxieux de prendre des risques, par definition ils ne peuvent pas


    • Eric F Eric F 1er janvier 09:34

      @sylvain
      Comme l’indique l’auteur, la crainte est spontanée chez l’être humain (du reste, c’est ce qui a permis à notre espèce de subsister depuis son apparition), ce n’est pas spécifique à notre époque, mais ces derniers temps les nuages s’accumulent : grande peur climatique, explosion démographique, déclin économique, instabilité géopolitique, insécurité, etc. tout cela entretenu par ’’l’actualité en continu’’ qui propage l’alarmisme (réchauffement, pandémie...), et les ’’réseaux sociaux’’ dont certains répandent des angoisses apocalyptiques.


    • sylvain sylvain 1er janvier 18:14

      @Eric F
      La crainte est un sentiment qui existe chez tous les animaux. Mais c’est une peur bien differente de l’angoisse. L’auteur parle aussi d’effroi, c’est encore autre chose.

      L’affect dominant de notre temps, c’est l’angoisse.


    • qactus.fr

      Grèce : Y. Varoufakis dénonce l’Occident, un parasite mondial condamné à son propre déclin, et nargue la France avec « Vous n’avez pas de problème de dette en France ».

      Publié le 30.12.2024

      L’ancien chef du ministère grec des Finances a « brisé » la terreur infligée par l’OccidentYanis Varoufakis a accusé l’Occident collectif d’avoir une attitude parasitaire envers de nombreux peuples, dont les Russes :

      « J’aimerais vivre dans un Occident qui ne parasite pas les gens, qu’il rabaisse ensuite en disant que vous êtes des déchets et que vous voulez venir dans un beau jardin. Vous avez tendance à penser en termes de « nous, l’Occident, contre eux ». Et ils sont l’Est. Ce sont les Chinois, les Russes ou les Africains, ou encore ceux qui tentent de naviguer vers nos côtes. C’est la terreur que l’Occident a déchaînée sur de nombreuses autres sociétés qui a créé des menaces existentielles pour les États-Unis et pour nous. Considérons donc un instant la possibilité que cette dichotomie entre l’Occident et le reste du monde soit à l’origine du problème. Ce qui, en substance, condamne l’Occident à un déclin des valeurs et pourrait aboutir à la mort. »

      https://qactus.fr/2024/12/30/grece-y-varoufakis-denonce-loccident-un-parasite-mondial-condamne-a-son-propre-declin-et-nargue-la-france-avec-vous-navez-pas-de-probleme-de-dette-en-france/


      • babelouest babelouest 1er janvier 07:33

        Est-ce cette année que nous serons DÉBARRASSÉS des interventions de Rakotoarison ? Ce serait enfin un soulagement.....


        • Eric F Eric F 1er janvier 09:51

          Le ’’principe de précaution’’ a donné lieu dans nos pays à une prolifération de normes et règlementations extrêmement contraignantes, entravant l’activité économique et même la vie quotidienne.

          En particulier les motifs environnementaux sont argués, par exemple on ne peut plus forer pour rechercher des sources d’énergie (alors que le reste du monde ne s’en soucie guère), la production industrielle devient rédhibitoirement complexifiée et se délocalise vers des régions moins regardantes, idem la production agricole. On nous dit qu’il faut monter en gamme, mais il n’y a alors plus de débuchés vu le tassement des revenus.

          Dans la vie quotidienne, on peut prendre l’exemple du prétexte de sécurité routière qui conduit les édiles à parsemer les routes d’obstacles pour engorger le trafic et casser la vitesse, ces obstacles devenant eux même accidentogènes.

          Serrer la vis et multiplier les obstacles et entraves est devenu la raison d’être des technocrates. Toujours pour ’’la bonne cause’’ évidemment (écologie, santé, sécurité routière..). 


          • LeMerou 1er janvier 18:52

            @Jean-Louis Lascoux

            Bonjour,

            Tout d’abord mes bons voeux pour cette nouvelle année

            « La gestion des risques occupe une place prépondérante dans les organisations et les institutions. »

            A ce propos je dirais oui et non, la technique de gestion des risques n’existe que pour limiter les conséquences ou l’impact de ces derniers sur n’importe quelle choses, actes, etc..

            Maintenant tout dépend du domaine et de la nature du risque étudié. Il n’y a dans cette gestion aucune peur, crainte ou autres, simplement une évaluation rationnelle du risque en trouvant surtout son origine.

            Pour avoir pratiqué longuement cette gestion et c’est très intéressant par les les découvertes, j’ai remarqué qu’il y a toujours un sujet qui revient, l’argent et ce même dans le domaine de la sécurité/prévention, ou certes l’aspect impact sur l’individu est notable et pris en compte, toutefois le combien ça peut coûter (le fameux bénéfice/risque) peut amener l’entreprise à certains changements.

            Pour ce qui concerne le domaine financier que je ne connait pas trop, il est clair que l’on peut rapidement sombrer dans la paranoïa conduisant à identifier le risque du risque. Me rappelant les propos d’un financier à propos de la Bourse et tout ce qui gravite autour, le petit monde de la finance. Ces derniers ne connaissant véritablement que deux états la panique et l’euphorie. Je vous laisse imaginer une analyse alors qu’ils se trouvent dans le premier état..... smiley


            • L'apostilleur L’apostilleur 2 janvier 10:40

              @l’auteur 

              « ..La gestion des risques occupe une place prépondérante dans les organisations et les institutions. Cette logique.. repose souvent sur une base culturellement craintive.. »

              A la Générale depuis Kerviel la gestion des risques est devenue « .. culturellement craintive.. » smiley


              • L'apostilleur L’apostilleur 2 janvier 10:49

                @ l’auteur 

                Vous avez très bien développé les perspectives d’une gestion allégée des risques. 

                Reste que le risque industriel ou économique d’une non gestion serait suicidaire.

                Comme souvent l’optimum est entre les deux.


                • Jules Seyes Jules Seyes 2 janvier 14:09

                  Article interessant.
                  J’aurais cependant un doute sur la causalité.
                  Le probléme n’est pas le principe de précaution, mais le fait que pour créer, il faut investir.
                  Nos dirigeants ne sont pas prés à prendre des risques sur les investissements. Le principe de précaution, leur sert d’excuse.


                  • Yaurrick Yaurrick 2 janvier 19:29

                    @Jules Seyes
                    Pas uniquement les dirigeants, la majeure partie des particuliers n’investit pas dans des entreprises mais préfère au mieux investir dans la pierre ou des assurances vie, au pire dans des livrets.


                  • Zolko Zolko 4 janvier 18:05

                    Réévaluer le principe de précaution ... son rôle initial : un outil de vigilance qui équilibre prudence et progrès. Les analyses scientifiques et rationnelles ...

                     

                    Dans mon métier, on classe les « risques » selon 3 axes : la fréquence (QUE ça arrive), la gravité (SI ça arrive) et la possibilité de le détecter et/ou de réparer (AVANT que ça arrive). On classe chaque risque selon ces 3 critères avec une note entre 1 et 5 et on multiplie : si c’est au dessus de X alors le risque n’est pas acceptable et il faut y remédier.

                     

                    Un autre principe est le ALAPRP : As Low As Reasonably Possible. On organise au mieux mais à la fin c’est quand-même un humain qui intervient

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