Peut-on encore sauver les démocraties ?
La mondialisation, la révolution numérique, l’ubérisation des pratiques semblent conduire à la fin des Nations mais aussi au trépas des démocraties : l’élite qui gouverne se confondra avec le capital disponible. Peut-on penser des mesures qui sauvegarderaient le principe de l’égalité de tous lors d’élections démocratiques ?
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PEUT-ON ENCORE SAUVER LA DÉMOCRATIE ?
Jacques-Robert SIMON
Personne ne s’étonne plus que des pitres puissent prétendre aux plus hautes fonctions de l’État. Le monde politique a confié son sort au monde du spectacle, les communicants chaperonnent toute sortie pour éviter tout impair. Le résultat le plus probant c’est que plus personne ne croie quoi que ce soit même lorsque c’est la vérité. Les notions de droite et de gauche interrogent la plupart des électeurs. On associait le plus souvent la droite aux dominants et la gauche aux dominés. Le monde de la finance ne laisse plus guère aux hommes politiques de choix économiques. La mondialisation des affaires s’est faite incomparablement plus vite et mieux que la mise en place d’instances supranationales de décision. Quant à la gauche, elle a fait son deuil de l’Égalité en acceptant sans rechigner les lois du marché qui sont tout sauf équitables ; elle s’est aperçue qui plus est qu’il n’est guère raisonnable de vouloir diriger sans les dirigeants.
La notion de concurrence libre et non faussée laisse penser que d’un combat sort le plus apte à une fonction. C’est une proposition fausse dans presque tous les domaines d’activité de l’espèce humaine et c’est le plus visible en politique. Le bagout, la docilité vis-à-vis des puissants, l’art de la tromperie et la duplicité sont les caractéristiques principales de presque tous les hommes politiques de premier plan. Le vainqueur d’un combat n’est que le plus fort à ce jeu. Ceci ne préjuge en rien des autres qualités pouvant servir de référence à un peuple, la droiture et l’esprit visionnaire par exemple.
Mais il y a encore plus grave. Le cadre démocratique, dans son essence, n’est pas adapté pour demander des efforts équitablement répartis au sein de la population. La démocratie peut rassembler une majorité d’électeurs pas de citoyens. Plutôt que le déplorer, il est nécessaire de tenir en compte cet aspect pour tirer parti des possibilités réelles de médiation qu’offre une démocratie. Le monde économique aura le dernier mot dans beaucoup de domaines et il est plus simple que ceux-ci soient clairement affichés.
Il est étrange que des décideurs puissent choisir eux-mêmes les règles qui permettent leur accession ou leur maintien aux responsabilités. C’est pourtant ce qui se passe dans le monde politique : les politiciens votent des lois qui encadrent leurs propres agissements. Les politiciens organisent en conséquence des jeux médiatiques de plus en plus complexes pour tenter de parvenir à leurs fins qui coïncident parfois, mais rarement, avec l’intérêt général. Les partis politiques seront de plus en plus privés de leurs auréoles idéologiques faute d’idéologies mais ils peuvent encore fournir un cadre de formation à la notion d’intérêt général et peuvent permettre d’acquérir les éléments techniques indispensables à la gestion d’un collectif. Le processus de déification propre aux scrutins d’antan doit toutefois être abandonné.
Élire directement un responsable de l’importance d’un Président est trop sujet aux effets médiatiques et aux petites phrases cinglantes pour obtenir le meilleur possible des résultats. Il y a lieu de se dégager de tout show médiatique pour obtenir un responsable satisfaisant. Ainsi, le Président de la République pourrait être désigné par une votation des maires de France. Pour desserrer l’étau citadin, un maire compterait pour une voix indépendamment du nombre d’habitants de la commune. Dans le même esprit, l’Assemblée Nationale devrait se transformer en chambre de délibération et abandonner le seul but d’œuvrer pour ou contre un exécutif. Elle serait élue par un vote à un tour avec un scrutin proportionnel intégral. Les listes devraient comporter autant de personnes ayant un revenu au dessous du salaire médian qu’en dessus (salaire médian 2012 : 1730€).
La mondialisation permet aux investisseurs d’optimiser leurs placements en fonction des coûts de production qui dépendent directement des salaires et de la protection sociale des travailleurs utilisés. Les classes sociales tendent à disparaître pour laisser place à des communautés. Pour tenir compte de ces données, une fiscalité liée à la consommation et aux successions doit être privilégiée. Une TVA sociale, qui affecterait une partie du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au financement de la protection sociale, pourrait être instaurée afin de défavoriser financièrement les produits importés de pays ne respectant aucune contrainte sociale.
Les marchands furent chassés du temple et tout ce qui fut produit durant les deux derniers millénaires ne leur doit rien ou pas grand-chose. Ni les grandes, ni les petites découvertes ne naquirent grâce à des apports financiers. Faire croire le contraire fait partie du nouveau catéchisme que l’on tente d’inculquer, il ne repose que sur la croyance que le bon et le bien se confondent avec le rentable. La mise en route industrielle ou la commercialisation d’un produit nécessitent bien des investissements financiers, mais le caractère novateur mis en avant à ce niveau ne concerne que l’accessoire, le rutilant, l’attrayant pas la créativité et le sérieux qui sont l’apanage du chercheur. Les technologies liées à l’énergie doivent rester dans le giron de l’État, celles-ci présentant un caractère essentiel à long terme. La tutelle étatique doit être complète pour être efficace. Il s’agit d’assurer une alimentation énergétique stable à l’ensemble de la société ; c’est une variable multifactorielle impossible à restreindre dans un « marché ». Il est aussi impératif d’utiliser une politique liée aux énergies renouvelables pour créer et développer un tissu industriel au Maghreb, seul moyen de résoudre efficacement des transferts désordonnés de population. Un Commissariat à l’Energie Solaire COMES devrait être mis sur pieds. Il serait en charge de tout ce qui concerne les technologies du futur : éoliennes, cellules photovoltaïques, membranes pour dessaler l’eau de mer, piles, accumulateurs… Le COMES serait en charge des coopérations avec le Maghreb pour capter l’énergie solaire au Sahara et l’utiliser sous forme d’électricité, d’hydrogène ou de méthanol
Le savoir faire français dans le domaine nucléaire ne doit pas d’autre part être perdu. La durée de vie des centrales nucléaires actuellement en fonctionnement devrait être, autant que possible, prolongée. Les recherches sur les surgénérateurs susceptibles d’utiliser l’isotope majoritaire de l’uranium (U238 : 99%) et le thorium (Th232 ) devraient être reprises..
La politique étrangère d’une Nation tient évidemment compte des rapports de force et s’efforce de montrer un degré de machiavélisme au moins égal à celui de ses interlocuteurs. Du point de vue démocratique, il est nécessaire de se référer à des règles simples qui ne prêtent pas à confusion. La France ne devrait avoir aucune prétention à vouloir régenter le monde ou une de ses parties même minime. D’éventuelles interventions militaires devraient donc impérativement se faire dans le cadre des Nations-Unies. Par contre, un service militaire nationale obligatoire devrait être institué pour instiller la notion de Patrie à chaque Français et permettre l’organisation d’une coopération avec certains pays émergents.
La politique actuelle tend à rendre responsable les plus démunis de leur malheur : ils ne montreraient pas assez d’allant à chercher un emploi. Pour ce faire, on précarise les emplois peu rémunérés afin qu’ils puissent remplacer à terme les diverses aides en provenance de l’État. La pauvreté n’est pas encore la misère lorsqu’on dispose d’un logement. Le monde de la finance l’a bien compris et la spéculation immobilière est l’un des moyens les plus sûrs de faire de fructueux bénéfices. Les achats en centre ville de logements par des non-résidents étrangers conduit à l’expulsion de fait des habitants peu nantis. Actuellement, la part de la spéculation par rapport à la production et aux transactions réelles est trop élevée, si élevée qu’une simple régulation ne serait pas efficace. il conviendrait donc de mettre en œuvre un « droit au logement » en faisant en sorte que l’ensemble des biens immobiliers soit régulé ou détenu par l’État.
Il est possible de se résoudre à ce que le Monde soit entièrement aux mains d’entreprises mondialisées, hautement hiérarchisées, redevables aux seuls actionnaires de leurs résultats et du bien fondé de leur politique. Les possédants prétendent d’ailleurs être les pionniers d’une nouvelle renaissance. Il est aussi possible de vouloir échapper à cette fatalité en échappant à un esclavage d’autant plus terrible qu’il se prétend moderne. Une démocratie vivante dans laquelle toutes les opinions sont légitimes et au sein de laquelle chaque voix a la même valeur est nécessaire. Mais les démocraties sous leur forme actuelle ne survivront pas.
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