Peut-on parler d’« un ennemi intérieur » mondialiste contre la Sécurité sociale française ?
On souhaite se tromper et on demande d’avance pardon de poser cette question existentielle à la fois prétentieuse, emphatique et terriblement banale : où va le monde ? Elle en entraîne deux autres qui trahissent une angoisse : où va l’Europe ? Où va la France ?

On imagine bien qu’on n’est pas le seul à se les poser et qu’à voir le bel entrain qu’ils affichent, les dirigeants politiques et économiques paraissent le savoir, certains que le meilleur des mondes possibles est à venir. Qu’est-ce qui a été célébré en grande pompe lors de la récente visite du président chinois en France ? La signature de fabuleux contrats commerciaux, avec, s’empressera-t-on d’ajouter, les emplois qu’ils garantissent !
C’est vrai ! Le commerce n’est-il pas, en outre, un bon moyen de pacifier les relations entre les hommes : « Le commerce guérit des préjugés destructeurs, écrit Montesquieu dans « De l’Esprit des Lois » (1) : et c’est presque une règle générale que, partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce ; et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces. » « L’effet naturel du commerce, assure-t-il encore, est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. ». Comme on voudrait encore le croire !
Raréfaction des ressources et demande accrue
Est-ce bien ce qui s’annonce à plus ou moins brève échéance ? Dans un contexte de mondialisation où toutes les économies nationales, tous crocs dehors, sont mises en concurrence, la montée en puissance de deux pays, la Chine et l’Inde, représentant à eux seuls plus du tiers de la population mondiale, redistribue nécessairement les cartes. Si Chinois et Indiens prétendent légitimement connaître un niveau de vie comparable à celui de l’Europe ou des États-Unis dont la population ne représente qu’un tiers de la Chine et de l’Inde réunies, les ressources connues de la planète ne peuvent y suffire.
Dans l’attente, sous la pression de la demande croissante chinoise, le marché des matières premières et en particulier celui des métaux flambent. Et il n’y a aucune raison que la tendance s’inverse, bien au contraire elle ne peut que se renforcer. Déjà le marché des minerais dits « terres rares », si essentiels aux produits des hautes technologies, est dominé par la Chine. Quant au pétrole dont l’épuisement certain est attendu sans qu’on en connaisse la date précise, sa raréfaction progressive prochaine ne peut qu’être source de vives tensions internationales, tant qu’à cette énergie fossile et à ses dérivés qui ont assuré le confort de la vie quotidienne occidentale depuis cent ans, on n’aura pas trouvé de substituts. Il est vrai, cependant, que tout espoir n’est pas perdu : nul ne peut savoir ce que sera le monde dans trente ans. Qui, en 1950, aurait, en effet, imaginé celui d’aujourd’hui métamorphosé par les révolutions informatique et numérique ?
Paupérisation de la majorité nationale
N’empêche, on a tout lieu de penser qu’on vit sur un volcan dont tous les sismographes de surveillance signalent la montée du magma et son éruption imminente. Or politiques et entrepreneurs paraissent s’en soucier comme d’une guigne et ne se préoccuper que de continuer à faire des affaires, en commençant par tenter de prendre leurs parts de marchés dans les pays dits émergents, où l’absence de protection sociale et des salaires de misère permettent une fabrication de produits à des prix défiant toute concurrence en Europe de l’Ouest et en France en particulier, en raison même d’une haute protection sociale développée progressivement depuis plus d’un siècle.
Sans doute, répète-t-on, la solution est-elle dans l’innovation pour maintenir une avance technologique par rapport à ces pays émergents. Mais pour combien de temps ? En attendant, c’est la délocalisation des entreprises dans ces pays à la main-d’œuvre misérable, et pour prétendre faire face à cette concurrence déloyale, le démantèlement méthodique de la protection sociale en France, pierre par pierre : l’accroissement du chômage, la stagnation des salaires depuis quasiment 25 ans qui abaisse le pouvoir d’achat du marché intérieur et oriente forcément l’économie vers l’étranger, les déremboursements des soins médicaux couverts par la sécurité Sociale et actuellement la démolition du système de retraite par répartition pour le rendre si peu suffisant qu’un système par capitalisation devienne indispensable et fournisse une masse de capitaux à des groupes banquiers impatients d’aller la jouer aux casinos de la finance. Pour procéder à cette démolition en règle, délocalisations à l’extérieur et immigration clandestine encouragée à l’intérieur ont été deux leviers particulièrement activés.
Enrichissement d’une minorité mondialiste
Les heureux bénéficiaires de cette stratégie, eux, n’ont aucun souci à se faire : jamais leurs actions n’ont été tant rétribuées ni les grands patrons tant payés ; leurs actifs sont à l’abri dans des paradis fiscaux. Mais à terme, pour la grande majorité des Européens et donc des Français c’est bien une paupérisation qui est programmée, avec moins l’espoir de voir les Chinois s’aligner sur le système social français que les Français sur celui des Chinois, en attendant que la rareté des ressources et la concurrence pour en disposer conduise à une probable et terrible confrontation. Il devient de plus en plus clair que la mondialisation de ces échanges inégaux et déloyaux enrichit au-delà de toute raison une infime minorité en France, et que, dans ce contexte de concurrence sauvage, la Sécurité sociale française, construite en particulier depuis 1945 pour protéger ceux qui n’ont que leur travail pour toute richesse, et ne pouvant être mondiale mais seulement nationale, doit être détruite si l’on veut que la fête mondialiste continue : concurrence oblige !
Seulement, pour peu qu’on soit attaché à cette Sécurité sociale emblématique d’un mode de vie français, malgré cette guerre économique qui fait rage à travers le monde, peut-on continuer à qualifier de compatriotes les bénéficiaires de ce désastre programmé qui prennent soin de mettre leurs biens en sécurité hors du pays ? Que deviennent donc des individus organisés en clans qui jouent leur propre profit immédiat contre la Sécurité sociale nationale de la majorité de ceux qui civilement sont leurs concitoyens ? N’est ce pas une définition de « l’ennemi intérieur » ? Paul Villach
(1) Montesquieu, « De l’Esprit des lois », II, ch1 et ch 2.
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