Peut-on penser, lire et écrire l’insupportable ?
Avant de parler d’Intelligence Artificielle, demandons-nous ce qu’est l’intelligence.
« L’ultime bonheur de l’homme est dans la pleine union de notre intelligence particulière à l’intelligence totale et primordiale ». Pic de la Mirandole (1463-1494).
À contrario, qu’est-ce que la bêtise ?
Elle ne concerne en aucune façon les bêtes, qui sont génétiquement programmées par la nature, tout en étant capables de s’adapter à ses changements, dans certaines conditions. Modifier, transformer leur environnement au risque de rompre son équilibre, ne leur est en aucun cas possible, puisqu’il dépend du Tout.
Rien n’est isolé dans un univers en autocréation constante, par une logique des choses que nous pouvons appréhender.
« L’apparente finalité de la nature vivante est seulement le résultat de la richesse des combinaisons dont est fait le monde. En soi, il n’y a pas d’intentionnalité dans la nature. Ce n’est pas l’intentionnalité qui guide la combinaison des choses, mais la combinaison des choses qui est à l’origine de l’intentionnalité. » Carlo Rovelli, Écrits vagabonds.
Comment l’espèce humaine a-t-elle pu apparaître dans ce monde vivant ?
Elle fut dès son origine en contradiction totale avec la nature, par l’invention des vêtements, et des armes de la sagaie à la bombe nucléaire.
Une perturbation génétique non naturelle s’est donc produite chez cette espèce et uniquement chez elle, permettant une maîtrise non contrôlée sur l’ensemble du monde animé ou non.
Ce que cette espèce considèrent comme l’intelligence que les dieux ou un Dieu leur aurait donnée est donc en fait une profonde bêtise dont ils ne pourront jamais se libérer, étant des animaux dénaturés, irrémédiablement maléfiques, et condamnés. Le véritable « péché originel » est cette malédiction génétique.
Parmi ses erreurs profondes le langage a permis la confusion par le mensonge, la mauvaise foi, les fausses excuses, les justifications hypocrites et conc les abus de pouvoir, les discordes, les conflits, les vengeances et les crimes les plus odieux.
Il n’y aura pas de punitions individuelles, la plupart des acteurs du désastre sont morts, mais collective. Rien n’est véritablement individuel au sein du monde vivant. L’individualité est un mythe imaginé par les religions et les idéologies afin d’asseoir leur pouvoir.
Seuls quelques sages, par l’observation attentive des processus naturels, peuvent le comprendre : depuis notre conception, nous sommes des « productions conditionnées » dit le Bouddha ; et que la cause de la souffrance est l’ignorance de ce que l’on est vraiment.
La seule solution pour s’intégrer au monde vivant, ce serait de prendre conscience de ce qu’il est fondamentalement : le monde du « Don » permanent. En effet, tout être vivant est à la fois proie (nourriture) et prédateur, des végétaux aux microorganismes et des insectes à l’éléphant. L’"homo sapiens" ne peut l’accepter parce qu’il faudrait qu’il y consente. Et les autres animaux n’ont pas le choix.
« L’enfer n’existe pas pour les animaux, ils y sont déjà » Victor Hugo, Les contemplations.
« Le monde est bien l’enfer, et les hommes sont d’un côté les damnés et de l’autre les diables » Arthur Schopenhauer, L’art de vieillir.
Le message des taoïstes, il y a plus de 2500 ans, fut bien peu écouté des puissants, des rois et des empereurs.
Lao-tseu (Ve siècle av J.-C.), fondateur légendaire du Taoïsme, relève que tout bien a son revers : « Celui qui a inventé le bateau a inventé aussi le naufrage ».
Et pour son disciple Tchouang-tseu (environ 350 av. J.-C.), le sage « laissera l’or dans les collines et les perles au fond de l’océan. Il ne cherchera ni la richesse ni le renom. Il ne se réjouira pas à la perspective d’une longue vie, non plus qu’il se désolera si la mort vient le frapper prématurément. Ses succès ne l’enfleront pas, ses insuccès ne le chagrineront pas. »
« Qui se sert des machines use de mécaniques et son esprit se mécanise. Qui a l’esprit mécanisé ne possède plus la vertu de l’innocence et perd ainsi la paix de l’âme… » Tchouang-Tseu (Zhuangzi environ 350 av. J.-C.)
Philippe Annaba, auteur de « L’Homo sapiens, un animal dénaturé ».
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