Philippe Val, enfant caché de Brigitte Bardot
Une fois n’est pas coutume, le patron de Charlie Hebdo part en croisade contre ceux qu’il n’aime pas et monte d’un cran. Après Chomsky[1], Ramadan[2], Pinter, Bové, Onfray, Siné et Dieudonné, aujourd’hui : la corrida et les aficionados.
On peut être contre quelque chose ou ne pas être d’accord avec quelqu’un. Ca fait partie du jeu démocratique. Mais on en sort lorsqu’on transforme un service public (Radio France) en tribune pour insulter ou ridiculiser ceux qui pensent différemment.
L’éditorialiste Philippe Val qui répète à l’envi qu’il est un fan de Voltaire devrait d’abord lire ses œuvres et faire une enquête approfondie sur le personnage avant de parader en postures qui sont aux antipodes de la diversité des points de vue.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH200/18251-a0036.jpg)
Il y a tout dans cette chronique. Du Val et une ode à la confusion (« corrida, franquisme, NPA[3] »). Ce que d’aucuns-les neurologues- nomment « mentisme ».
Jugements de valeurs et Claude Levi Strauss[4], sans le citer, passé à tabac (« costumes grotesques » ; « esthétisme de pacotille » ; musique ringarde »). Mais encore : insultes mesquines, spécialité du chef, à l’endroit des aficionados (« des humains bas de gamme »).
Et pour ceux qui ont pris le film en route. Psychologie de comptoir avec Françoise Dolto ressuscitée par les grâces de l’actualité et du calcul politique : « se bercer d’un fantasme de domination et d’impunité humaine devant l’humiliation et l’assassinat des bêtes » ; « fascination de la souffrance et de la mort des autres ».
Enfin, cerise sur le gâteau : moralisme à la petite semaine (« quand je vois un aficionado, j’ai honte de faire partie de la même espèce humaine que lui »). Un bréviaire de condescendance dans la matinale de Nicolas Demorand sur Inter vendredi dernier[5].
Qui dit mieux ?
Nos amis les bêtes : après les bébés phoques, les taureaux
Mettre des mots forts- en l’absence de contradicteurs- (« assassinat, « boucherie », « Espagne Franquiste ») est la méthode classique des rhéteurs « post fascistes [6] » (ex- gauchistes dans leur prime jeunesse et aujourd’hui, « gauche du travail et droite des valeurs »).
L’objectif étant, par la terminologie et les raccourcis, vous l’avez compris, la disqualification de l’adversaire -celui qui pense autrement- et sa « mise à mort ». Tiens, une autre forme de corrida.
Mais là n’est pas le propos. Etre pour ou contre quelque chose n’est jamais constructif en soi surtout si les sujets sont complexes et incitent à la nuance. Edgar Morin[7] ne doit pas être la tasse de thé de notre « procureur », c’est évident.
En revanche, sidérant sont le cynisme et la théorie de l’équivalence entre un homme et Trente millions d’amis. On lit : « L’indifférence à la sensibilité animale n’est jamais très éloignée de l’indifférence à la sensibilité humaine ».
Même Bartomé de las Casas n’aurait pas osé pareil amalgame. Bref.
Fusionnel avec les animaux comme l’eut été Bardot. Mais dans « l’indifférence » totale envers les Palestiniens et l’Afrique (sauf le Darfour. Mais là c’est pour mieux taper sur la Chine). Alors que les Gazaouis reçoivent des obus et des missiles sur leurs maisons et des balles[8] quand ils ne se tiennent pas à carreau (Opération plomb durci). Et les « Miguelito snipers », la bas portent l’uniforme et sont adultes. Qu’à cela ne tienne !
C’est dorénavant le positionnement médiatico- politique de Big Boss. Un autre décomplexé après Gallo et consorts[9].
En d’autres termes : obsédé par un gosse pour mieux cautionner la souffrance »des Damnés de la terre et la fracture Nord /Sud.
Chapeau bas !
Finalement, faire avec « bonne presse, bonne figure ». Idéologie du temps et gage d’inamovibilité et de pouvoir pour ces « nouveaux clercs ». C’est le mot de passe.
A entendre le patron de Charlie Hebdo et en bousculant un peu les perspectives, un taureau étrillé par un bambin (avec « la complicité » des adultes en amont) est plus dramatique en soi qu’une population qu’on asphyxie tous les jours. « L’autre arène » qui ne dit pas son nom. Et les « oreilles », si j’ose dire, sont nombreuses !
La didactique mérite bien le détour. Tant l’incohérence des postures discréditent le chro-niqueur, expert en tour de force et contorsion.
« Prendre un enfant par la main »
Pour gagner la bataille, tous les coups sont permis, même l’immonde. C’est le mode d’emploi. Au menu : les prises d’otage. Du genre ? Mettre « un flingue sur la tempe » de Miguelito (qui à cet âge n’a pas encore la capacité de discerner le bien du mal) pour mieux fouetter et culpabiliser un pan entier de la société française qu’il (Val) est à deux doigts de comparer à Mengele.
Et le malaise augmente devant « l’indignation sélective[10] » de l’éditorialiste et ses choix politiques. Partir en croisade contre « Manolete » par exemple. Mais apporter sa plume au terrorisme d’Etat d’Israël. Ou en faire la promo à la télé, évoquant à la pavlovienne, la « légitime défense » et l’antisémitisme.
Quid ?
Etrange, également, pour un « universaliste » autoproclamé de voir son « indifférence », voire sa froideur, à la douleur des Musulmans de France et du monde entier dans l’affaire des « Caricatures[11] ».
Une ataraxie voulue au gré d’enjeux imaginaires. L’argent a ses raisons que le cœur ne connaît pas, on s’en serait douté.
En un mot : Liberté chérie[12] pour les journalistes mais aucune pour des « arriérés » de France (« les aficionados »).
Val fait du Saint-Just[13] et le réhabilite. « Hérétique » pour un socio démocrate !
La morale de l’histoire ?
Avoir toujours à l’œil les anti-corridas et les pros animaux, adeptes du bruit et des coups médiatiques. Ces militants qui passent leur temps à étouffer les « vrais coups de gueule » et noyer le poisson.
Comme Thérésa, le personnage de Milan Kundera dans L’Insoutenable légèreté de l’être, ils préfèrent la « chiennerie » à l’humanité, à défaut d’idées et d’engagements réels sur le terrain. Et peut-être d’éthique.
Si pour le « sulfureux » Alain Finkielkraut, « une paire de bottes ne vaut pas Shakespeare [14] », l’analogie reste pertinente pour notre propos. Un animal n’est pas un humain, n’en déplaise à Val qui certainement n’a cure des taureaux.
Chien de garde et nouveau théologien
Val, dans ce « billet »- au demeurant bien rémunéré par rapport au contenu- ne livre pas les véritables mobiles de « sa chasse » à l’homme. Europhile dans l’âme et aussi par opportunisme, à l’instar d’un « préfet » (Vidocq), il impose l’ordre Bruxellois dans les contrées qu’il estime « sauvages ». Et pas assez parisiennes à son goût.
Entendez par là, insoumises aux directives européennes et à « l’esprit technicien ». En « bon chien de garde », il fait son boulot, somme toute.
Trente millions d’amis n’est qu’un prétexte, personne n’est dupe. Un bouclier de plus pour enfumer.
« Affairiste » par nature et conviction, « l’ex-comique » préfère « casser » du matador que le Traité européen, véritable mouroir des nations et des salariés, pourtant (libre concurrence entre les services, déréglementation, délocalisation, dumping social…).
Toujours une « guerre » de retard. Et jamais là où il faut.
Ne scindez pas l’humanité en deux
Assister à une corrida et être humaniste n’est pas antinomique en soi. Sauf à se considérer censeur et « gardien du temple », n’est-ce pas ?
La barbarie n’est pas là où on la pointe. Les « aficionados » ne sont pas des monstres non plus, des « Fritzl[15] » ou des Monique Olivier. Et au gré de vous décevoir, tout comme vous M.Val, ils appartiennent au genre humain.
Ne scindez pas l’humanité en deux. L’histoire fourmille de crimes justifiés au nom de ce principe, les bons et les mauvais. Les purs, les impurs. Hitler, Staline, Mao, Pol Pot, Ben Laden et tant d’autres.
Vous devriez le savoir, vous qui ne cessez de convoquer les morts et Pétain à longueur de journée.
La barbarie commence aussi dans le choix des mots et la contextualisation des choses et des cultures. Béaba du journalisme qu’on nomme sens et perspective. L’auriez-vous oublié ?
Enfin, vous le donneur de leçon et l’esthète du modèle assimilationniste français, vous devriez savoir qu’un des principes fondamentaux de la République, « c’est à chacun sa vérité, après tout » disait l’autre[16].
« Si dieu est mort » comme vous le suggérez, frôlant le prosélytisme face à la caméra et l’ayahtolisme athée, alors ne le remplacez pas.
Anti-corridas
Source : France Inter, chronique de Philippe Val, vendredi 6 mars 2009.
« Et un enfant qui de surcroît prend plaisir à lire les journaux est doublement outillé pour trouver le chemin de la liberté dans le labyrinthe obscur de l’enfance. Mais, il y a quelques jours, je tombe sur un numéro de Mon Quotidien destiné aux enfants à partir de dix ans dont la une et l’article principal étaient consacrés à la corrida. On y découvre Miguelito, cet enfant de onze ans, Franco- Mexicain qui a tué son premier taureau à six ans et qui depuis en a tué soixante. Récemment au cours d’une corrida au Mexique, il a tué 6 taureaux en une après midi. Sur le site internet de Mon Quotidien, on le voit enfoncer sa banderille dans le cou ensanglanté d’un torillion. Sur le blog, on peut lire les commentaires des gosses choqués voire terrorisés. La corrida est une torture dont les adultes qui s’en repaissent, se réfugient derrière un esthétisme de pacotille pour justifier leur fascination de la souffrance et de la mort des autres. Cette ambiance avinée, ces clameurs d’enthousiasme devant des blessures béantes, ces musiques ringardes, ces costumes grotesques sont autant de prétextes pour se bercer d’un fantasme de domination et d’impunité humaine devant l’humiliation et l’assassinat des bêtes. C’est l’Espagne franquiste qui a remis à la mode cette boucherie qui se prend pour un art. Ce sont des esthètes qui parfois se croient de gauche, qui lui servent de caution et qu’en se prenant pour Montherlant ou Picasso lesquels étaient sans doute des artistes de haut de gamme mais des humains bas de gamme… Faut-il que les groupes de pression et les impresarios richissimes de la corrida soient puissants et politiquement influents dans le sud de la France pour qu’un journal pour gosses, se croie obligés, pour des raisons de marketing de livrer cette cruauté à l’admiration des enfants. Les enfants sont cruels par ignorance, par curiosité et par un sadisme infantile bien connu, enfin bon, on va pas faire du Françoise Dolto mais quels adultes veut-on qu’ils deviennent si l’apprentissage de la compassion et le respect du plus faible, donc de l’animal n’intervienne pas dès le plus jeune âge ? Quand je vois un aficionados, j’ai honte de faire partie de la même espèce humaine que lui. S’il y a des adultes assez cons pour prendre leur plaisir à la souffrance des bêtes, on ne peut que le regretter. Mais attirer les enfants sur cette pente, relève au mieux de l’inconscience au pire de la perversion. Récemment au congrès fondateur du Nouveau parti anticapitaliste de Besancenot, des militants ont proposé un amendement pour la reconnaissance de la sensibilité animale contre la corrida et la chasse à cours. Il a été repoussé avec mépris. L’indifférence à la sensibilité animale n’est jamais très éloignée de l’indifférence à la sensibilité humaine. Par conséquent, je ne demanderai jamais à ma mère de m’abonner à mon quotidien, et quand je serai grand, je voterai jamais non plus pour le NPA, mais ça je m’en doutais déjà un peu avant. »
« Philippe Val » conclut l’euphorique Demorand dans sa matinale.
[1] Noam Chomsky, linguiste américain et analyste politique. Régulièrement, il pige pour le Monde Diplomatique. Daniel Mermet, animateur-producteur sur France Inter lui a consacré un documentaire. La bête de BHL et la bande.
[2] Tariq Ramadan. Islamologue (docteur en Sciences Islamiques et Lettres), philosophe et théologien. Suisse, d’origine égyptienne et de confession musulmane, « il secoue la France depuis une vingtaine d’année », pour reprendre les propos du journaliste Franz Olivier Giesbert, directeur de l’information au Point. Un temps en disgrâce suite à la parution d’un article sur les Nouveaux intellectuels communautaires en 2003 sur internet et au fameux « moratoire », il revient aujourd’hui en force et est devenu une voix critique incontournable en France malgré encore des ostracismes.
[3] Nouveau parti anticapitaliste fondé par Olivier Besancenot pour remplacer la légendaire LCR, Ligue communiste révolutionnaire.
[4] Anthropologue et philosophe français, laudateur dans l’hexagone d’un concept, aujourd’hui incendié par des ex-maoïstes convertis au réalisme politique et passés à droite pour certains : le « relativisme culturel » et « l’occidentalocentrisme ».
[5] France Inter, vendredi 7 mars 2009. On peut la trouver sur internet et sur le site de France Inter.
[6]Ou appelé dans sa forme moderne par certains, « terrorisme intellectuel ».
[7] Sociologue français et « pape » de la complexité, auteur notamment du fameux essai, Introduction à la pensée complexe.
[8]« Nous allons garder le doigt sur la gâchette », dixit Tsipi Livni, Ministre des Affaires étrangère in Le Monde, dimanche18-lundi 19 janvier 2009, n°199901, p.6.
[9] Marianne, semaine du 7 au 13/02/2009, De gauche à droite, comment ils ont viré leur cuti.
[10] Concept anti-pensée unique pour montrer les engagements à géométrie variable des laudateurs du « devoir d’ingérence » et l’idéologie conservatrice qui l’accompagne, sous couvert d’engagement humanitaire.
[11] « Les caricatures de Mahomet » et le procès hyper médiatisé qui a fait de la pub à son journal qui , à l’époque, en avait grandement besoin, paraît-il. Charlie Hebdo gagna le procès.
[12] Essai de l’écrivain et Académicien Julien Green, aujourd’hui décédé.
[13] Homme politique français qui avait déclaré, pour justifier les meurtres des opposants à la révolution (1789), la célèbre phrase : « Pas de liberté aux ennemis de la liberté ».
[14] Finkielkraut Alain, La défaite de la pensée, éditions Gallimard 1988. Il ne cesse par des variantes d’asséner la même formule dans quasiment toutes ses émissions, Réplique sur France Culture les samedi à partir de 9 heures.
[15] Josef Fritzl avait défrayé, hélas, la chronique. Pendant plus de 24 ans, ce père de famille, Autrichien, avait caché sa fille, Elizabeth qu’il avait violée, battue et torturée. Les faits se sont passés entre le 29 août 1986 et le 26 avril 2008. De ces ébats à sens unique, 7 enfants étaient nés dont un serait mort peu de temps après sa naissance.
[16] Michel Onfray, Ce soir ou jamais, France 3,14/01/2009.
42 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON