Pierre Cot avec Jean Moulin : jamais l’un sans l’autre
En 1943, tandis que Jean Moulin préparait, en France, le texte de fondation de ce que l’Histoire a retenu sous le nom de Conseil National de la Résistance, puis se rendait à Londres pour en faire accepter le principe et les modalités de fonctionnement au général de Gaulle, et rentrait enfin au pays avec la responsabilité d’organiser la première réunion (27 mai) de cet organisme qui conserve aujourd’hui encore une part essentielle de son mystère pour la quasi-totalité des Françaises et des Français, son ancien patron et ami, Pierre Cot – qui avait occupé le ministère de l’Air avant et pendant le Front Populaire (Jean Moulin étant son chef de cabinet) – était réfugié aux États-Unis… Il y écrivait un livre…
Ce livre en deux tomes porte le titre : Le Procès de la république. Il a été publié en 1944. Sans lui, rien ne peut être compris de la pensée politique qui animait Jean Moulin lorsqu’il s’est mis en tête d’inventer ce qu’il a d’abord appelé le « Conseil politique de la Résistance ».
Pour ma part, c’est bien en 1993 qu’une lecture attentive des « Mémoires de guerre » du général de Gaulle m’a propulsé dans un univers politique que rien ne m’avait préparé à visiter : l’univers des années trente tel que Pierre Cot avait pu tenter de le dessiner à sa façon, avec toujours auprès de lui l’ami, le disciple, Jean Moulin, qui a pris son relais, dès le 17 juin 1940, pour accomplir cette course exaltante qui, en trois années, a fait de lui un héros incomparable.
Or, pour pouvoir pénétrer dans cet univers politique qui engage l’essentiel de ce que nous sommes en nos qualités de citoyennes et de citoyens français, il m’aura fallu oser regarder une certaine vérité en face : à la page 445 du tome II de ses « Mémoires de guerre » (Editions Plon, 1956), Charles de Gaulle n’a pas hésité à retoucher, dans le texte fondateur du C.N.R., texte si minutieusement préparé par Jean Moulin, un terme essentiel de l’organisation de la vie en société : l’adverbe « souverainement »…
Plus précisément, chez Charles de Gaulle, à l’intérieur de ce texte au bas duquel il avait pourtant apposé sa signature en février 1943, à Londres, en présence de Jean Moulin, il n’y a plus que trois points de suspension en lieu et place de l’adverbe pour lequel le créateur et premier président du Conseil National de la Résistance a tout simplement sacrifié sa vie.
C’est à cet endroit de l’Histoire de France qu’il faudra revenir au livre si piteusement méconnu en France : Le procès de la République de l’inoubliable Pierre Cot, mais aussi à ce que celui-ci avait écrit dès le 28 juillet 1941, depuis les États-Unis, à son ami, le journaliste socialiste Louis Lévy, installé à Londres où il intervenait fréquemment sur les ondes de la radio :
« Je suis persuadé que le général de Gaulle ne se rend même pas compte qu’il est fasciste ; mais je suis sûr qu’il l’est. » (Éric Roussel, Charles de Gaulle, Gallimard 2002, page 239.)
Voilà qui mérite bien quelques petites explications…
Michel J. Cuny
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