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Pistolets Taser : pour un moratoire européen

TASER International l’a encore échappé belle, mais pour combien de temps encore ?

Les quatre policiers canadiens impliqués dans la mort de Robert Dziekanski ne feront pas l’objet de poursuites judiciaires, indique le ministère des affaires publique du Canada, le 12 décembre 2008.
Agé de 40 ans, le ressortissant polonais était décédé à l’aéroport international de Vancouver en 2007 après avoir reçu deux décharges électriques de 50.000 volts chacune, en provenance du célèbre pistolet incapacitant utilisé par la Gendarmerie Royale du Canada (la GRC).
 
Selon le ministère public de Colombie Britannique, le décès de Dziekanski par arrêt cardiaque est dû à une "mort subite après avoir été immobilisé de force", sans que l’enquête n’ait pu en déterminer la cause précise. Toujours selon la justice canadienne, des signes d’"abus chroniques d’alcool" sont probablement responsables de cette issue tragique, bien que les analyses aient démontré que l’homme n’était pas sous l’emprise d’alcool ou de drogues quelconques. L’enquête indique en fait que "le sevrage aurait pu jouer un rôle dans son comportement avant et après avoir eu affaire à la police".
 
En effet, la police fédérale du Canada avait été appelée à la rescousse par les employés de l’aéroport alors que Dziekanski devenait très agressif, se mettant à lancer des petits meubles (tables et chaises) et des ordinateurs au sol. Il errait, complètement perdu dans le terminal, depuis plus de 10 heures, désespérément à la recherche d’informations, sans pouvoir s’exprimer en anglais ou en français, les deux langues officielles au Canada.
Devant faire face à un tel personnage, hurlant à tout-va et devenant incontrôlable, voire enragé, incapable de communiquer avec les policiers, quatre d’entre eux ont décidé de le harponner, littéralement. Peu de temps après, il mourut dans des souffrances atroces.
 
Une vidéo, filmée par un passager et diffusée sur Internet pendant quelques temps, a profondément choqué les Canadiens, les Polonais mais aussi le reste du monde. Maintenant, suite à cette décision de justice, il semble que TASER International ait une fois de plus échappé à davantage de critiques, mais pour combien de temps encore ?
Toujours au Canada, début décembre, la firme basée dans l’Arizona a fait l’objet de vilipendes : des unités de polices provinciales et fédérales ont décidé de retirer de la circulation leurs pistolets (modèle X-26) fabriqués avant 2005 pour les réexaminer.
 
Ce revirement est intervenu après qu’un laboratoire américain indépendant ait montré que certains appareils pouvaient en réalité délivrer bien plus de courant que ce qu’indique TASER comme étant possible. Dans certaines occasions, les analyses ont montré que le courant était 50% plus important que ce qui était spécifié sur les pistolets incapacitants.
 
Les tests, mandatés par l’audio-visuel public canadien et conçus par Pierre Savard (docteur en médecine et en biologie de l’université de Montréal) ont impliqué 41 pistolets (des modèles M-26 et X-26) fournis par sept commissariats de police des Etats-Unis. Ils ont ensuite été analysés par le laboratoire National Technical Systems.
 
Naturellement, TASER International tente de minimiser l’affaire, évoquant une "anomalie" sur les quatre X-26 défectueux... Selon Pierre Savard ainsi que la plupart des ingénieurs en électricité interrogés par CBC / Radio-Canada, les composants électriques des appareils pourraient se détériorer avec l’âge.
 
Le Canada, probablement parce qu’il est sous l’influence de son grand et parfois embarrassant voisin du sud, est aux premières loges dans la quête de transparence, puisque la situation qui entoure les pistolets TASER est plutôt embuée pour l’instant. Et ce qui est exemplaire avec le Canada, c’est que ce processus n’est en aucun cas partisan. Il a pour but unique de découvrir toutes les "anomalies" qui peuvent être générées par un tel "outil" qui se veut révolutionnaire mais peut être aussi capricieux, donc dangereux compte tenu de sa nature.
 
Qu’en est-il de l’Union Européenne ?
 
Jusqu’à présent, l’U.E. n’a pas mandaté de tests indépendants, similaires au Canada, un Etat fédéral. Au contraire, les pistolets TASER se répandent à travers l’Europe de l’ouest. Fin novembre, le gouvernement britannique a commandé quelque 10.000 appareils X-26 pour ses forces de police en Angleterre et au Pays de Galles, après les avoir expérimentés pendant un an. Du côté de l’Europe de l’est, c’est un nouvel "El Dorado" qui se profile à l’horizon pour TASER qui voit en cette région du monde un marché très prometteur.
La Police Nationale française a également ses propres pistolets incapacitants (soit environ 4.500 unités), mais le plus surprenant est que des polices municipales ont été autorisées par la loi à en équiper leurs agents. Tel est le cas, par exemple, de la Police Municipale de Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine, en proche banlieue ouest de Paris.
 
Quoi qu’il en soit maintenant, la justice française a récemment jugé qu’il n’est pas diffamatoire de déclarer que l’utilisation des pistolets TASER pouvaient parfois causer la mort. Olivier Besancenot, le leader d’extrême gauche avait déclaré dans un entretien accordé à un journal gratuit que les X-26 avaient probablement engendré la mort d’au moins 150 personnes aux Etats-Unis. Une association en avait fait de même, et l’un et l’autre ont remporté leur procès en mars et novembre 2008 contre le distributeur français de TASER qui les avait attaqués en justice.
 
A ce stade, personne n’est sûr à 100% que les pistolets incapacitants de la société TASER sont sans danger mortel car trop peu de tests indépendants ont été menés jusqu’à présent. Certains analystes suggèrent même qu’il serait nécessaire de suivre le Canada dans sa volonté d’en découvrir davantage sur la star controversée des produits TASER. L’Union Européenne devrait par ailleurs monter un groupe de travail sur la famille des pistolets à impulsions électriques, dans un souci de transparence et donc de protection de ses citoyens face à un "ustensile" qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
 
En fait, en tout premier lieu, l’U.E. se doit de déclarer un moratoire en bonne et due forme sur l’utilisation de ces armes qui sèment la controverse. La politique de précaution devrait s’appliquer dans ce cas, étant donné que le pistolet paralysant, sur lequel les critiques fusent de toute part, n’a pas encore été complètement examiné avec précision... à moins que... TASER soit capable de fabriquer des appareils polyglottes, eux-mêmes capables de faire un petit test cardiaque rapide avant d’envoyer les chocs électriques...
 
La GRC ne fera pas l’objet de poursuites judiciaires au Canada mais l’enquête sur la mort de Dzekanski en elle-même doit reprendre en janvier et il va s’en dire que TASER se retrouvera au centre des accusations.
 
Sébastien PICHON
 

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