Plaidoyer pour la création de banques publiques
A l'heure où le financement de l'Etat par les banques est soumis à une sévère critique, du fait des cures d'austérité imposées aux populations par les banques privées, il convient de s'interroger sur la mise en place de nouveaux moyens de financement qui profiteraient directement aux collecivités locales en leur donnant les moyens de se financer elles-mêmes avec leur propres ressources, au lieu d'être obligées de passer par les circuits de financement bancaires classiques dont les instruments de financement profitent davantage aux institutions financières qu'à léconomie réelle.
Nombre de syndicats comme la FSU, en la personne de Bernardette Groison, se plaignent avec raison de la dégradation des services publics qui n’arrivent pas, en ces temps de crise, à faire face une demande croissante, du fait des réductions d’effectifs décidées par le gouvernement, sous prétexte d’austérité budgétaire. Autant le constat paraît juste, autant les moyens suggérés pour remédier à cette situation de crise du service public paraissent inadéquats. En bons adeptes de la vulgate marxiste, nos syndicats prétendent qu’il suffit de prendre un peu plus dans la poche des riches pour rétablir un juste équilibre social, grâce au financement de la remise à niveau du service public qui serait doté des moyens humains et matériels qui lui font défaut. Or la redistribution des revenus entre riches et pauvres comme remède à la crise apparaît comme une fausse bonne solution. En effet nos syndicats s’attachent aux causes secondes, comme la déduction drastique du nombre de fonctionnaires, pour mieux oublier les causes premières qui sont à chercher dans le financement de l’Etat par les banques privées. Ces financiers sont montrés du doigt parce qu’ils imposeraient à l’Etat une cure d’austérité au nom du désendettement des banques nécessitant une réduction des besoins de financement de l’Etat.
Il faut rappeler à ce sujet que l’Etat en vertu des dispositions du Traité de Maastricht puis du Traité de Lisbonne est obligé de s’adresser aux marchés financiers par le truchement des banques d’affaires pour répondre à ses besoins de financement, au lieu de faire fonctionner la planche à billets, comme du temps où la Banque de France émettait de la monnaie pour financer les programmes d’investissement décidés par l’Etat. A cette époque de maîtrise des dépenses publiques, l’indépendance de la Banque de France interdisait à l’Etat de faire payer à la Banque de France ses « fins de mois » au nom de la justice sociale. En effet le consommateur finissait par payer ses largesses monétaires sous la forme d’inflation par les prix du fait de la dépréciation de la monnaie. Dans le nouveau système, l’Etat n’est plus limité dans ses dépenses par les statuts de la Banque de France qui impose de lutter contre l’inflation, mais par les critères de rigueur budgétaire d’une part et la notation des agences de crédit d’autre part qui sont chargées de la notation des débiteurs, afin de surveiller leurs capacités de remboursement et de permettre aux créditeurs de tarifer leur offre de crédit sous la forme d’émission obligataire sur les marchés (les fameux spreads obligataires). Il y a donc eu de la part de l’Etat un véritable abandon du pouvoir de création monétaire qui a été remis à un cartel de banques privées comme du temps où la Banque de France était elle-même une banque privée constituée des principaux financiers de l’économie française qui s’était fait remettre le pouvoir de battre monnaie contre la garantie de remboursement par les revenus fiscaux. En l’occurrence, il ya donc bien une véritable captation de la richesse publique par les créanciers privés qui ont été sauvés de la faillite à chaque fois que les cures de désendettement nécessitées par le dégonflement des bulles de crédit menaçaient la solvabilité des banques. Ce sauvetage est opéré par la BCE qui rachète les titres de dette bancaires contre des liquidités pour maintenir la capacité de financement des banques, c’est-à-dire leur aptitude à acheter des obligations souveraines de façon à ce que les Etats eux-mêmes ne se retrouvent pas en situation de défaut sur lette dette publique.
Les banquiers et les Etats fonctionnent donc en circuit fermé, dans la mesure où les liquidités bancaires servent à refinancer perpétuellement la dette publique et bancaire au-lieu de financer les acteurs de l’économie réelle qui eux voient s’effondrer l’offre monétaire sous forme de crédits aux entreprises (masse monétaire M2). Nous nous retrouvons donc dans cette situation incongrue où l’offre monétaire sous forme de monnaie bancaire M3 gonfle dans des proportions astronomiques, en rapport avec le volume de dette créée par les banques d’affaires (dettes et produits de financement sous la forme de produits dérivés), alors que la masse monétaire disponible pour financer l’investissement ou la consommation ne cesse de diminuer, au grand dam des populations condamnées au chômage et à la misère.
La solution au problème posé par la réduction des services publics et leur semi privatisation passe donc en grande partie non par une redistribution des revenus mais à une refonte radicale du système de financement de l’Etat et de l’économie au sens large. Plutôt que de se perdre à refinancer indéfiniment la dette bancaire avec des fausses liquidités qui ne sont que des lignes de cash mises en regard des titres sans valeur rachetées par la BCE, il vaudrait mieux rediriger l’argent créé par la banque centrale vers le financement des acteurs publics ou privés dont l’investissement aurait un impact direct sous la forme de création d’emplois et d’élévation des revenus. On nous dit que cela est impossible parce que la banque centrale ne peut agir comme un prêteur de dernier ressort créateur net de monnaie, alors même que la BCE créée des trillions à son actif en rachetant massivement de la dette bancaire qui est stérilisée par le fait même qu’elle ne peut sortir des circuits de financement bancaires. Mais dans un cas il y a création de richesse réelle sous la forme du retour sur investissement comme le financement de logements dans les communes ou le financement d’infrastructures locales, ou le financement des familles ou des projets d’éducation au niveau des communes ou des régions, alors que dans l’autre il y a création de richesse sous la forme de plus-value bancaire, les liquidités fournies aux banques leur servant à spéculer, alors que cette monnaie bancaire ne profitent qu’aux actionnaires et à l’Etat et jamais à la population elle-même soumise à la loi d’airain des intérêts composés.
Il y a donc urgence à rediscuter de l’allocation des moyens financiers sous la forme des pouvoirs de créations monétaires qui après avoir été confisqués par un cartel de banques ne considérant que l’intérêt des actionnaires et de l’Etat qu’elles financent, doivent retourner au peuple qui est le véritable créateur de richesse. Actuellement tout se passe comme si les banques empruntaient à l’économie réelle son capital patrimonial pour le démultiplier par le biais de l’endettement en générant du crédit ou des produits de financement dans un rapport de un pour dix (au bilan, mais beaucoup plus en hors bilan grâce à la transformation des actifs en produits de dette via des entités juridiques ad hoc et aux économies réalisées en capital réglementaire par les garanties dont jouissent les groupes de bancassurance chouchoutés par l’accord Bâle III), alors que cette monnaie retourne de moins en moins à l’économie réelle mais sert de plus en plus à créer de la monnaie avec de la monnaie, c’est-à-dire à spéculer à partir des instruments equity ou dette dits de marché qui ont perdu leur finalité initiale de financement de l’économie réelle, pour devenir des instruments de spéculation. C’est le cas par exemple des instruments de « transfert de risque », comme les CDO ou les CDS, qui loin de permettre aux créditeurs de se protéger contre le risque de non remboursement servent surtout à financer des expositions avec effet de levier entre le secteur réglementé, où se trouvent les banques et les compagnies d’assurance, et le secteur non réglementé qui abritent les hedge funds et autres véhicules d’investissement spéciaux créés tout exprès par les banques, en général dans les paradis fiscaux. On pourrait aussi citer les instruments dits de financement synthétiques, comme les TRS sur des indices boursiers, qui permettent aux banques de générer de la dette grâce à des prises de positions sur des portefeuilles d’actifs non détenus mais simplement référencés dans leur hors bilan via des dérivés OTC avec effet de levier ne nécessitant même pas de financement de départ.
Ce retour au peuple du privilège bancaire d’émission de moyens de financement pourrait prendre la forme de banques publiques au service des collectivités locales ou des régions sur la base capitalistique constituée par les revenus fiscaux de ces entités locales dont elles auraient pour partie la libre disposition, afin de générer de la dette finançant des projets d’utilité publique grâce aux taxes versées et non confisquées par l’Etat, comme garantie de l’émission monétaire par les banques . Le revenu des personnes privées se trouverait ainsi démultiplier par la dette émise pour financer des projets productifs et lucratifs – sur le modèle du démultiplicateur de crédit dont profite les banques grâce à l’effet de levier de l’endettement au bilan - au niveau des populations locales, plutôt que d’alimenter les circuits de création monétaire stérile profitant toujours aux privilégiés de la création monétaire que sont les banques et jamais à leurs déposants. Ceux-ci sont pourtant leurs principaux apporteurs à titre gratuit de ressources financières dont ils ne peuvent disposer qu’en souscrivant des emprunts qu’ils doivent rembourser avec intérêts sans avoir les moyens d’accéder au marché de la dette avec les liquidités prêtées par la banque avec leurs dépôts. Ainsi au lieu d’être obligé de déposer leur salaire à la banque, les salariés seraient en mesure, grâce aux banques publiques d’investir et de récupérer le fruit monétaire de leur travail en ayant accès au privilège de création monétaire sous la forme de dettes qui viendraient gonfler leur patrimoine equity avec les revenus sur investissement, au lieu de le détruire en les forçant à emprunter de l’argent à intérêt auprès des banques pour investir.
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